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Pourboires : Noémie perd 14 000$

Par Johanne Fournier
Des plats servis dans un restaurant. (Photo courtoisie)

Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles sur les pourboires, un certain embarras se lit sur le visage des clients lorsque Noémie* leur tend le terminal de paiement.

« Les machines ne sont pas encore calibrées », explique la serveuse du restaurant. C’est donc au client de calculer lui-même le pourcentage de pourboire avant taxes.

« Ça porte à confusion chez le consommateur, constate Noémie. Ça prend plus de temps, parce qu’on doit davantage expliquer. » En attendant que les terminaux de son établissement soient ajustés, la suggestion de pourboires calculés avant taxes est inscrite directement sur l’addition. Les clients peuvent ainsi s’en inspirer.

En général, les clients de Noémie laissent entre 18 et 20 % de pourboire. « Les gens qui viennent à des congrès donnent plus, et ceux qui viennent pour des tournois donnent moins », observe-t-elle.

Depuis que le pourboire est calculé sur le montant avant taxes, cela peut représenter une perte de 2 $ par client pour Noémie. Elle remarque également qu’un nombre croissant de clients laissent moins de 15 %. Noémie comprend : les temps sont difficiles pour tout le monde et l’inflation se fait sentir.

Optimiste et prudente

Le week-end, Noémie sert en moyenne 140 clients. En estimant une perte de 2 $ par client, cela représenterait une diminution annuelle de revenu de 14 560 $. Mais la jeune mère préfère demeurer optimiste et prudente, en se disant que les clients satisfaits ajoutent souvent un montant. Elle évalue donc sa perte à 1 $ par client, ce qui représente tout de même un manque à gagner de 7 280 $ par année. Qu’on préfère voir le pire ou relativiser, Noémie perd bel et bien une somme importante.

Noémie garde le cap avec philosophie. Elle se considère chanceuse de travailler dans un bon restaurant, doté d’une clientèle fidèle.

« Je trouve que les clients sont, en général, reconnaissants du service que je leur offre. Je vais gagner moins, mais je ne manquerai de rien, et mes enfants non plus. J’ai cette chance, contrairement à d’autres travailleurs pour qui une perte de revenu aussi importante pourrait avoir de lourdes conséquences. »

Motivation au travail

Pour l’instant, Noémie juge qu’il est trop tôt pour savoir si cette baisse influencera sa motivation au travail. Elle se console aussi en repensant à la crainte initiale ressentie à l’annonce des nouvelles règles :

« J’avais peur qu’on nous impose un salaire fixe et que le pourboire soit directement inclus dans le montant total de la facture, comme en Europe. Dans ce cas-là, la serveuse n’a plus à se forcer pour offrir un bon service aux clients ! »

Ces nouvelles règles sont passées presque inaperçues. Certaines personnes n’en ont jamais entendu parler, tandis que d’autres sont bien informées. Dans le restaurant où travaille Noémie, le sujet est régulièrement abordé.

Qu’on en parle ou non, Noémie continuera à offrir un service professionnel, même si, désormais, elle rentre chez elle avec 70 $ de moins par soir dans son porte-monnaie.

* Prénom fictif

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