Occuper deux sièges à la fois
Collaboration intermunicipale
Joël Charest navigue dans la politique locale depuis 2017. Son expérience au fil du temps lui a permis d’implanter la collaboration intermunicipale en occupant le même poste… dans deux municipalités différentes.
En 2017, Joël Charest est recruté par la municipalité de Saint-Damase, là où la foi et la charrue font office de devise. Déjà, il a appris à porter plusieurs chapeaux, soit ceux de directeur général, greffier et trésorier, ce qui n’est pas rare dans les plus petites municipalités. Par la suite, il a sauté la clôture pour occuper le poste de directeur général, mais à Sayabec.
En 2022, une opportunité de carrière s’est offerte à lui. « J’avais pour mandat de construire un projet de collaboration intermunicipale entre Price et Sainte-Angèle-de-Mérici. J’étais alors directeur adjoint dans une équipe de direction avec Alain Thibault et nous devions bâtir un concept durable de partage de ressources. »
C’est le départ du directeur général de Price qui a poussé la municipalité à mettre le pied sur l’accélérateur dans sa recherche de partenaires. « Price a donc approché Sainte-Angèle-de-Mérici qui avait un nouveau directeur général. Les deux conseils municipaux étaient ouverts à cette collaboration. C’est comme ça que mon poste a été créé », explique Joël Charest.
Les forces de chacun
Alain Thibault et Joël Charest avaient chacun leurs forces. L’idée était donc de séparer la tâche selon l’expertise et de l’accomplir, mais pour deux municipalités. « Rapidement, nous nous sommes aperçus qu’il fallait aller plus loin. Nous avons donc appliqué ce concept à d’autres secteurs comme les travaux publics. Après avoir discuté avec les deux syndicats en place, nous avons senti leur ouverture et tout le monde était d’accord qu’on pouvait aller chercher des marges de manœuvre pour aider nos deux communautés. »
Le concept permet aussi de favoriser la rétention de personnel. « Nous avions engagé une ressource qualifiée pour l’eau potable. Nous l’avons affecté à quatre municipalités différentes, ce qui permettait de lui offrir un emploi à temps plein, évitant ainsi de devoir trouver quatre ressources différentes à temps partiel pour accomplir le même travail », poursuit Joël Charest.
De retour à Sayabec, l’ex-journaliste et fier papa de deux enfants pousse toujours plus loin la collaboration intermunicipale. « Nous avons acheté de l’asphalte froide qui a servi à huit municipalités. Aussi, ce qu’on remarque c’est qu’il est de plus en plus naturel d’aller cogner à la porte de la municipalité voisine pour emprunter de l’équipement, par exemple. »
En conclusion, Joël Charest croit que la collaboration initiée par les villes elles-mêmes est la meilleure façon de sauver des coûts, de maximiser les ressources et de partager l’expertise tout en conservant l’autonomie et le sentiment d’appartenance au sein des différentes municipalités.
Aussi l’affaire des grandes villes?
Si les petites municipalités ont tout avantage à partager leurs ressources et regrouper leurs achats, est-ce que les plus grandes villes se tournent aussi vers la collaboration intermunicipale?
On a posé la question à Simon Deschênes, maire de Sainte-Anne-des-Monts, ville la plus importante de la Haute-Gaspésie.
« Nous avons développé différents petits partenariats avec les municipalités voisines au fil des années. Ça peut se décliner de diverses façons. Par exemple, nous avons dépêché notre équipe technique à Marsoui lors d’un bris de conduite qui privait la municipalité au complet d’eau. C’était une fin de semaine et leurs ressources étaient limitées, donc nous avons pu rétablir l’eau assez rapidement. »

Ce fût aussi le cas du côté de La Martre alors que Sainte-Anne-des-Monts avait effectué les tests d’eau obligatoires pendant une période de 18 mois.
« Nous avons aussi collaboré à quelques reprises avec Cap-Chat pour des achats en commun. Je pense qu’il y a beaucoup de positif à en retirer. On s’en va de plus en plus vers ce type de coopération, surtout avec nos rôles grandissants comme gouvernements de proximité », soutient le maire annemontois.
Simon Deschênes estime que le partage de ressources humaines est aussi une avenue à privilégier. On peut penser notamment aux loisirs qui englobe plusieurs municipalités de l’Est de la Haute-Gaspésie. On a aussi vu Cap-Chat et Les Méchins se partager une ressource en ce sens dans le passé.
Oui mais…
« Tous les signaux nous envoient vers de plus en plus de collaboration, mais il y a un aspect fondamental à ne pas négliger qui est l’identité », renchérit Simon Deschênes.
Ce dernier avoue que les citoyens ont un fort sentiment d’appartenance envers leur ville ou village. On peut immédiatement penser aux fusions municipales de 2000. Or, même si plusieurs villages ont été officiellement été fusionnés, on entend encore, 25 ans plus tard, les noms de Tourelle, Capucins, Gros-Morne, etc.
Il y a donc de plus en plus d’ouverture pour mettre des ressources en commun et les grandes villes auront inévitablement un rôle important à jouer, d’abord pour leur propre bénéfice, mais aussi pour soutenir les plus petites municipalités dont les moyens sont moins grands.