Paroles et souvenirs de Paul McCartney
Livre prodigieux autour de pas moins de 160 chansons qu’il a composées
Paul McCartney est assurément le créateur de chansons le plus populaire et le plus prolifique au monde! Dans ce livre prodigieux, il raconte, dans ses propres mots, des souvenirs personnels et des anecdotes autour de pas moins de 160 chansons qu’il a composées, sur une période de près de 70 ans. Tout un exploit!
Un vrai régal pour tous les maniaques de la discographie de l’ex-Beatles et de l’ex-Wings. En toute franchise et sans pudeur, le génial musicien explique ses sources d’inspiration, qui remontent parfois à son enfance à Liverpool.
Il cite les grandes influences de sa vie artistique. Ses relations humaines avec son entourage sont amplement racontées, tout comme les relations parfois turbulentes avec son célèbre partenaire John Lennon, pour qui il a toujours eu un grand respect.
Impossible, évidemment, de résumer ce gros bouquin. Contentons-nous de dévoiler quelques éléments sur la façon de travailler de McCartney. Qu’est-ce qui l’inspire ? Comment réussit-il à inventer des chansons, paroles et musique ?
La musique avant les paroles
Première surprise : McCartney affirme que 98 % de ses chansons naissent d’une idée musicale et non d’une idée de paroles. C’est par la suite qu’il écrit les couplets.
Ça lui prend trois à quatre heures pour écrire une chanson, d’un seul trait. Selon lui, ça n’aurait aucun sens de la finir plus tard. Il éprouve toujours un sentiment de vide avant la création d’une chanson. Et il travaille généralement assis.
On peut « apprendre à laisser les cadences, les rythmes, les rimes venir naturellement », dit-il, et c’est ainsi que les chansons s’imposent.
L’une des clés de sa créativité, considère-t-il, c’est qu’il se met facilement dans la peau de différentes personnes pour composer des histoires. Bref, il ne faut pas se contenter de regarder son propre nombril.
Pour les paroles, il est important d’offrir des images visuelles, de « se laisser aller à la fantaisie » et d’accepter que ça prenne des directions inattendues.
Il a toujours voulu rester positif dans ses chansons, avec un style direct et un langage compréhensible.
« J’aime les vérités simples », dit-il. Il arrive facilement à s’identifier à la vie de famille, aux enfants qui jouent dans la cour. Il aime parler à tout le monde. Une rencontre imprévue ou un détail accidentel peuvent inspirer une chanson.
Dès sa jeunesse, McCartney estime qu’il a eu la chance de se familiariser à toutes sortes de réalités sociales et culturelles, par la lecture, la peinture, la télévision ou la musique.

En musique, par exemple, il avoue avoir été inspiré par le blues et le R&B (Chuck Berry, Little Richard). Il a aussi été attiré par la chanson française de l’époque, avec Piaf et Brel. Il reconnaît également la contribution de Bob Dylan et des Beach Boys.
Comme beaucoup d’habitants de Liverpool, McCartney est fier des origines irlandaises de sa famille. Il a l’impression que son aptitude à jouer avec les mots lui vient en partie de cette fibre ancestrale.
C’est d’ailleurs ce qu’il aime de la langue anglaise : « on peut interpréter les choses de différentes façons ».
Jouer sur les mots
Dans la chanson Penny Lane, par exemple, se trouve un joli calembour en anglais : l’infirmière qui vend sur la rue des coquelicots (puppies) s’est retrouvée pour certains auditeurs à vendre des chiots (poppies).
Ticket to Ride (un billet pour voyager) a fourni un amusant jeu de mots avec « Ticket to Ryde », une petite ville d’Angleterre où sa cousine tenait un pub.
Dans Too Many People, McCartney rigolait du morceau de gâteau (piece of cake) qui pouvait se transformer en vulgaire « Piss off cake ».
Dans She Loves You, il répète plusieurs fois « Yeah, yeah, yeah », une tournure de l’argot américain, alors que son père aurait souhaité qu’il s’exprime correctement, avec des « Yes, yes, yes ».
Pour la chanson Got to Get You Into My Life (Je dois te faire entrer dans ma vie), le compositeur avoue honnêtement qu’il était question de marijuana, substance que son groupe avait découvert en 1964. C’était impossible de le dire ouvertement dans les années 1960, si on voulait passer à la radio.
L’album Sergeant Pepper’s n’a pas du tout été conçu dans un esprit de nostalgie, mais bien dans un besoin de libération. Après la tournée démentielle de la Beatlemania en Amérique, McCartney n’avait pas envie de faire encore un autre album des Beatles, à la façon habituelle.
En 1966, il imagine mettre en place un nouveau groupe musical, avec un contexte très différent, pour se libérer de cette pression de la célébrité. L’orchestre des cœurs solitaires du sergent Pepper est né de ce besoin.
She’s Leaving Home (Elle quitte la maison) aurait été créée à partir d’un article de journal sur une étudiante qui avait disparu de la maison de ses parents.
Why Don’t We Do It in the Road (Pourquoi on ne fait pas ça sur la route ?) a été composée après que McCartney a vu deux singes copuler dans la nature en Inde! Ça semblait « si naturel », affirme-t-il.
L’archi-connue Yesterday (Hier) a bourgeonné avec un air qui s’est déclenché dans sa tête un bon matin. Il croyait qu’il fredonnait une chanson déjà connue et il a dû vérifier avec son entourage.
Les premiers mots qui sont venus pour cette chanson, c’était Scrambled Eggs (Œufs brouillés).
McCartney a aussi connu de virulentes critiques, surtout du temps de Wings, alors qu’il a pondu plusieurs ballades un peu trop sirupeuses. Il a répondu avec Silly Love Songs (Chansons d’amour débiles), affirmant que c’est l’amour qui rend la vie meilleure. Et que c’est trop facile d’être cynique.
C’est une dame qui enseignait le français qui a proposé à McCartney les quelques mots en français qui se retrouvent dans sa chanson Michèle.
Deux des chansons des Beatles, She Loves You et I Want to Hold Your Hand, ont même été enregistrées en version allemande.
À l’époque, pour sortir un disque en Allemagne, « il fallait que les paroles soient en allemand »! C’était avant que l’anglais ne devienne la tentaculaire langue internationale de la chanson populaire.

Paul McCartney, Paroles et souvenirs, de 1956 à aujourd’hui, (traduit en français), écrit dans le cadre de conversations entre Paul McCartney et Paul Muldoon, Buchet Chastel, 2024, 586 pages, 55 $.
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