Référendum de 1995 : Bonaventure, irréductible bastion du non
Dossier journalistique spécial proposé par Le Soir.ca (4 de 5)
À contre-courant de leur région, des militants ont défendu l’unité canadienne avec détermination lors du référendum de 1995. Dans un océan de drapeaux fleurdelisés et de ferveur souverainiste, la circonscription de Bonaventure s’est braquée devant la vague du oui dans l’Est-du-Québec.
En Gaspésie, Bonaventure incarne la résistance.
Seule circonscription du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie à voter non avec 52% des voix, elle doit sa victoire à une organisation libérale solide et à l’héritage politique de Gérard D. Lévesque, député pendant 37 ans.
Le président de l’Association libérale locale en 1995 se souvient avec fierté de la campagne référendaire. « On avait travaillé pour gagner le référendum et on l’a gagné », affirme Fabrice Bourque.
Forte représentation
Selon celui qui militait pour le non, l’Association comptait, à une certaine époque, de 2000 à 3000 membres. Il estime que, sur une population qui était de 26 000 à 28 000 personnes, les membres représentaient près de 10% de la population.
« Ça se jasait beaucoup dans les familles et c’est comme ça qu’on avait gagné le référendum », explique monsieur Bourque. La stratégie reposait sur un maillage serré du territoire, avec « une ou deux personnes dans chaque municipalité qui étaient en charge ».
Le chef du Parti progressiste-conservateur du Canada de cette période et qui était vice-président du comité du non au Québec avait particulièrement misé sur Bonaventure.

Fabrice Bourque se souvient de l’assemblée publique de Caplan, à laquelle avait pris part Jean Charest et lors de laquelle il avait prononcé un discours marquant sur l’importance de rester au sein du Canada.
Sa présence avait galvanisé les militants, convaincus que la séparation représentait un risque économique trop grand.
Comité du non modeste dans Matane
Dans la circonscription de Matane, la situation était bien différente de celle de Bonaventure. L’ex-maire de Matane, qui avait été l’attaché politique du député fédéral Pierre De Bané, militait au sein du comité du non. Selon Claude Canuel, l’organisation était plutôt modeste.
« J’étais responsable du comité du non dans Matane avec Maurice Gauthier. Mais, ce n’était pas une équipe à temps plein. C’était spontané. » Face à la domination du Parti québécois, monsieur Canuel reconnaît lucidement que, « quand on pense qu’on ne fera pas la différence, on ne met pas trop d’efforts. »

Son vote pour le non découlait d’une conviction profonde.
« Depuis que je suis au monde, je suis fier d’être Canadien. Quand on a commencé à parler de séparation, je n’ai jamais rien vu de bon à être à part quand on est moins. » Son expérience à Ottawa auprès du ministre De Bané, qui était dans l’équipe de l’ancien premier ministre Pierre-Elliott Trudeau, l’avait convaincu de l’importance de la présence francophone au fédéral.
Entre soulagement et inquiétude
Le soir du référendum, les réactions dans le camp du non oscillent entre soulagement et inquiétude. À Bonaventure, monsieur Bourque et ses militants célèbrent leur victoire locale, malgré la marge serrée à l’échelle du Québec.
« Sur le moment, on était content que le oui ne soit pas passé et que Bonaventure ait résisté. » Mais, il admet du même souffle que le moment était assez émotif et que les réactions étaient plutôt mitigées. « Même si on avait gagné, ce n’était quand même pas une grosse victoire! On voyait aussi que la société québécoise était divisée. »
Minoritaires dans leur région, mais tout de même victorieux dans leur circonscription, les militants du non dans Bonaventure ont, à leur façon, marqué l’histoire référendaire de l’Est-du-Québec.

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