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Quand Rimouski avait des consulats

À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, pas moins de trois pays avaient des consulats à Rimouski !
Le consul des États-Unis, Frederick M. Ryder et son épouse ont habité en 1908 la pension Le Château Rouleau. Photo Richard Saindon

Pendant le dernier tiers du 19e siècle, Les États-Unis ont procédé à l’ouverture de onze consulats au Québec. Trois de ceux-ci sont situés dans l’Est du Québec; Rivière-du-Loup, Rimouski et Gaspé. Ce n’est pas un hasard car il s’agit de trois villes portuaires. À cette époque, le transport maritime est l’une des premières préoccupations des consuls. Ils doivent tenir un journal des arrivées des navires et noter leurs cargaisons, s’occuper des droits de douane et venir en aide aux marins américains dans le besoin ou en détresse. Plusieurs pays font affaire avec des commerçants locaux qui sont alors nommés vice-consuls, mais les États-Unis nomment la plupart du temps des représentants issus de leur propre corps diplomatique.

Suède et Norvège

Ces deux pays semblent avoir été les premiers à ouvrir simultanément des consulats à Rimouski. Le 3 juin 1868, le député de Rimouski à Ottawa, Georges Sylvain, est nommé vice-consul de la Suède et de la Norvège. Sylvain est l’une des figures dominantes de Rimouski à l’époque. Arrivé au Bic en 1846, il supervise toutes les activités de la compagnie Price dans cette localité. Il devient maître de poste, armateur et premier maire du Bic en 1855. Élu député de Rimouski en 1861 à la Chambre d’assemblée du Canada-Uni, il est réélu en 1863 et il sera, en 1867, le premier député à représenter le comté de Rimouski après la Confédération.

Georges Sylvain, vice-consul de la Suède et de la Norvège à Rimouski. Collection Richard Saindon

Des documents aux archives de la Norvège à Oslo nous apprennent quel travail Georges Sylvain effectue en tant que vice-consul. D’abord, les capitaines de tous les navires norvégiens ou suédois qui font escale au Bic ou à Rimouski doivent s’enregistrer auprès de lui. Sylvain doit également consigner dans un registre le nom de tous les marins recrutés dans la région pour travailler à bord de ces bateaux. Enfin, il touche une commission chaque fois qu’un navire de la Suède ou de la Norvège charge ou décharge des marchandises au port de Rimouski. Une lettre déposée aux archives du département des Affaires étrangères de la Suède à Stockholm confirme que ce pays a fermé son consulat de Rimouski en 1890.

Les États-Unis

Plusieurs consuls américains se sont succédés à Rimouski. Comme ils demeuraient quelques années, ils s’intégraient bien à la société rimouskoise. De 1900 à 1910 environ, les bureaux du consulat des États-Unis se trouvent dans l’édifice de la compagnie d’assurance La Rimouski situé dans l’avenue de la Cathédrale. Par la suite le consulat occupe une belle maison de la rue St-Germain-Est.

L’ancien consulat des États-Unis rue St-Germain-Est a par la suite été occupé par la banque Royale. L’immeuble a été démoli pour permettre le réaménagement de l’avenue Belzile. Photo domaine public.

Nous n’avons pu retracer les noms de tous les consuls, notamment ceux en poste au 19e siècle. Toutefois, celui qui est à Rimouski au début du 20e siècle se nomme Haldiman Dennisson. Durant son séjour ici, il tombe sous le charme d’une jeune Rimouskoise, Lucie Tessier, fille de l’honorable juge Auguste Tessier. Ils se fréquentent plusieurs mois mais, en 1906, Dennisson est nommé consul à Bombay en Inde. Le couple va faire mentir le dicton qui dit « loin des yeux, loin du coeur », car en 1908, Lucie Tessier se rend à Londres en Angleterre pour épouser le consul Dennisson.

Lorsque Haldiman Dennisson quitte Rimouski en 1906, il est remplacé par Edwin U. Ganzaulus. En juillet 1908, ce dernier est nommé à Johannesburg en Afrique du SUd. Son successeur, Frederick M. Ryder va demeurer près de sept ans parmi nous.

Originaire de New Haven au Connecticut, Monsieur Ryder parle déjà un excellent français lorsqu’il débarque à Rimouski. Au départ, il s’installe avec son épouse à la pension Le Château Rouleau. Cet établissement occupe l’ancienne maison de l’avocat Ferdinand-Fortunat Rouleau située rue St-Germain-Ouest. Ayant échappée au feu de 1950, on peut toujours admirer cette belle demeure reconnaissable à son toit rouge flamboyant. Comme nous l’apprend le journal Progrès du Golfe, le nouveau consul fréquente la haute société rimouskoise. Au mois de juillet 1909 par exemple, il est invité à une réception à la résidence de Sir Eugène Fiset à laquelle participe tout le gratin de Rimouski. On note la présence du juge Auguste Tessier, de l’avocat Joseph-Norbert Pouliot, du juge F. S. Tourigny, du notaire Louis de Gonzague Belzile, du marchand Edward Helleur et du sénateur Jean-Baptiste-Romuald Fiset.

À l’époque du consul Ryder, les États-Unis modifient le rôle de leurs agences consulaires. La promotion des exportations des États-Unis devient la principale tâche des consulats américains au Canada. Frederick M. Ryder est secondé par un vice-consul, l’industriel rimouskois Michel Ringuet. Néanmoins, on peut sans doute avancer l’hypothèse que la fonction de consul à Rimouski devait-être d’un ennui mortel. Voilà sans doute ce qui explique pourquoi monsieur Ryder fonde à Rimouski le 17 février 1909, avec Arthur John Price, Walter Molson, Louis Reford, Auguste Tessier et Sir Eugène Fiset, le Snellier Fish and Game Club. Ce club de chasse et de pêche réservé à 20 membres richissimes, occupe un vaste territoire de 34 milles carrés entre Saint-Narcisse et Esprit-Saint. L’homme d’affaires rimouskois Jules-A. Brillant fera l’acquisition du Snellier en 1932.

Michel Ringuet, industriel rimouskois et vice-consul des États-Unis au début du 20e siècle. Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Rimouski, Fonds du Séminaire.

Ryder quitte Rimouski en 1915 pour prendre en charge le consulat américain de Winnipeg. À cette occasion le Progrès du Golfe publie un article dont voici quelques extraits: « Monsieur Ryder n’a cessé de travailler avec ardeur et habileté à établir ou développer entre noue et ses compatriotes du territoire voisin, d’étroites relations commerciales et industrielles, réciprocité de bon aloi dont profitèrent très avantageusement nos hommes d’affaires. M. le consul Ryder a fait en plusieurs circonstances de magnifiques rapports au gouvernement dont il relevait, sur les ressources et les avantages de Rimouski et du district. »

Le consul nommé pour le remplacer est un homme d’expérience, John Fowler, qui arrive à Rimouski après avoir passé 24 ans en Chine. Mais en 1916, la plupart des onze consulats américains du Québec sont fermés.

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