L’art de ne rien faire en investissement
Ne pas conserver ses placements s’est avéré coûteux en 2023Notre première chronique de 2024, publiée le 12 janvier dernier, a permis de faire une rétrospective sur les rendements des différentes classes d’actifs en 2023.
Par exemple, nous avons mentionné que le rendement total (incluant les dividendes) de l’indice phare américain S&P 500 avait été de 26,26 %. Encore faut-il, pour avoir réalisé un rendement similaire, avoir conservé ses investissements du 1er janvier au 31 décembre 2023.
Essayer d’anticiper l’évolution des marchés boursiers (market timing) n’a rien de nouveau. La prise de décision de l’investisseur est constamment influencée par des erreurs cognitives et des biais émotionnels.
C’est pourquoi plusieurs investisseurs tentent, tant bien que mal, de prédire le moment parfait pour entrer dans le marché ou en sortir.
Dans son livre Common Sense on Mutual Funds: New Imperatives for the Intelligent Investor paru en 1999, John C. Bogle, fondateur de la firme d’investissement Vanguard, écrivait ceci : « L’idée qu’une cloche sonne pour indiquer quand les investisseurs devraient entrer dans le marché ou en sortir n’est tout simplement pas crédible. » Et il avait raison.
Le graphique ci-haut présente différents scénarios de rendements en 2023 pour l’indice américain S&P 500.
Bien que le rendement total du S&P 500 ait été d’un peu plus de 26 % en 2023, l’absence d’investissement pendant les cinq meilleurs jours du marché aurait réduit de plus de la moitié le rendement réalisé, tandis que l’absence pendant les dix meilleurs jours du marché aurait procuré un rendement inférieur à 4 %.
Manquer les 15 et 20 meilleurs jours aurait procuré des rendements négatifs, respectivement de -3,46 % et -9,64 %. Ne pas conserver ses placements s’est avéré coûteux en 2023, très coûteux. Tenter d’anticiper les variations des marchés est souvent à proscrire, et l’investisseur moyen du fonds Fidelity Magellan l’a appris à ses dépens.
L’histoire du fonds Fidelity Magellan
L’un des plus grands investisseurs américains, Peter Lynch, a dirigé le fonds Fidelity Magellan de 1977 à 1990. Durant son mandat de 13 ans comme gestionnaire de portefeuille, Peter Lynch a réalisé un rendement annualisé d’environ 29 %, soit plus du double que ce que le S&P 500 a obtenu durant cette période.
Conscients de la performance exceptionnelle de ce fonds commun de placement, les investisseurs en ont fait l’un des plus importants de cette époque. Lors de la nomination de Peter Lynch en 1977, le fonds ne disposait que d’environ 20 millions de dollars d’actifs. À son départ en 1990, l’actif du fonds atteignait 14 milliards de dollars.
À première vue, ces données laissent présager une histoire à succès pour les gens qui ont investi dans ce fonds. La réalité est tout autre. Selon une étude de Fidelity Investments, l’investisseur moyen a perdu de l’argent durant le mandat de Peter Lynch à la tête du fonds Fidelity Magellan, et ce, malgré un impressionnant rendement annualisé de 29 %.
Comment l’investisseur moyen a-t-il perdu de l’argent pendant cette période? Comme vous le savez, le marché boursier oscille parfois à la hausse, parfois à la baisse.
Lorsque le marché fluctuait à la hausse, la valeur du fonds Magellan augmentait elle aussi. Cela attirait les investisseurs qui se précipitaient pour investir. À l’inverse, lorsque le marché et le fonds baissaient, les investisseurs vendaient.
Ainsi, l’investisseur moyen faisait l’inverse de la devise « acheter bas, vendre haut » (buy low, sell high). Ils achetaient quand le marché avait augmenté et vendaient quand le marché avait descendu.
Ce phénomène d’entrer dans un marché financier lorsqu’il est en hausse et d’en sortir lorsqu’il est en baisse se nomme le biais de récence, soit la tendance à baser une décision d’investissement sur des faits récents, comme les récentes performances du marché, plutôt que d’adopter une perspective plus globale.
Toutefois, les récentes performances du marché boursier n’indiquent aucunement ce que l’avenir nous réserve[1].
Selon une recherche quantitative de Dalbar[2] sur l’analyse du comportement des investisseurs, la sous-performance de l’investisseur moyen s’explique par la nature humaine.
Les investisseurs sont trop souvent motivés par l’émotion, ce qui les incite à acheter et à vendre au mauvais moment : ils achètent lorsque les marchés sont hauts et vendent lorsque les marchés sont bas.
Après une période de bonne performance, les investisseurs font la chasse aux rendements. Inversement, ils vendent en panique après une période de mauvaise performance.
La réaction humaine à une bonne ou à une mauvaise nouvelle est généralement excessive, ce qui mène à des décisions financières illogiques. L’effet néfaste sur la performance à long terme d’un portefeuille est considérable, et les investisseurs qui ont tenté de jouer aux devins par le passé et en 2023 vont, pour la plupart, le regretter encore bien longtemps.
Pier-Luc Perreault, CFA, M. Sc.
Conseiller associé en gestion de patrimoine, Valeurs mobilières Desjardins
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[1] Roth&Co, Fighting the Last War, 2023
[2] Dalbar, Quantitative Analysis of Investor Behavior, 2020 QAIB Report