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Pourquoi nos routes ne sont-elles pas garanties 10 ans ?

L'opinion de Johanne Fournier
Nos routes affrontent un adversaire de taille : notre climat. (Photo Johanne Fournier)

Le festival des cônes orange et de la circulation en alternance tirent à leur fin sur nos routes. À l’approche de l’hiver, les chantiers routiers céderont bientôt le pas au ballet des charrues et des souffleuses à neige.

L’opinion de Johanne Fournier

Mais, pourquoi, le printemps venu, nos routes requièrent-elles autant de travaux ? Pourquoi la construction de nos routes n’est-elle pas garantie dix ans comme n’importe quel électroménager, me demande un lecteur ? Tout simplement parce que nos routes affrontent un adversaire de taille : notre climat.

Le Québec possède un climat hostile pour les infrastructures routières. Selon les sources consultées, le sol gèle à une profondeur qui varie de 1,2 à 3 mètres pendant plus de quatre mois. Les cycles de gel et de dégel menacent l’intégrité des routes.

Chaque fois que l’eau s’infiltre dans les fissures de la chaussée, celle-ci gèle et prend de l’expansion. Puis, elle dégèle et agit comme un marteau-piqueur invisible.

Les facteurs précurseurs des nids-de-poule incluent la présence de fissures à la surface du revêtement, attribuables à une multitude de causes. Sous l’action répétée des véhicules ainsi que des cycles de gel et de dégel, ces défauts s’aggravent.

La situation est encore plus préoccupante dans la vallée du Saint-Laurent. Selon une étude de l’Université Concordia, une hausse du nombre de journées de transition durant l’hiver provoque des fluctuations de température conduisant à une dilatation et à une contraction répétées des molécules d’eau.

Fragilité maximale au printemps

Durant la période de dégel, la situation devient critique. La capacité portante des routes est réduite en période de dégel, leur solidité diminuant de 30 à 70 %, au point qu’un seul poids lourd en surcharge peut causer des dommages à la chaussée. C’est pourquoi le ministère des Transports impose des restrictions de charge aux camions.

L’avenue Rouleau, entre les rues Saint-Jean-Baptiste et Évêché Ouest à Rimouski, le printemps dernier. (Photo Le Soir.ca- Olivier Therriault)

Le drainage est mauvais en période de dégel et le problème peut être aggravé par un dégel rapide et un printemps pluvieux.

Car, quand il y a de l’eau dans le sol, la capacité portante du sol est moins forte, a expliqué un ingénieur de l’Université Laval spécialisé en génie civil au collègue Jean-Thomas Léveillé de La Presse en avril 2024.

Risque impossible à assumer

Imposer une garantie de 10 ans obligerait les entrepreneurs à assumer seuls le risque de conditions météorologiques. Le résultat ? Les coûts de construction exploseraient.

Les entreprises ajouteraient des primes de risque à leurs soumissions pour se protéger contre l’incertitude. Les contribuables paieraient davantage, sans obtenir de meilleures routes.

Des travaux routiers à Rimouski, l’été denrier. (Photo Le Soir.ca – Annie Levasseur)

D’autres pays nordiques confrontés à des défis similaires aux nôtres ont développé des approches innovantes. La Finlande et la Norvège investissent massivement dans la recherche sur des matériaux résistants au gel et au dégel.

Le Québec gagnerait à s’inspirer de ces modèles, même si cela implique des coûts initiaux plus élevés. Investir dans la qualité dès la construction coûte moins cher à long terme que réparer continuellement.

Repenser notre approche

La vraie question n’est peut-être pas « pourquoi nos routes ne sont-elles pas garanties dix ans ? », mais plutôt « comment construire des routes qui durent longtemps ? ».

La réponse réside dans un changement de mentalité : privilégier la qualité sur le prix le plus bas lors des appels d’offres, investir dans des matériaux innovants et accepter que l’entretien préventif vaille mieux que la réparation d’urgence.

Nos routes reflètent un combat contre les éléments. Avec de la volonté politique, de l’innovation et des investissements judicieux, pourrait-on espérer réduire la fréquence de ce perpétuel recommencement de nos routes qui nous exaspère tant ?

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