Femmes et environnement : les oubliés de la campagne électorale?
Lettre ouverte de Jeanne-Marie Rugira de Rimouski
À quelques jours du scrutin, alors que tout un chacun prend un dernier moment pour comparer les engagements des partis sur les enjeux chers à son cœur, force est de constater que l’environnement – tout comme les femmes – a été particulièrement mal desservi par la récente campagne électorale.
Bien qu’à l’aube des élections fédérales, quatre des cinq principaux partis politiques – le Bloc Québécois, le Nouveau Parti démocratique (NPD), le Parti libéral (PLC) et le Parti vert – se soient engagés à respecter le Consensus québécois en environnement dans le cadre de l’élaboration de leurs plateformes politiques respectives, la campagne a relégué l’urgence climatique au second plan, éclipsée par les manœuvres électoralistes – notamment la guerre commerciale avec les États-Unis – et la pression du lobby pétrolier.
Dès son arrivée en poste, le premier ministre Mark Carney a aboli la taxe carbone afin de couper l’herbe sous le pied à son principal rival, le Parti conservateur du Canada (PCC). Ce dernier n’a aucun plan pour atteindre les cibles d’émissions de gaz à effet de serre auxquelles le Canada s’est engagé dans les accords internationaux et souhaite plutôt construire des pipelines et intensifier l’exploitation pétrolière en haute mer ou dans les sables bitumineux.
Le NPD quant à lui, n’est pas particulièrement favorable aux projets de transport des hydrocarbures, mais ne s’y oppose pas. Seul le Bloc exige la fin immédiate de l’exploration pétrolière extracôtière et dans les aires marines protégées.
Et le Bas-Saint-Laurent dans tout ça ?
Le Bas-Saint-Laurent, avec sa grande diversité d’écosystèmes, notamment des forêts, des zones humides et des habitats marins, est confronté à de nombreux défis pour protéger ces espaces vitaux face à l’expansion des activités humaines.
Ces bouleversements menacent la biodiversité, mais aussi notre sécurité, notre agriculture et nos infrastructures.
En ce sens, nous avons besoin d’élu·es à Ottawa qui comprennent l’importance de protéger les zones sensibles et les espèces en péril ainsi que de prévenir autant que possible les impacts du réchauffement climatique qui se font déjà sentir.
Parmi les conséquences notables des changements climatiques on peut penser aux inondations, comme celles de Matane en 2024 ou la débâcle que l’on craint pour l’Île Verte ce printemps.
Les phénomènes climatiques extrêmes, comme les tempêtes hivernales et les vagues de chaleur estivales, ont également des impacts sur l’agriculture, les infrastructures et la sécurité de nos populations.
Changements climatiques = enjeux féministes
Les femmes, et en particulier celles issues de communautés autochtones, racisées, rurales ou en situation de pauvreté, sont souvent les plus exposées aux impacts des crises climatiques. Ce n’est pas un hasard si elles sont aussi en première ligne des luttes écologistes.
Comparativement aux hommes, les Québécoises sont plus nombreuses à croire qu’il y a urgence d’agir (89 % contre 81 %) et à vouloir en faire davantage pour le climat (75 % contre 66 %).
Elles sont aussi plus nombreuses à adopter des gestes concrets, à ressentir l’écoanxiété et à exiger des réponses politiques à la hauteur pour elles-mêmes, pour leur famille et pour le Québec.
Dès son arrivée au pouvoir, Mark Carney a dissous le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres Canada.
Pour la première fois depuis 2011, aucune femme n’a participé au débat entre les chefs. De plus, il a fallu attendre 1h53 avant que le terme « femme » ne soit mentionné pour la première fois lors du débat en français.
Les politiques environnementales ne sont pas neutres. Pour être justes, elles doivent reconnaître les inégalités de genre, de classe, de territoire, de culture.
Elles doivent inclure les femmes, dans toute leur diversité, comme actrices à part entière de la transition écologique.
Au moment de faire un choix, posons-nous cette question simple : qui portera une vision solidaire, féministe et écologiste de l’avenir ?
Jeanne-Marie Rugira, PH.D, Professeure au Département de psychosociologie et travail social à l’UQAR et membre du conseil d’administration de la Fédération des femmes du Québec
