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SOPER et Novarium : « un cas grave de mauvaise gestion »

Usage abusif des fonds publics selon la Commission municipale du Québec
(Photo Le Soir.ca- Olivier Therriault)

La Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) de la Commission municipale du Québec a dévoilé, ce vendredi, son rapport d’enquête à la suite d’une divulgation d’actes répréhensibles à l’égard de la Société de promotion économique (SOPER).

L’organisme conclut à un usage abusif des fonds ou des biens d’un organisme public et à un cas grave de mauvaise gestion.

Les problématiques soulevées dans le rapport découlent de l’omission, par les dirigeants et le conseil d’administration de la SOPER, d’agir en suivant les règles régissant les organismes municipaux.

« Des fonds publics importants ont été dépensés dans le cadre du projet de la Zone bleue, pour le compte d’un organisme parrainé par la SOPER, soit l’organisme Novarium. Dans ce contexte, il y a notamment eu un manque de contrôle du conseil d’administration sur les actions de l’ancien directeur général, des décisions concernant Novarium prises à l’insu de la majorité du conseil d’administration de la SOPER et le paiement de dépenses importantes de déplacement pour le compte de Novarium », mentionne le président de la Commission municipale du Québec, Jean-Philippe Marois.

Impacts financiers sur la SOPER

La SOPER a plusieurs mandats, tant provenant de la Ville que de la MRC. Parmi ses mandats économiques, la SOPER agit comme « incubateur d’entreprises », notamment en leur offrant du financement.

L’objectif étant que ces entreprises se séparent éventuellement de la SOPER pour fonctionner de façon autonome.

Ce processus de démarrage a généralement bien fonctionné pour les entreprises ayant suivi ce processus.

Par ce même processus de démarrage, la SOPER a créé l’organisme Novarium, un OBNL officiellement créé en 2022.

(Photo courtoisie Mathieu Dupuis)

Novarium est responsable de promouvoir et de favoriser le développement de l’économie bleue et offre des services-conseils et des consultations dédiés aux entreprises déjà existantes et en démarrage. Il a également pour mission l’accélération de l’économie bleue.

C’est également par celui-ci que passent les projets de la MRC « signature innovation » et que passerait la « Zone bleue », deux projets financés respectivement par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) et le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.

Au départ, Novarium n’a pas de financement autonome, est dépendant de la SOPER, et ultimement de subventions gouvernementales.

La comptabilité de cette dernière est jointe à celle de la SOPER et les projets et activités de Novarium sont, jusqu’en janvier 2024, financièrement assumés par la SOPER.

Toute décision prise par le conseil d’administration de la SOPER à l’égard de Novarium, que ce soit en termes de ressources humaines, matérielles ou technologiques, a nécessairement un impact sur les finances de la SOPER.

Absence de surplus accumulé

À l’automne 2023, lors d’une rencontre entre le nouveau directeur général de la SOPER et la Ville pour le budget annuel, des questions sont soulevées concernant l’absence de surplus accumulé de la SOPER, et ce, dans le contexte où une somme considérable s’y retrouvait l’année précédente.

L’ex-président et directeur général de la SOPER, Martin Beaulieu (Photo archives)

Environ au même moment, certains cadres et employés de la SOPER effectuent des recherches qui confirment que la SOPER est dans une situation financière précaire, avec des obligations à long terme exorbitantes, le tout au bénéfice de Novarium.

Confiance aveugle envers l’ancien directeur

Fort des succès passés, il ressort de l’enquête que le conseil d’administration a grandement confiance à l’égard de l’ancien directeur général. Le conseil lui laisse donc une grande marge de manœuvre, notamment par rapport à certaines décisions prises à l’égard de Novarium, qui engagent la responsabilité de la SOPER.

Cette grande marge de manœuvre se traduit notamment par l’adoption de résolutions parfois libellées de façon large et pouvant porter à interprétation. C’est dans ce contexte que l’ancien directeur général a pu contracter, à plusieurs reprises, à l’insu des membres du conseil d’administration.

Toujours selon les conclusions de l’enquête, le conseil d’administration abdique, en quelque sorte, son rôle d’administrateur et omet d’agir avec prudence, diligence et loyauté, dans le meilleur intérêt de la SOPER.

Cette latitude laissée à l’ancien directeur général par le conseil d’administration et ce manque d’information sont des éléments parmi d’autres expliquant la méconnaissance des administrateurs quant au déficit de la SOPER qui se creusait et qui est révélé à l’automne 2023.

Le président du conseil d’administration de la SOPER et maire de Rimouski, Guy Caron et la présidente-directrice générale, Marina Soubirou. (Photo journallesoir.ca- Alexandre D’Astous)

Le directeur et le président en menaient large

Alors que le conseil d’administration de la SOPER est l’instance décisionnelle, plusieurs décisions sont prises par l’ancien directeur général et l’ancien président de la SOPER, à l’insu dudit CA.

« Pour une meilleure compréhension, il faut savoir qu’une entente est intervenue, prévoyant que la construction de l’édifice Novarium soit faite par une entreprise privée et que cette dernière soit ainsi propriétaire dudit édifice. Une autre entente prévoit également que la SOPER est locatrice de l’édifice et qu’elle doit payer un loyer mensuel à l’entreprise privée. Dans le cadre du projet Novarium, des sous-locataires doivent occuper l’immeuble et payer un loyer à la SOPER », peut-on lire dans le rapport de 12 pages.

Il ressort de l’enquête que l’ancien directeur général agit comme il le fait et engage ces dépenses, car il attend de recevoir une subvention du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie liée à la Zone d’innovation bleue, subvention n’ayant jamais été confirmée au moment des faits.

(Photo Le Soir.ca- Olivier Therriault)

« Il dépense l’argent de la SOPER, provenant de fonds publics, pour le compte de Novarium, sans se soucier des conséquences sur la SOPER advenant le cas où il y aurait un délai dans le versement d’une telle subvention ou tout simplement un refus de subvention, ce qui sera la finalité de ce projet. Or, ces engagements financiers pris en faveur de Novarium par la SOPER engagent également la responsabilité financière de la Ville ainsi que celle de la MRC.

Des dépenses importantes

L’enquête révèle que des dépenses de déplacement importantes, payées par la SOPER, sont effectuées par Novarium, notamment de la part de l’ancien directeur général et une autre employée.

En 2023, les voyages et dépenses occasionnent des coûts de 37 000 $ pour l’ancien directeur général et de 73 500 $ pour l’employée. Ces dépenses sont occasionnées par l’achat de billets d’avion, des repas au restaurant, le paiement d’alcool et d’hébergement et sont en lien avec des déplacements à l’intérieur de la province et à l’extérieur du pays, pour le compte de Novarium.

« L’ancien directeur général et l’ancien président ont été informés des conclusions et des recommandations contenues au présent rapport. Nous avons tenu compte de leurs commentaires et observations dans le présent rapport », précise-t-on à la fin du rapport.

Les personnes qui ont collaboré à l’enquête ou qui sont à l’origine de celle-ci ne sont pas identifiées dans le rapport dans le respect du principe de la confidentialité et de la protection contre les représailles. Il en va de même de toute information qui permettrait d’identifier l’une ou l’autre de ces personnes.

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