Référendum de 1995 : la marche de Montréal a changé la donne
Dossier journalistique spécial proposé par Le Soir.ca (3 de 5) 
                                      Une semaine avant le référendum du 30 octobre 1995, un événement allait profondément ébranler la campagne et, selon plusieurs souverainistes, changer l’issue du vote : la marche pour le non à Montréal. Trente ans plus tard, cet épisode demeure l’un des plus controversés de l’histoire référendaire québécoise.
Pour les militants du oui au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, qui sentaient la victoire à portée de main, cette mobilisation massive a constitué un choc.
Pour celle qui a été députée de Matapédia et déléguée de la Commission sur l’avenir du Québec pour le Bas-Saint-Laurent, l’impact a été dévastateur. « Dans les journées antérieures au référendum, je recevais des téléphones parce que les gens étaient bouleversés, témoigne Danielle Doyer. La marche pour le non à Montréal a beaucoup fait mal. »
Elle raconte avoir reçu des appels désespérés. « Des gens pleuraient au téléphone et disaient qu’ils voulaient voter oui, mais qu’ils n’étaient plus certains depuis qu’ils avaient vu la marche à Montréal avec les gens qui disaient qu’ils nous aimaient. »
Spectacle émotionnel
Des dizaines de milliers de Canadiens venus de l’extérieur du Québec ont convergé vers Montréal, transportés par train et par avion spécialement affrétés.
Brandissant des pancartes « We love you » et des drapeaux canadiens, ils ont créé un spectacle émotionnel puissant, diffusé en boucle à la télévision. Pour les souverainistes, cette démonstration relevait de la manipulation orchestrée avec des fonds publics.
Matthias Rioux, qui était député de Matane, ne mâche pas ses mots.

« Ce qui est le plus scandaleux, c’est qu’on s’est fait voler ce référendum! C’était une hypocrisie monstre, financée par le gouvernement canadien. De plus, on violait la loi sur les référendums en injectant des milliers et des milliers $ pour payer les déplacements de ces gens-là! »
Selon madame Doyer, ce rassemblement a eu un effet psychologique sur le vote. La députée devait rassurer ses électeurs qui étaient bouleversés.
« Je leur disais que ce n’était pas une question d’amour et je leur rappelais l’argumentaire pour le oui. Mais, certains continuaient à dire que les gens de la marche nous aimaient et qu’ils ne voulaient pas qu’on quitte le Canada. »
Intervention illégitime
Pour le camp souverainiste, la question du financement demeure centrale. Madame Doyer précise que « les camps du oui et du non ont dépensé à peu près les mêmes montants et qu’ils ont respecté les règles de la Direction générale des élections du Québec. »
Mais, le fédéral avec Jean-Chrétien, Jean Charest et tous les autres qui étaient pour le non ont dépensé autant en argent que le camp du oui et le camp du non réunis », dénonce-t-elle encore.
Trente ans plus tard, la marche de Montréal symbolise, pour les souverainistes, une intervention illégitime qui a faussé un processus démocratique. Pour les fédéralistes, elle représente l’expression légitime de Canadiens souhaitant préserver leur pays. Le débat sur sa légalité et son impact demeure.
 
                
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