Les dangers sournois de la route 132
Lettre ouverte de Denis Marcoux, maire de Saint-Simon-de-Rimouski
Lors d’une manifestation pour demander au gouvernement de compléter le tronçon manquant de 47 km de l’autoroute 20 entre Trois-Pistoles et Le Bic, un citoyen a rappelé un événement troublant : en 1976, la route 132 s’est effondrée sous deux camions, ouvrant un immense gouffre, alors seule voie vers l’est.
Lettre ouverte de Denis Marcoux, maire de Saint-Simon-de-Rimouski
Les chauffeurs ont pu s’extirper par le côté ouest, tandis qu’un autre, voyant le sol s’animer autour de sa voiture, l’a abandonnée et s’est enfui. Plusieurs personnes ont été blessées, heureusement sans décès. Est-ce vraiment rassurant?
Ce rappel m’a poussé à creuser ce dossier, et à vérifier l’affirmation que le sous-sol de la 132 serait « du jello ».
En réalité, il s’agit d’argile sensible, une matière bien plus instable. Ces argiles, qu’on appelle marines ou massives selon les endroits, sont des glaises qui peuvent brutalement perdre toute cohésion lorsque perturbées. Elles se liquéfient, provoquant glissements de terrain et effondrements majeurs.
Au Québec, de telles catastrophes ont déjà englouti des fermes, des quartiers entiers ou des portions de route, comme l’ont tristement illustré Saint-Jean-Vianney ou Saint-Alban.
Mais qu’est-ce qui provoque ce phénomène? Les pluies abondantes, de légères secousses sismiques, ou simplement le poids et les vibrations d’un trafic routier important, notamment de plusieurs véhicules lourds.
Or, sous la 132, de vastes dépôts d’argile s’étendent sur des kilomètres le long du Saint-Laurent, là où, il y a des milliers d’années, la mer intérieure a laissé derrière elle ces sédiments instables.
Transport des marchandises
Au fil du temps, plutôt que de prioriser le transport par train ou bateau, on a privilégié la route pour le transport des marchandises. En négligeant de compléter l’autoroute 20, on a reporté l’ensemble de la circulation – toujours plus nombreuse et plus lourde – vers la 132, qui traverse de petits villages et sert parfois de rue principale, comme à Saint-Simon-de-Rimouski.
Cette route n’a jamais été conçue pour un tel trafic. En construisant récemment notre caserne de pompiers sur la 132, nous avons d’ailleurs dû retirer beaucoup d’argile du site. Faut-il nous attendre à voir le sol s’ouvrir sous nos pieds ici la prochaine fois?
Si nos élus, députés et ministres responsables de la sécurité publique, connaissaient réellement l’ampleur du danger posé par cette argile marine instable sous la 132, ils cesseraient de reporter l’achèvement de la 20, dont un tronçon dessert Rimouski depuis 2008, mais dont l’accès continu reste incomplet.

Il est urgent que les élus demandent à leurs experts une évaluation claire de la situation?; et si ces risques sont confirmés, que des mesures soient prises sans délai pour éviter une catastrophe en gestation.
La sécurité de nos citoyens ne peut attendre qu’un autre drame survienne. J’en appelle au courage politique : il faut agir, compléter l’autoroute 20 et sécuriser la région.
S’il manque des fonds publics, il faut les emprunter. L’attente n’est plus une option.
Denis Marcoux, maire
Saint-Simon-de-Rimouski