Le monstre de la construction
Opinion de Robin Lebel
Le gouvernement libéral de Mark Carney a réuni les premiers ministres des provinces à Saskatoon. À l’ordre du jour : l’ouverture des frontières économiques interprovinciales. Cette initiative inclut l’assouplissement des lois afin de faciliter le déplacement de la main-d’œuvre entre les provinces.
Par Robin Lebel
C’est le ministre Christopher Skeete qui est chargé de piloter le projet de loi 112. Son objectif : réduire les barrières en adoptant une approche de reconnaissance unilatérale des normes de fabrication des biens et des certifications professionnelles.
Mais monsieur Skeete est ambitieux. Sait-il qu’au Québec, une panoplie d’organismes régissent le marché du travail, les contrats, la protection du consommateur, les petites créances, ou encore la sécurité sur les chantiers via la CNESST ?
Et au sommet de cette pyramide réglementaire trône une entité toute-puissante : la Commission de la construction du Québec (CCQ).
La CCQ est sans contredit l’organisme le plus redouté du milieu. Elle émet les cartes de compétence, édicte des règlements, inflige des amendes aux entrepreneurs et, avec un mandat, peut même entrer de force dans leurs bureaux. Rien que le processus d’obtention des cartes de compétence est un casse-tête. Saviez-vous qu’il faut un diplôme de secondaire 5 pour espérer obtenir une carte d’apprenti, peu importe le métier ?
Que fait-on alors avec tous ces travailleurs habiles de leurs mains, mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu terminer leur parcours scolaire ou retourner sur les bancs d’école ? Combien de jeunes hommes se retrouvent sur les chantiers dès leur adolescence parce que le système scolaire n’a pas su les accompagner ?
Malgré leurs talents, malgré les heures consacrées, ces travailleurs sont relégués au second rang par une bureaucratie rigide.
Défendre l’indéfendable
À elle seule, cette réalité pourrait faire échouer les ambitions de monsieur Skeete. Et ce n’est qu’un début. La CCQ multiplie les catégories, subdivise les tâches par métiers, et complique l’émission des cartes à l’extrême.
Pendant ce temps, sa présidente-directrice générale, Audrey Murray, veille sur son empire. Mais pas assez pour répondre aux invitations des médias québécois qui souhaiteraient débattre avec elle. Jamais elle n’a accepté d’aller en ondes défendre l’indéfendable. Récemment, l’animateur Luc Fernandez lui a lancé une invitation en direct sur les ondes de Cogeco. Résultat ? Silence radio.
Pourtant, il avait levé le voile sur des amendes exorbitantes émises par la CCQ. Certaines atteignant 90 000 $. De quoi faire sombrer n’importe quel petit entrepreneur.
La CCQ se permet même de centraliser dans un même dossier des plaintes qui ne relèvent pas de son mandat : protection du consommateur, petites créances, CNESST… tout y passe. C’est devenu une police économique aussi lourde que la Sûreté du Québec. Un véritable monstre, construit pièce par pièce, jusqu’à devenir le Godzilla de la construction au Québec.
Envisager l’abolition
Non, Mark Carney n’est pas sorti de l’auberge. Et ce, même si le pays est engagé dans une véritable guerre économique avec le président américain Donald Trump. Tant que les lois et les pouvoirs de la CCQ ne seront pas revus, ce sera peine perdue. Il faudra même envisager l’abolition de cet organisme.

Oui, il est parfois valorisant de se poser en champion des grandes vertus. Mais quand le sol commence à trembler sous nos pieds, rien ne garantit qu’on saura réagir à temps.