Grandes marées : un tournant dans la gestion du territoire
Dossier spécial, 15 ans plus tard
Les grandes marées de 2010 ont provoqué une transformation profonde dans la façon dont les municipalités côtières abordent aujourd’hui l’aménagement du territoire.
Avant cette catastrophe, la MRC de La Mitis imposait une distance minimale de seulement 9 mètres entre une nouvelle construction et la ligne des hautes eaux. En se basant sur les données fournies par la Chaire de recherche en géoscience côtière de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), cette marge atteint désormais 42 mètres dans certains secteurs.
Ce resserrement spectaculaire des normes découle d’une meilleure compréhension du territoire. Les chercheurs de l’UQAR ont comparé des photographies aériennes des années 1940 à nos jours, qui ont révélé que la côte régresse progressivement.
Le recul moyen mesuré lors de la tempête de 2010 a atteint près de 4 mètres, alors que le taux moyen annuel entre 2004 et 2010 était généralement inférieur à 0,2 mètre. Plus de 800 demandes d’avis géomorphologiques ont été adressées au ministère de la Sécurité publique du Québec à la suite de la tempête de 2010.
Sainte-Flavie, « un autre Forillon »
Sainte-Flavie illustre parfaitement cette nouvelle approche préventive. La municipalité a géré une enveloppe de 5,5 M$ octroyée par le ministère de la Sécurité publique pour un projet pilote de déménagement volontaire.

« À Sainte-Flavie, il y a 63 maisons qui ont été enlevées du bord du fleuve, relate Damien Ruest, qui était maire au moment des grandes marées du 6 décembre 2010. On a réussi à en sauver 16. Puis, les autres sont parties au dépotoir. Des citoyens ont été déracinés de force. »
Cette démarche n’a pas été sans conséquence humaine. Sainte-Flavie, qui comptait 946 habitants en 2010, en recensait une centaine de moins une dizaine d’années plus tard.
« Ces gens-là sont partis à Mont-Joli ou à Rimouski, indique monsieur Ruest. C’est quasiment un autre Forillon! »
Monsieur Ruest, qui est le propriétaire du Motel La Mer Veille à Sainte-Flavie, témoigne de cette transformation radicale du paysage : dix de ses voisins sont partis et la municipalité a construit un parc là où se trouvaient autrefois dix propriétés.

Malgré ces changements draconiens, des défis persistent. Plusieurs résidents demeurent dans des zones où aucune nouvelle construction n’est désormais permise, créant une situation paradoxale, où certains vivent dans un territoire jugé trop dangereux pour tout développement futur.
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