« Rue Duplessis : ma petite noirceur »
Le sociologue et auteur Jean-Philippe Pleau frappe durÇa serait surprenant que Jean-Philippe Pleau soit bien accueilli dans son party familial de Noël cette année. D’une part dans son livre « Rue Duplessis: ma petite noirceur », il souhaite en toute franchise mettre les cartes sur table pour décrire son enfance pauvre et malheureuse, dans un environnement peu épanouissant. Ce qu’il réussit admirablement à faire!
D’autre part, malgré ses bonnes intentions et son amour inconditionnel pour ses parents, la description qu’il fait de leur vécu et du milieu défavorisé dans lequel sa famille a baigné, dans un quartier de Drummondville, n’a rien de réconfortant. Ça frappe dur!
Curieux dilemme… Est-il possible d’expliquer clairement et sincèrement les choses comme on le ressent profondément ?
Mais en même temps, ne dit-on pas que toute vérité n’est pas bonne à dire ?
Analyste audacieux, Jean-Philippe Pleau est animateur à la radio de Radio-Canada, où il a travaillé avec le très connu Serge Bouchard, décédé en 2021.
Pleau présente souvent des conférences publiques pour réfléchir à l’évolution de la société québécoise.
En tant que sociologue, il n’abuse pas des chiffres et des statistiques comme on en voit trop souvent. Ce qu’il raconte, c’est la vie comme elle se déroule. Avec des faits marquants.
Des rencontres mémorables. Des anecdotes révélatrices. Sans mettre de gants blancs.
Écarts entre les classes sociales
Son objectif ici est de faire comprendre concrètement les écarts entre les classes sociales, le fossé qui existe entre les personnes nées dans un milieu familial financièrement aisé et cultivé et les personnes nées dans l’indigence et l’ignorance.
Oui, certains individus, comme lui, réussissent à se sortir de cette misère, en devenant ainsi de véritables transfuges de classes sociales.
Est-il l’exemple d’un vaillant self-made man, qui a étudié et travaillé fort pour s’en sortir, ou bien un « estie de parvenu », un snob, comme certains n’hésitent pas à l’appeler ?
Lui-même a l’impression d’être « assis entre deux chaises ».
La description systématique qu’il fait de la pauvreté et de l’ignorance de son clan familial n’a rien de réjouissant. Carence d’instruction.
Peur de manger des mets étrangers, hantise des maladies, peur de se promener à Montréal, crainte des homosexuels, ignorance de l’histoire et de la politique, pas de livres à la maison, violence verbale…
Le rêve dans ce milieu, c’est d’avoir une belle auto neuve. Ou mieux, de gagner à la loterie.
En tant qu’intellectuel, Jean-François Pleau veut dénoncer cette situation insupportable, en étant aussi franc et honnête que possible dans sa démarche.
Dans sa famille élargie, certains se sont sentis insultés, méprisés.
Mode de vie entretenu hypocritement
En tout respect, il s’agit davantage d’une dénonciation d’un mode de vie entretenu hypocritement par la société que d’un reproche à sa famille… Mais la ligne entre les deux approches risque d’être floue et tumultueuse…
Les liens seront difficiles à rétablir avec sa famille après une telle « lettre d’amour »!
Mais le livre démontre de façon crissement convaincante l’existence de classes sociales au Québec et leurs impacts dans le cheminement des individus.
« Rue Duplessis : ma petite noirceur » par Jean-Philippe Pleau, Lux, 2024, 328 pages.
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