Pourquoi devons-nous faire les frais de votre mauvaise gestion ?
Lettre ouverte d'Audrey-Ann Bélanger concernant les compressions au CISSS du Bas-Saint-Laurent
Je suis une femme handicapée de 32 ans. Je requiers les services à domicile de préposées (C.E.S.) et à l’occasion, travailleuse sociale, nutritionniste, ergo, infirmières. Je suis pour vous un numéro de dossier. Je vous écris pour manifester mon indignation devant les plus récentes compressions budgétaires dans le milieu de la santé.
À vous, chère madame Biron, PDG de Santé Québec, cher monsieur Dubé, ministre de la Santé, cher monsieur Carmant, ministre responsable des Services sociaux et chère madame Bélanger, ministre responsable des Aînés et ministre déléguée à la Santé.
Vous avez estimé qu’il y avait un déficit de 34 millions de dollars dans le réseau au Bas-Saint-Laurent.
Jusqu’à présent, votre solution a été d’imposer des coupures à un système chroniquement définancé. Selon les mots du ministre de la Santé, le système est en crise depuis maintenant des décennies.
Ces coupures, vous les avez faites à même la première ligne, dans les soins à domicile et dans les programmes qui viennent en aide aux personnes comme moi (par exemple le programme d’adaptation de domicile (PAD)).
Le plus triste est de voir ce que vous ne comprenez pas : vos chiffres sont arbitraires ; vous ne gérez pas une entreprise qui produit des revenus.
Pourquoi vous en prenez-vous comme les gouvernements qui vous ont précédés aux personnes âgées ou handicapées ? Pourquoi devons-nous faire les frais de votre mauvaise gestion ?
Est-ce simplement parce que vous vous dites qu’on n’aura pas l’énergie de se défendre ? Qu’on ne bronchera pas, qu’on ne dira rien ? Où est-ce au fond une manière de nous euthanasier ?
Les malades écopent
Je n’arrive pas à comprendre que ce soit toujours la première ligne et les personnes malades qui écopent et jamais, au grand jamais, l’organigramme farci de gestionnaires que les dirigeants promettent à répétition d’amaigrir, mais ne parviennent jamais qu’à engraisser.
Les directeurs et les cadres se multiplient, si bien que je ne sais même plus auxquels des trois ministres, 10 sous-ministres, huit présidentes et vice-présidents et 30 PDG adresser cette lettre. (Ce n’est pas une blague, ni une exagération)
On augmente les salaires des directeurs. Est-ce que c’était bien nécessaire, vos 10 % d’augmentation ? Avez-vous même un sens ce qu’est l’indécence ?

Combien ça va coûter de refaire le « branding » du ministère de la Santé, de réimprimer les formulaires et le papier en-tête pour y mettre le nouveau logo de l’agence ?
Pendant que vous vous cassez la tête sur cet enjeu de design et vous demandez quoi faire avec votre bonus de fin d’année, les préposées qui s’occupent de moi reçoivent le même chèque depuis deux ans, 19,27$, « vu que c’est du privé! ».
On me réduit mes heures de service. Aussi, je fréquente bien souvent l’hôpital. Vous coupez les postes des préposé.es donnant ainsi plus de « job » aux infirmier.ères. C’est bien ça, le grand projet minceur de Santé Québec ?
Jusqu’à 52 chefs de service
Je joins l’organigramme de la « haute direction » du CISSS du Bas-Saint-Laurent.

Après avoir nommé la ribambelle de sous-ministre plus haut, j’ai tenté de décortiquer celui-ci. Des 30 PDG nommé ci-haut, il y en a deux ici.
On repart dans un nouvel organigramme. Il y a 52 chefs de service, en haut d’eux se trouvent quatre cadres intermédiaires. Ensuite, plus haut, se trouvent 29 cadres supérieurs. Ce n’est pas fini.
Plus haut encore, c’est deux directeurs médicaux pour enfin arriver aux deux PDG. Ce n’est pas gênant?
Le pire est que ce cirque continu pour 17 autres régions administratives. Et, on décuple environ tous ses postes par 17, vous me suivez toujours?
Pour mon seul dossier, au CISSS du Bas-Saint-Laurent, l’information doit passer entre les mains de trois chefs de service, deux « coordos », un directeur et une adjointe à la direction.
Au renouvellement de mon plan de service, le mois prochain, une poignée d’entre eux résoudront probablement d’amputer des heures de maintien à domicile, comme vous l’avez fait à une grande majorité de mes semblables.
Je me sens comme si j’avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Équilibre déjà fragile
Le fait que vous obligiez vos employés à parler de « remaniement » plutôt que de « coupures » n’apaise en rien le stress que je ressens à l’idée de voir se rompre un équilibre déjà fragile.
On dira, sans argument, que je n’ai plus besoin de toutes ces heures (alors que ma santé va en déclinant). J’ai une proposition pour vous : venez passer une semaine à me torcher et on comptera les heures ensemble. Ça vous dit ?
Je parle au nom des personnes handicapées, âgées, malades et au nom des personnes soignantes.

Je parle au nom des gens qui aspirent à se maintenir à domicile. Je parle au nom de nous toutes, épuisées. Votre choix de nous attaquer directement est déshonorant.
Une société ne gagne rien à sacrifier la santé de ses citoyens.