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Logements : pas sortie de l’auberge

Des solutions pour atténuer la crise
Dénicher un logement au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie n’est pas simple, puisque la crise du logement perdure. (Photo Johanne Fournier)

Selon les experts consultés, il existe des pistes de solution pour éradiquer ou, du moins, atténuer la crise du logement.

Pour le co-coordonnateur du Comité logement Bas-Saint-Laurent, une piste de solution consiste à planifier adéquatement des logements subventionnés en commençant par donner priorité aux personnes les plus pauvres, à celles qui subissent de plein fouet la crise du logement.

« Il faut financer un programme structurant de logements sociaux et communautaires sous forme de coopératives d’habitation, d’organismes à but non lucratif d’habitation ou encore d’habitations à loyer modique (HLM), énumère Alexandre Cadieux. Il y a aussi plein d’autres modèles qui permettent de planifier deux, trois ou cinq ans d’avance des projets de construction subventionnés qui respectent la capacité des gens à payer. On peut ajouter à ça des mécanismes de contrôle des loyers qui fonctionnent. » De l’avis du directeur général du Groupe ressource en logements collectifs Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (GRLCGÎM), Ambroise Henry, il faut mieux utiliser les subventions et les emprunts financiers.

Responsabilités des municipalités

M. Henry estime que les municipalités doivent prendre une grande part de responsabilité dans l’éradication ou l’atténuation de la crise du logement. « Leur responsabilité est sur le plan du leadership et dans la planification de leur développement, croit-il. Ça veut dire d’être capable d’avoir une vision sur son territoire. Qu’est-ce qu’on veut comme développement immobilier? Qu’est-ce qu’on veut comme logements? »

Le patron du GRLCGÎM exhorte aussi les municipalités à identifier des sites potentiels pour la construction de logements socio-communautaires. « Elles doivent faire autre chose que des rues avec des maisons unifamiliales. Elles ont toutes les outils disponibles pour prendre des décisions courageuses pour le développement de logements socio-communautaires. »

Changement de paradigme 

Selon Ambroise Henry, la principale solution à la crise du logement réside dans un changement de paradigme. « Le marché dominant fait actuellement une marchandise avec le logement. C’est là, l’erreur. Au Québec, on est à peine à 10% de logements à but non lucratif. Il va falloir que le Québec considère le logement comme un droit essentiel parce que, sans logement, on ne peut pas avoir une vie stable. Ça ne fait qu’augmenter les problèmes financiers et de santé. Pour se développer et s’accomplir, toute personne doit avoir un logement stable.»

M. Henry est cependant conscient que c’est aussi une question de moyens financiers et qu’ils ne sont pas les mêmes d’une municipalité à l’autre. « Mais, les municipalités peuvent faire plein de choses au nom du logement. Une municipalité peut déroger à toutes ses règles d’urbanisme pour un projet de logements. Elle peut accélérer l’émission de permis, éviter les référendums, permettre des étages de plus. Les municipalités ne doivent surtout pas laisser le libre marché opérer parce que, sinon, ça donne une situation comme celle qu’on vit aujourd’hui: une crise du logement, de l’habitation et de la spéculation. »

Problème d’harmonisation des gouvernements

Le porte-parole du GRLCGÎM déplore le manque de solutions proposées par les gouvernements. « Dans le budget 2025 du gouvernement du Québec, il n’y a rien pour le logement, alors qu’on est en crise. »

Selon Ambroise Henry, il y a un problème d’harmonisation des solutions entre les gouvernements fédéral, provincial et municipaux. « Financer un dossier de logements communautaires et sociaux est un parcours du combattant pire qu’il était avant la pandémie. Ça cause des délais et des augmentations de coûts des projets.»

Si la solution ultime peut paraître complexe, elle est pourtant simple: les trois paliers de gouvernement doivent s’allier pour construire des logements abordables, avance M. Henry. « Ils le font déjà dans des programmes d’infrastructures, comme les égouts, l’aqueduc et les autoroutes. Mais, sur le plan du logement, ils n’y sont pas encore arrivés, sauf pour certaines ententes à certains moments. »

Une situation qui perdure

Le 1er juillet approche à grands pas. Le printemps est la période propice pour se trouver un logement. Mais, dénicher un nid au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie n’est pas simple, puisque la crise du logement perdure. Dans certaines municipalités, elle s’exacerbe. Avec des taux d’inoccupation avoisinant 0%, les chances sont minces de trouver un endroit où se loger.

Deux facteurs expliquent la crise du logement, selon le co-coordonnateur du Comité logement Bas-Saint-Laurent, Alexandre Cadieux: le manque de logements et, lorsqu’il y en a sur le marché, ils sont trop chers et sont souvent de mauvaise qualité.

Le porte-parole du Comité logement Bas-Saint-Laurent, Alexandre Cadieux, accompagné de manifestants. (Photo journallesoir.ca- Véronique Bossé)

À Rimouski, le taux d’inoccupation est passé de 0,4% en 2022 à 1% en 2024, selon les plus récentes données fournies par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). À Gaspé, alors qu’il était de 0% il y a deux ans, il a légèrement augmenté en 2024 à 0,3%. C’est à Matane que la situation s’est le plus détériorée; le taux de vacances qui était de 2,3% en 2022 est maintenant établi à 0,5%.

Étant donné que la SCHL élabore uniquement des statistiques sur les villes de plus de 10 000 habitants, il est impossible d’avoir un portrait de la pénurie de logements dans les villes-centres des autres MRC de la Gaspésie, comme à Mont-Joli, Sainte-Anne-des-Monts, Chandler, Amqui, New Richmond ou Carleton-sur-Mer. Mais, toutes les personnes-ressources consultées s’entendent pour dire que ces municipalités ne sont pas épargnées par le phénomène.

Coût moyen d’un loyer

Le coût moyen d’un loyer est de 750$ par mois à Gaspé, de 655 $ à Matane et de 784$ à Rimouski. « Mais, ce n’est pas le prix moyen des loyers disponibles sur le marché, prévient le directeur général du Groupe ressource en logements collectifs Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (GRLCGÎM), Ambroise Henry. Entre ce qui est annoncé comme le loyer moyen à la SCHL et ce qui est disponible pour les gens qui cherchent des logements, c’est parfois du simple au double et parfois plus! »

Le programme Habitation abordable Québec établit le prix moyen d’un appartement de trois chambres à 1002$ par mois à Rimouski. Mais, dans les faits, la mensualité d’un logement de 5 pièces et demie peut s’élever à plus de 1500$. Pour Alexandre Cadieux, ce prix est loin d’être abordable.

UTILE

En matière de logements inabordables, monsieur Cadieux cite le projet actuel de construction de logements pour étudiants sur le campus de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Il déplore le fait que ce soit des fonds publics qui subventionnent des projets comme celui d’UTILE, ce qui contribue à l’explosion du prix des loyers.

S’élevant à 30 millions $, dont 9 millions $ proviennent du gouvernement du Québec et 250 000$ par l’Association générale étudiante du campus de Rimouski de l’UQAR, le projet de 155 unités est réalisé par l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), un organisme à but non lucratif.

Le prix pour un studio est fixé à 736$ par mois et un appartement de 4 pièces et demie à 1330$. Ces tarifs incluent l’électricité, le chauffage, l’Internet et deux électroménagers. Ces logements seront prêts à accueillir leurs premiers locataires dès le début septembre.

« Ça a été très difficile, dans les dernières années, de trouver un endroit où se loger à Rimouski, particulièrement pour les étudiants qui arrivaient après la vague du 1er juillet, rappelle la directrice des affaires publiques d’UTILE, Élise Tanguay. Rimouski devient à nouveau une région où on peut aller étudier et bien se loger. » Un peu moins de la moitié des appartements est louée pour le 1er septembre. Il reste donc encore de la place.

Qu’est-ce qu’un logement abordable?

Le porte-parole du Comité logement Bas-Saint-Laurent répond à la question en se basant sur ce que la SCHL définit comme un taux d’effort raisonnable. « C’est le pourcentage du budget du revenu annuel d’un ménage qui est consacré aux dépenses d’un logement, explique M. Cadieux. Au-dessus de 30% du revenu dépensé aux dépenses d’un logement, on met en péril le respect des autres droits humains fondamentaux. »

Selon Ambroise Henry, un logement abordable est un loyer qu’une personne peut se payer. En Gaspésie, il estime que ce seuil devrait être de 25%. 

Augmentation fulgurante

Les loyers augmentent à une vitesse fulgurante. Selon des données du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, le prix des logements annoncés à Rimouski a augmenté de 49% entre 2020 et 2024, ce qui en fait la deuxième ville du Québec à ce chapitre.

Qui sont les personnes les plus à risque?

Qui sont les personnes les plus à risque de ne pas se trouver un logement? « Ce sont les personnes les plus pauvres, les ménages qui ne sont plus capables de payer leur loyer », répond le porte-parole du Comité logement Bas-Saint-Laurent, Alexandre Cadieux. 

Pris à la gorge, ces personnes empièteront sur leurs autres droits fondamentaux, comme se nourrir, acheter des effets scolaires pour les enfants ou prendre des vacances. « On parle de diminution de la qualité de vie », résume-t-il.

La hausse du prix des loyers est la principale source d’inflation.

Ces gens peuvent finir par se retrouver à la rue ou dans des situations d’itinérance cachée. Parmi ces personnes, il y a beaucoup de femmes victimes de violence conjugale. « Elles décident d’aller rester chez des amis ou de la famille parce qu’elles ne se trouvent pas de logement ou qu’elles ne trouvent pas de ressources d’hébergement, explique monsieur Cadieux. Elles peuvent aussi rester avec un conjoint violent, faute d’endroit où aller. »

La Roseraie, un immeuble administré par l’Office municipal d’habitation de Rimouski (OMHR). (Photo Johanne Fournier)

Parmi les personnes à risque se trouvent des gens qui acceptent de vivre dans des conditions inacceptables: problèmes de chauffage, de moisissure, d’infiltration d’eau. Ce sont aussi des victimes de rénoviction illégale.

Le directeur général du Groupe ressource en logements collectifs Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (GRLCGÎM) partage cette opinion. « Les personnes les plus touchées par la crise du logement sont celles qui sont les plus vulnérables, confirme Ambroise Henry. Les personnes à faible revenu, les femmes violentées ou monoparentales. »

L’une des conséquences de la crise du logement est attribuable à la hausse de la discrimination, de l’avis d’Alexandre Cadieux. Donc, les immigrants figurent parmi les personnes qui sont les plus à risque de ne pas trouver de logement.

L’itinérance, une cause directe

Pour le porte-parole du Comité logement Bas-Saint-Laurent, la hausse de l’itinérance est une cause directe du manque de logements abordables.

« Quand on parle aux travailleurs de rue, aux centres de crise, aux organismes comme l’Auberge Le Transit ou ceux qui offrent des ressources d’aide, ils sont unanimes: le principal problème, c’est le prix du logement », confirme monsieur Cadieux.

Ambroise Henry (Photo courtoisie)

Le porte-parole du GRLCGÎM fait lui aussi un lien direct entre la hausse de l’itinérance et le manque de logements abordables. Selon Ambroise Henry, les gens à risque d’itinérance ou avec des problèmes de santé mentale se retrouvent souvent dans des lieux d’hébergement d’urgence et ont du mal à se sortir de leur situation d’itinérance. « En Gaspésie, il n’y a pas assez de logements abordables et sociaux », déplore-t-il.

Des attentes élevées envers les élus 

Des élections municipales se tiendront cet automne. Les organismes d’aide aux locataires de la région ont des attentes par rapport aux candidats qui feront campagne. Ils les attendront dans le détour pour faire part de leurs espoirs visant à éradiquer ou atténuer la crise du logement.

Étant actuellement préoccupé par les renouvellements de baux et la pénurie de logements disponibles le 1er juillet, le co-coordonnateur du Comité logement Bas-Saint-Laurent n’a pas encore eu le temps de se plonger dans la mise à jour de sa liste de revendications municipales. Mais, Alexandre Cadieux entend bien se préparer en vue des élections municipales du 2 novembre. Pour ce faire, il rencontrera ses membres et des locataires.

Service d’aide à la recherche de logement

Monsieur Cadieux sait déjà ce que les municipalités peuvent faire pour atténuer les conséquences de la pénurie de logements et pour éviter que des gens se retrouvent à la rue après le 1er juillet. « Les villes peuvent demander au gouvernement du Québec des subventions assez importantes pour mettre en place des services d’aide à la recherche de logement. On encourage toutes les villes à le faire. »

Le projet UTILE Rimouski, situé à quelques pas derrière le campus de l’UQAR, permettra aux locataires de profiter du calme de ce quartier résidentiel, tout en bénéficiant de la proximité de l’Université du Québec à Rimouski. (Photo courtoisie)

À son avis, il faudra mettre de la pression sur le gouvernement du Québec pour qu’il bonifie cette aide, en particulier pour les petites municipalités.

« En ce moment, c’est 50-50, c’est-à-dire que, pour chaque dollar que la ville met dans ce programme, le gouvernement met 1$, jusqu’à concurrence d’un certain montant. »

Vision à long terme

Le directeur général du Groupe ressource en logements collectifs Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (GRLCGÎM) souhaite que les candidats qui seront élus puissent développer une vision à long terme afin de faire évoluer leur communauté.

« Je m’attends à ce qu’ils aient le courage de développer autrement le logement et qu’ils ne laissent pas cela entre les mains du libre marché, souhaite Ambroise Henry. Il faut qu’on ait des gens convaincants et convaincus, une cohorte d’élus, dont des jeunes, qui va amener sur la place publique l’enjeu du logement parce qu’ils le vivent ou parce qu’ils ont des gens autour d’eux qui le vivent. »

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