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Saint-Germain n’est peut-être pas celui qu’on croit !

Au départ, l'église de la paroisse mère de Rimouski devait être dédiée à saint Germain d'Auxerre. Mais c'est plutôt saint Germain de Paris qui est devenu le patron de Rimouski et par la suite du diocèse. Alors, que s'est-il passé ?
La cathédrale de Rimouski dédiée à saint Germain de Paris

Le premier seigneur habitant de Rimouski, René Lepage, était un Français né dans la paroisse Notre-Dame Duenne, aujourd’hui commune d’Ouanne, près de la ville d’Auxerre en Bourgogne, où il a été baptisé le 10 avril 1656. Il est possiblement arrivé en Nouvelle-France en 1672 avec son père, Germain Lepage. Pour honorer la mémoire de son père et se rappeler leur région d’origine, René Lepage souhaite que la nouvelle paroisse de la seigneurie de Rimouski soit placée sous le patronage de saint Germain d’Auxerre.

En 1701, soit bien avant l’érection canonique de 1829, la paroisse est déjà connue sous le nom de Saint-Germain comme en fait foi le tout premier acte de mariage passé ici et que nous reproduisons intégralement en français de l’époque : « L’an de notre Seigneur mil sept cent un premier jour de septembre iay moy frère Bernardin Leneuf après avoir publié un banc et n’avoir trouvé aucun empeschement marié dans la paroisse de St.Germain, Pierre Gosselin et Marie Guerinette en présence des témoins soussignés Germain Lepage, René Lepage de Ste-Claire. En foy de quoy iay signé. Frère Bernardin Leneuf récollet missionnaire. »

Cette toile exposée dans la cathédrale de Rimouski représente saint Germain d’Auxerre recevant le voeu de virginité de sainte Geneviève. Il lui remet une médaille d’airain timbrée d’une croix, gage de sa consécration à Dieu. Photo Richard Saindon


Une autre preuve que les premiers habitants voulaient que le saint patron de l’agglomération naissante nous est donnée à l’occasion de la bénédiction de la deuxième église de Rimouski en 1789. Le curé de L’Isle-Verte et ancien missionnaire de Rimouski, l’abbé Adrien Leclair, écrit ce qui suit à l’évêque de Québec Mgr Jean-François Hubert : « Je supplie votre grandeur de permettre à quelques prêtres des environs ou à moi-même si vous le jugez à propos, d’en faire la bénédiction le 30 juillet prochain, veille de saint Germain ». Voilà un fait intéressant car selon le martyrologue, la fête de saint Germain d’Auxerre est bel et bien le 31 juillet tandis que celle de saint Germain de Paris est célébrée le 28 mai. Il n’y a donc pas d’erreur possible.

Enfin, grâce à un don de 200 écus fait en 1736 par Nicolas Lepage de Lafossès, l’un des fils de René Lepage, le vicaire général de Québec, le père Jean-Pierre de Miniac, est délégué en France pour y acquérir un tableau représentant saint Germain d’Auxerre. L’œuvre a été commandée et exécutée à Paris, mais le nom de l’artiste demeure un mystère. Lors de l’ouverture en 1962 de la grande église qui deviendra cinq ans plus tard la cathédrale, le tableau est placé bien en vue au-dessus du maître-autel. Cette toile était toujours exposée dans la cathédrale au moment de sa fermeture il y a près de six ans.

Un nouveau patron

Nous avons établi précédemment que les premières églises de Rimouski étaient sous le patronage de saint Germain d’Auxerre. Or la cathédrale a été dédiée à saint Germain de Paris. Par quel miracle ? En fait, le changement s’est opéré lors de l’érection canonique de la paroisse de Rimouski en 1829 par l’évêque de Québec, Mgr Bernard-Claude Panet. Dans le décret d’érection nous pouvons lire : « Nous avons érigé et érigeons par les présentes en titre de cure et de paroisse, sous l’invocation de Saint-Germain, évêque confesseur, dont la fête se célèbre, selon le martyrologue romain, le 28 mai, les dites seigneuries de Rimouski et de St-Barnabé ».

Un vitrail du côté est de la cathédrale de Rimouski montre saint Germain, 20e évêque de Paris de 555 à 576

Mgr Panet a donc choisi saint Germain de Paris plutôt que saint Germain d’Auxerre. Simple confusion ou geste délibéré ? L’ancien prévôt du Chapitre de la cathédrale de Rimouski, Mgr Louis-Philippe Romuald Sylvain, estime qu’il faut chercher l’explication de ce choix dans le caractère même de Mgr Panet. Dans un livre consacré à saint Germain de Paris il écrit : « Mgr Panet, nous disent ses biographes, était naturellement bon et affable, pieux, zélé et charitable. Humble curé de la Rivière-Ouelle pendant plus de quarante-quatre ans, il a compris que saint Germain de Paris, de modeste origine, conviendrait mieux aux nouveaux paroissiens de Rimouski que Germain d’Auxerre, d’origine très illustre, patricien, avocat et farouche chasseur, devenus aussi célèbres l’un et l’autre par leur sainteté et par l’éclat de leurs miracles. Telle est, il nous semble la raison du choix de l’évêque de Québec ».

Représentation de saint Germain de Paris dans un bréviaire datant de 1414

Plus terre-à-terre, l’ancien archiviste de l’archevêché de Rimouski, l’abbé Léo Bérubé est d’avis que l’évêque de Québec a tout simplement agi par ignorance, ne sachant pas que les Lepage, auxerrois d’origine, entendaient bien honorer le souvenir de leur saint compatriote.

Le premier évêque de Rimouski, Mgr Jean Langevin vouait un véritable culte à saint Germain de Paris. À son arrivée, il a fait enlever le tableau de saint Germain d’Auxerre de la place d’honneur qu’il occupait dans l’église, et le 28 mai 1876, il a fait célébrer l’anniversaire de la mort de saint Germain de Paris dans tout le diocèse. Une procession dans les rues de Rimouski avec la relique du saint fut l’un des hauts faits de cette neuvaine spéciale.

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