En pleine Crise d’octobre, il y a 50 ans, naissait le Festival d’automne de Rimouski
Si le Festival d'automne de Rimouski existait toujours, on célèbrerait cette année la cinquantième édition de ce qui fut la plus grande fête populaire de tout l'Est-du-Québec.Dans les bonnes années, le Festival n’était surpassé, en termes de visiteurs, que par le Carnaval de Québec et se trouvait sur un pied d’égalité au deuxième rang avec le très populaire Carnaval souvenir de Chicoutimi. Le Festival d’automne a cessé ses activités faute de personnes bénévoles pour l’encadrer et l’animer, avant d’être relancé puis de disparaître à nouveau.
Curieusement, l’histoire du Festival d’automne de Rimouski commence en France. Il s’agit au départ d’un concours organisé à partir de 1967 par trois grandes sociétés, Europe 1, Pernod et Gévelot. Ce concours, connu sous le nom d’Opération faisans, était une initiative visant la relance des Sociétés de chasses communales françaises. Les heureux gagnants ont alors le privilège de participer à un voyage de chasse à l’étranger. En 1967, le pays hôte choisi est la Tchécoslovaquie, en 1968 et 1969 les chasseurs français s’envolent vers l’Ouest canadien tandis qu’en 1970, les organisateurs choisissent le Québec, et plus spécifiquement la ville de Rimouski, pour accueillir les 200 gagnants.
Nul n’avait pu prévoir cependant que les chasseurs armés allaient débarquer au Québec en pleine Crise d’octobre… La mise en vigueur de la Loi des mesures de guerre interdit à quiconque de se promener avec des armes à feu à la grandeur du Québec. Après bien des négociations avec les autorités, la chasse au faisan a quand même lieu, mais sous l’étroite surveillance de la police et de l’armée… Néanmoins, le comité d’accueil rimouskois doit annuler plusieurs des activités prévues pour agrémenter le séjour des visiteurs. Mais ce n’est que partie remise car les Français décident de revenir l’année suivante. Cette fois, Rimouski organise un véritable Festival d’automne pour recevoir les gens de l’Opération faisans. Le 21 octobre, mille personnes attendent les 200 « cousins » français à leur descente d’avion à Mont-Joli. L’événement est couvert par plusieurs médias français dont Paris Match. Le programme, destiné à favoriser un échange culturel, social et récréatif avec les Français, comprend des spectacles, une soirée canadienne et des expositions. Plus de mille jeunes dansent sous la Grande Place lors d’une activité spéciale tandis qu’une foule évaluée à 25 000 personnes assiste le 29 octobre au plus grand feu d’artifice jamais organisé à Rimouski. Une coutume vient de naître et elle a pour nom le « cousinage ».
Malgré la fin de l’Opération faisans, le Festival d’automne revient en force en 1972 avec la mise sur pied du Saloon, un gigantesque bar dansant aménagé dans le pavillon polyvalent. Au cours des années suivantes, des centaines d’activités sportives, culturelles et sociales viennent se greffer à la très populaire chasse au faisan. Au milieu des années 1980, le budget frôle le demi-million de dollars. Désormais, le terme « cousins » désigne tous les visiteurs. L’un des membres de la corporation du Festival, le caricaturiste Christian Girard, a l’idée de créer le « Ti-Cousin » avec un logo aux chaudes couleurs de l’automne. Et les « Ti-Cousins » viennent de plus en plus nombreux à la fête. Certaines années ils sont 300 000 à participer aux nombreuses activités pour des retombées économiques évaluées entre 2,5 et 6 M $. Dès 1973, une corporation de 75 membres, dotée par la suite d’une permanence, s’occupe d’organiser la fête avec l’appui de 800 personnes bénévoles ! Dans les décennies 1970 et 1980, accéder à la présidence du Festival d’automne était d’ailleurs considéré comme un grand honneur. Plusieurs ont eu ce privilège, mentionnons notamment Jean Thisdel, Jean Bernier, Georges Lebel, Clément Claveau, Rock Lamontagne, Ghislain St-Pierre, Marcel Pelletier, Richard Lepage, Diane St-Pierre, Huguette Thériault, Michel Lévesque et Marc Labbé.
Mais bientôt le Festival soulève la controverse. Chaque année, le bilan policier s’alourdit ; vandalisme, méfaits, bagarres et accidents mortels causés par des conducteurs ivres viennent ternir les festivités. Une étude menée en 1985 confirme qu’une bonne partie de la population perçoit alors le Festival comme une beuverie. À partir de cette époque, la Ville de Rimouski réduit de 90 000 $ à 50 000 $ la subvention versée à la corporation. D’ailleurs lors d’une réunion mouvementée du Conseil municipal, le 19 mars 1984, le président de la Corporation du Festival, Paul-André Boucher, et tous les administrateurs, quittent brusquement la salle en laissant leurs vestons à carreaux sur les chaises, un geste qualifié de « numéro de cirque » par le maire Philippe Michaud.
En 1989, l’organisme est confronté à un manque criant de relève et à l’essoufflement du bénévolat. Cette année-là le Festival est sauvé de justesse, mais le sursis est de courte durée puisqu’en 1991 le milieu se désintéresse totalement de sa grande fête d’automne. Seulement quatre personnes se présentent à une réunion extraordinaire entraînant au mois de mars la dissolution de la corporation.
C’est à Pierre-Paul D’Anjou, celui-là même qui avait créé le Saloon en 1972, que l’on doit la relance du Festival d’automne en 2002. Cette fois, la grande fête change totalement d’orientation avec une programmation destinée principalement aux familles. Cette nouvelle mouture du Festival d’automne dure 10 ans. Encore une fois, le manque de relève et des problèmes financiers empêchent la présentation de l’événement en 2012. Puis, le 3 février 2013 les dirigeants de la Corporation du festival, aux prises avec une dette de plus de 127 000 $, annoncent que l’organisme s’est placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Cette fois, la page semble définitivement tournée sur le Festival d’automne de Rimouski.