Nouvel enjeu pour les producteurs agricoles
Des faits alarmants sont constatés sur l'eau d'abreuvement
La quantité et la qualité de l’eau d’abreuvement dans les fermes du Bas-Saint-Laurent sont de plus en plus problématiques. Une étude menée auprès de producteurs laitiers, de bovins et d’ovins fait un constat alarmant : la majorité des puits analysés sont contaminés par des bactéries, ce qui a un impact sur la productivité des élevages et sur la santé des animaux.
La moitié des fermes ont aussi manqué d’eau au cours des dernières années et la situation risque de s’aggraver avec les impacts des changements climatiques.
Une analyse de l’eau d’abreuvement a été réalisée au cours des deux dernières années dans une cinquantaine d’élevages du Bas-Saint-Laurent. Les puits de près de 60% des fermes de bovins de boucherie sont contaminés par des bactéries E. coli, des coliformes totaux ou des entérocoques. La moitié des élevages de moutons ont le même problème.
Chez les producteurs laitiers, la contamination est moindre au chapitre des coliformes totaux avec 30% de puits contaminés, mais atteint des niveaux qui surpassent les normes pour les entérocoques dans 40% des analyses.
C’est la firme de consultants en agroenvironnement JMP de Rimouski qui a réalisé l’étude commandée par le MAPAQ. L’agronome chargé du projet, Stéphane Bégin, se dit surpris des résultats.
« Ce qui nous a sauté aux yeux, c’est le grand nombre d’entreprises dont l’eau n’est pas conforme sur le plan bactérien et, surtout, la quantité de celles qui avaient des problèmes avec les coliformes fécaux. » Une situation qui témoigne, selon l’agronome, d’une mauvaise gestion des fumiers à la ferme en raison de l’emplacement du puits. Les puits creusés il y a de nombreuses années sont trop près des bâtiments, de la fosse à fumier, des chemins ou encore des enclos pour le bétail.
La situation est d’autant plus inquiétante que, dans beaucoup de cas, c’est le même puits qui est utilisé pour la ferme et la maison.
« Les gens ne sont pas de mauvaise foi, mais il y a une méconnaissance des enjeux. On dirait que l’eau, c’est acquis. C’est là depuis des générations et on croit qu’elle est de bonne qualité. Mais, ce n’est pas le cas. »
L’eau se fait rare
Au cours des dernières années, la moitié des fermes qui ont fait l’objet de l’étude ont manqué d’eau, principalement en raison de sécheresses.
« Avec les changements climatiques, le nombre de longues périodes sans précipitation et leur durée vont augmenter pendant l’été. Quand le niveau de la nappe baisse, c’est aussi un problème important. »
Pour produire du lait, une vache consomme, en moyenne, une centaine de litres d’eau par jour. Pendant les périodes de sécheresse, alors qu’il fait aussi plus chaud, les vaches, les bovins et les brebis ont encore plus soif, ce qui aggrave encore plus le problème.
L’étude vient confirmer l’importance, pour les agriculteurs, de s’assurer d’avoir des réserves suffisantes en eau. Selon monsieur Bégin, plusieurs entreprises agricoles vont devoir creuser de nouveaux puits plus profonds et aussi mieux situés pour éviter les problèmes de contamination.
Impact sur la santé animale
Une eau de mauvaise qualité a aussi des impacts sur la santé des troupeaux. Une eau contaminée entraîne une réduction de la croissance, des troubles de reproduction et une baisse de productivité. Le vétérinaire Gaston Rioux du Centre d’expertise en production ovine a contribué à l’étude.
« Nous, c’est la première chose qu’on a à vérifier. Comme vétérinaire, on peut intervenir en cas de maladie. Mais, la base d’une bonne santé animale, ce sont l’eau et l’alimentation. »

Monsieur Rioux souligne que c’est un facteur négligé par les éleveurs.
« L’eau contaminée peut rendre les animaux malades. Mais aussi, quand elle sent mauvais, qu’elle est polluée, ça va repousser les animaux et faire baisser la consommation. Donc, ça va avoir des impacts majeurs sur la santé des troupeaux. »
Une forte proportion des entreprises d’élevage ne font pas analyser leur eau. Pire encore, 80% des producteurs bovins et ovins n’ont jamais désinfecté leur puits. Les auteurs de l’étude soulignent que beaucoup de producteurs ne sont pas pleinement conscients de l’importance de contrôler la qualité de l’eau.
Pour eux, la surveillance du puits n’a pas la même importance que d’autres aspects de la gestion du bétail. L’étude recommande d’ailleurs au MAPAQ de développer des outils de diagnostic simples et économiques pour les producteurs agricoles et de les sensibiliser à ces enjeux.
Par ailleurs, l’outil de diagnostic développé par les consultants de JMP pour leur étude est public et disponible pour les agronomes qui voudraient l’utiliser. Les producteurs agricoles peuvent aussi demander une analyse de leur puits, même si l’étude est terminée.