La prochaine est encore en vie
L'opinion de Carol-Ann Kack
Les 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes viennent de prendre fin le 6 décembre, jour de la triste commémoration de l’attentat antiféministe de l’École Polytechnique de Montréal, survenue en 1989.
Opinion de Carol-Ann Kack
Ce sont 14 femmes qui ont été assassinées, parce qu’elles étaient des femmes. Malheureusement, en 2025, des femmes meurent encore pour la même raison.
À l’heure d’écrire ces lignes, pour l’année 2025, nous en sommes à 16 féminicides qui ont été commis sur le territoire du Québec. 16 femmes tuées parce qu’elles étaient des femmes. Ce ne sont pas des accidents. Ce ne sont pas des faits divers.
Ce sont des meurtres qui sont survenus dans un contexte d’extrême violence sexiste. Ces victimes ont toutes été tuées à leur domicile, alors que c’est l’endroit dans lequel on devrait se sentir (et être) le plus en sécurité. 8 d’entre elles ont été tuées par leur partenaire, dans un contexte de violence conjugale.
Les autres ont été tuées par leur fils (5), par leur petit fils (1), par leur ex-partenaire (1) ou encore par quelqu’un qui était hébergé chez elle (1). Ça fesse.
Et ça ne cesse pas. Questionné en chambre sur ce qu’il ferait pour qu’il n’y ait pas de prochaine victime, le gouvernement de la CAQ s’est pressé de mettre de l’avant un geste phare qu’il a posé pour s’attaquer à cette question en 2018 : la mise en place des bracelets antirapprochement.
On peut évidemment saluer cette action ; elle permet une surveillance plus efficace des auteurs de violence.
Ceci étant dit, depuis la mise en place de cette mesure en 2018, ce sont plus de 100 femmes qui ont été tuées. Si cette mesure était un pas dans la bonne direction, il est nettement insuffisant et il faudra faire plus.
Une demande sur deux refusée
Les maisons d’hébergement au Québec doivent actuellement refuser une demande d’aide sur deux. C’est énorme. Cette hausse de demandes d’aide est paradoxale.
D’un côté, certaines actions ont clairement porté fruit : nous arrivons mieux à reconnaître la violence conjugale et les ressources d’aide sont mieux connues, faisant en sorte que les victimes demandent davantage d’aide qu’avant.
Le revers de la médaille, c’est que les services sont insuffisants pour répondre à toutes celles qui en auraient besoin.
Après tout le cheminement qui doit être fait pour demander de l’aide quand on est victime, se braquer à une porte close m’apparaît inconcevable.
Comprenez-moi bien, je ne blâme pas les maisons d’hébergement d’avoir des capacités limitées d’accueil, mais bien le financement insuffisant avec lequel elles doivent vivre pour desservir des besoins qui sont plus grands. Il faut absolument rehausser leur financement afin qu’elles y arrivent.
Vers un registre des multirécidivistes ?
Nous connaissons d’autres des pistes d’actions pour faire mieux. Dans une proportion importante des féminicides rapportés, l’auteur du meurtre est un récidiviste ou un multirécidiviste.
Une des recommandations évoquées par des experts (et mis en pratique dans d’autres provinces et pays) est la possibilité de créer un registre de multirécidivistes en matière de violence conjugale. Ce genre d’outil peut changer les choses, en donnant accès à ces informations à la population.
Nous devons nous donner les moyens de nous protéger.
Évidemment, nous ne mettrons pas fin aux violences avec une ou deux mesures. C’est un enjeu social qui nous demande d’intervenir avec un ensemble d’actions qui touchent la société, la justice, les institutions, l’éducation et les comportements individuels. Ce n’est pas un mince défi.
Il faudrait d’abord que le gouvernement reconnaît l’ampleur de cette crise et qu’elle y répondre avec le sérieux qu’elle exige.
Les féminicides ne sont ni inévitables ni isolés. Si nous voulons éviter que d’autres noms s’ajoutent au décompte déjà trop long, nous devons investir dans les ressources, renforcer les mesures de prévention et agir de manière cohérente et soutenue.
Rappelons-nous : la prochaine est encore en vie. Nous devons agir pour qu’elle le reste.


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