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Apprenez à McKenna à être un « vrai »

Commentaire de Olivier Therriault
Des p’tits boys de Rimouski à l’entraînement des Tigers de Medecine Hat. (Photo Le Soir.ca- Olivier Therriault)

— « Dépêche-toi, p’pa, on est en retard pour la pratique de McKenna. »
— « Oui, un instant… Il vient de sauter sur la glace. On part, tu vas pouvoir le voir. »

Partisan inconditionnel de l’Océanic, mon fils Xavier n’a pas raté une seule séance d’entraînement des Tigers de Medicine Hat durant la première fin de semaine de la Coupe Memorial à Rimouski. L’école reprend lundi, mais pour l’instant, tout ce qui compte, c’est McKenna.

Il y a bien Desnoyers, oui. Mais McKenna, c’est autre chose. C’est le joueur étoile de sa génération. Moi, à son âge, c’était Joe Sakic. Une nouvelle idole, un nouveau chapitre du hockey. Et il patine au Complexe sportif Desjardins. Irréel!

Ils sont cinq ou six joueurs du Mistral de Mont-Joli, 14 ans à peine, assis en première rangée, les fronts collés à la baie vitrée de la glace A, qui suivent la pratique. Pour eux, McKenna, ce n’est pas juste une promesse : c’est un héros. Crosby leur paraît déjà d’une autre époque.

Les ados ont leurs rondelles bien serrées dans les mains, Sharpie prêt. L’espoir dans le regard.

— « P’pa, peux-tu demander au gars de l’équipement si McKenna va signer ? »
— « Hey, sir! Les jeunes aimeraient un autographe de McKenna après la pratique, ce serait possible ? »
— « Pas de problème », me répond-il avec un sourire.

L’entraînement se termine. McKenna traverse lentement du banc des visiteurs à celui des locaux. Les p’tits boys de Rimouski suivent le mouvement, impatients. Ça s’en vient. C’est le moment. Un autographe de McKenna, ce n’est pas une simple signature : c’est un trésor.

Ils ne sont pas là pour revendre leur vieille rondelle sur eBay. Ce sont des passionnés, en quête de souvenirs qu’ils vont garder toute leur vie.

Mais voilà. Sans prévenir, McKenna quitte la glace à toute vitesse. « Il va sûrement revenir », me lance Xavier, confiant.

Quelques minutes passent. Le préposé, lui, revient. Les jeunes insistent gentiment. Le verdict tombe, sec comme une mise en échec : non. Il ne reviendra pas. Il ne veut pas.

La game dans la game

Je connais la game. La Coupe Memorial, c’est une autre planète. Il y a des règles, souvent non dites. Les demandes, ça pleut. TSN et RDS sont prioritaires, tu as les 150 journalistes à rassasier, des recruteurs à rencontrer, des commanditaires à honorer, sans oublier d’écrire à ta blonde sur Snapchat parce que tu ne lui pas donné signe de vie depuis trois heures. C’est la game dans la game.

Et puis, tu n’as que 16 à 20 ans. Tu restes un ado. Tu ne réussis même pas encore à te faire pousser une vraie barbe de séries. Bon, au mieux une moustache douteuse, mais ça, c’est une autre mode. Tu es timide. Intimidé. Pressé. Focalisé.

La sensation du hockey junior canadien, Gavin McKenna. (Photo Le Soir.ca- Alain Tremblay)

Rimouski, c’est loin, c’est petit et c’est froid. Rien à foutre. L’objectif : la coupe. Faut rester focus. Les organisations protègent leurs joueurs. Il y a les soins médicaux, les vidéos, les repas, le sommeil, le calendrier, les stratégies.

Si tu t’appelles Perrault, Desjardins, MacDougall et Hunter, tu ne veux pas de distractions autour de ton scoreur. C’est correct. C’est justifiable. Puis, dans le cas de l’ancienne peste des Nordiques, dépêchez-vous les journalistes avec vos questions. Mon cheval court à 22 h. J’ai autre chose à gérer. Il y a des priorités!

Puis des fois, tu en fais trop. Quand McKenna compte et il fait un geste dérisoire envers la foule, ce n’est pas nécessaire. Surtout quand tu t’appelles McKenna!

Trois minutes

Il reste mes cinq ou six ados de 14 ans qui attendent poliment. Pas 82, pas une horde. Juste quelques jeunes, fébriles, admiratifs. Même si TSN se morfond avec sa caméra, c’est quoi trois minutes pour barbouiller une rondelle ?

Trois petites minutes pour faire briller des yeux, pour enflammer des passions, pour créer des souvenirs qui vont durer bien plus longtemps que cette saison.

C’est ça aussi, la Coupe Memorial. Non ? Ce lien pur entre l’espoir et la jeunesse. L’étincelle. L’émotion brute.

Peut-être que McKenna n’y est pour rien. Peut-être que l’équipe, ou même le préposé, avait des consignes claires. Peut-être que c’était hors de son contrôle.

Cayden Lindstrom signe des rondelles après l’entraînement des Tigers au Complexe sportif Desjardins. (Photo Le Soir.ca- Olivier Therriault)

Mais vous savez quoi ? Son coéquipier, Cayden Lindstrom, lui, a pris le temps. Il avait l’air pressé. Probablement encore TSN. Mais il s’est arrêté. Il a souri. Il a signé. Il a compris. De la classe. Comme Crosby à ses débuts.

Ça s’enseigne. Mais souvent, c’est inné. Olivier Giroud, avec le LAFC, l’a fait à Montréal. Il a pris le temps. Même si tu es un joueur de quatrième trio, prends le temps. C’est aussi ton moment de gloire. Et dans la ligue senior, ce sera une autre game. Vraiment pas la même!

Héros de demain

Et si c’était une décision de l’organisation des Tigers ? Ce serait pire encore. Les petits boys sont restés au Complexe Desjardins pour la pratique des Wildcats, qui suivant celle de Medecine Hat.

Desnoyers se reposait à l’hôtel, mais les préposés à l’équipement leur ont donné des rondelles personnalisées. Bravo! On devrait passer par Moncton dans nos vacances cet été. Et Desnoyers demeure un héros.

Quand on nous répète que des petites villes comme Rimouski ne pourront bientôt plus accueillir la Coupe Memorial parce que c’est « trop gros, trop cher, trop compliqué » peut-on, au moins, garder l’essence du tournoi ?

Ce qui le rend spécial ? Le lien direct entre les partisans et les héros de demain. Le contact humain. Le respect du partisan. L’étincelle dans les yeux d’un enfant. Je suis peut-être naïf, mais pour moi, ça devrait passer avant les gros sous. Et j’imagine que les commanditaires sur le bandes payent aussi pour ça, au fond.

La future équipe de la LNH qui repêchera McKenna vient peut-être de perdre cinq ou six ventes de chandails. En 2026, mes jeunes de 14 ans se tourneront peut-être vers Lindstrom.

Les Wildcats viennent aussi de gagner des adeptes. Ils sont gentils. Parce qu’ils ont pris le temps. Parce qu’ils ont compris. Et les rondelles données ne perturberont pas le budget de monsieur Irving.

L’attaquant des Wildcats, Caleb Desnoyers, fait dévier un tir afin de déjouer le gardien des Knights, Austin Eliott. (Photo Vincent Éthier- LCH)

Avant les caméras, avant les droites télés et les millions… il y a la base. Le vrai monde.

Le gars de construction qui suit son club à chaque match. L’enseignante qui porte fièrement sa casquette. Le grand père qui vient créer des moments nostalgiques avec son petit-fils avant que le temps l’emporte. La famille qui se prive pour se payer des billets. Le chauffeur de taxi qui n’a pas les moyens d’entrer au Colisée, mais qui écoute chaque rencontre dans sa voiture, avec Michel Germain dans les oreilles, pour sentir qu’il a été invité au party.

Ça, c’est la Coupe Memorial. Ou ça devrait l’être. Mais peut-être que je suis trop naïf.

Pas juste un gribouillis

Ah, et un petit message aux quatre organisations, tant qu’à y être. Quand vos joueurs signent des autographes, possible de leur rappeler de le faire lisiblement ? Un autographe, ce n’est pas juste un gribouillis. C’est un souvenir. Un trophée. Une fierté. Je me suis déplacé pour venir TE voir.

Jean Béliveau l’a toujours dit : une signature, c’est un cadeau. C’est vrai que c’est aussi une autre époque.

Ma mère avait un jour contacté Donald Dufresne parce que son gribouillis sur notre photo, prise à son école de hockey, avait gâché mon moment… et le portrait.

Donald a pris le temps de refaire la photo et de la signer lentement. Avec soin. La photo est restée. L’admiration aussi, même si Donald compose mal avec cela.

Peut-être le dire à McKenna.

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