Histoire de la presse écrite à Rimouski – Partie 1
Depuis plus de 150 ans, pas moins de 18 journaux ont été publiés à Rimouski. Du nombre, il y a même eu un hebdomadaire de langue anglaise !Quelques magazines ont également vu le jour à Rimouski, mais pour cette chronique, nous ne parlerons que des journaux.
Le journaliste, auteur et rimouskois d’adoption, Arthur Buies, écrivait en 1877 : « À Rimouski, il n’y a personne, sachant lire, qui ne reçoive un ou plusieurs journaux, chose absolument unique dans toute la province. » Buies nous parle évidemment des quotidiens nationaux de l’époque acheminés ici par courrier tels Le Canadien, La Minerve ou La Patrie, mais aussi des hebdomadaires rimouskois qui se sont succédés au XIXe siècle.
Le 25 juin 1867 paraît La Voix du Golfe. Il s’agit du journal le plus ancien publié à Rimouski. La fondation de ce journal est commandée par Mgr Jean Langevin qui vient tout juste d’être nommé évêque de Rimouski. Les capitaux nécessaires au démarrage proviennent du frère de l’évêque, le ministre sir Hector-Louis Langevin, Père de la Confédération et bras droit du premier ministre John A. Macdonald. Les deux frères embauchent un imprimeur de Québec, Pierre Delisle, qui vient à Rimouski prendre en charge la publication de ce journal. Mgr Langevin surveille de très près le contenu rédactionnel de La Voix du Golfe et recommande à tous les prêtres du diocèse de s’abonner. Le 1er janvier 1868, c’est le vicaire général du diocèse de Rimouski, Mgr Edmond Langevin, frère des deux autres, qui devient propriétaire du journal. Il sera entre ses mains, l’organe officiel du clergé diocésain et du Parti conservateur. Le journal poursuit sur sa lancée mais s’essouffle au bout de trois ans de sorte que le dernier numéro de La Voix du Golfe paraît le 18 juillet 1871. À cette occasion, le rédacteur sert quelques remontrances au public. Il écrit : « Nous prenons de nouveau l’occasion de reprocher au public et particulièrement à la classe des cultivateurs son extrême apathie pour tout ce qui concerne ses intérêts tant religieux que matériels et son éducation politique. »
La fin du XIXe siècle
Cinq autres journaux naissent à Rimouski dans le dernier quart du XIXe siècle, mais il y aura de longues périodes au cours desquelles la ville sera privée d’un média écrit. Ainsi, moins de deux mois après la disparition de La Voix du Golfe, on assiste à la naissance d’un journal bihebdomadaire, Le Courrier de Rimouski. Ce journal est lancé par le dernier imprimeur de La Voix du Golfe, Pascal-Georges St-Pierre, tandis que le rédacteur en chef est un fonctionnaire rimouskois, Arthur-Prisque Letendre. Le Courrier de Rimouski se définit comme un média généraliste abordant des sujets reliés à la politique, la religion, les commerces, l’agriculture et la littérature. En matière de politique le lecteur sait à quoi s’en tenir car, dès le premier numéro, il est précisé que le journal est « …conservateur comme le beau comté dont il sera l’organe. » Encore une fois, cet hebdomadaire est supervisé par Mgr Edmond Langevin. Un acte passé devant le notaire Pierre-Louis Gauvreau à Rimouski le 2 août 1872, nous apprend d’ailleurs que Mgr Edmond Langevin est insatisfait d’un article publié dans Le Courrier de Rimouski. Pascal-Georges St-Pierre est rappelé à l’ordre par le notaire Gauvreau qui lui précise les termes de son contrat : « aucun article, correspondance ou annonce ne pourra paraître sans avoir été approuvé par l’évêché ». Cette affaire provoque la démission du rédacteur en chef Arthur-Prisque Letendre. Pour sa part, Le Courrier de Rimouski disparaît après un an et demi.
Plus de trois années s’écoulent avant de voir arriver un nouvel hebdomadaire Le Nouvelliste de Rimouski dont le premier numéro sort des presses le 23 décembre 1876. Ce journal sera publié jusqu’en 1881. La même équipe livre parallèlement, pendant quelques mois, un hebdomadaire anglophone The Rimouski Star. Hormis le personnel cadre de la compagnie Price et quelques marchands d’origine anglaise, on comprend que la clientèle pour un journal anglophone à Rimouski est très limitée à cette époque. Viennent ensuite L’Écho du Golfe en 1885-1886 et Le Journal de Rimouski en 1899 dont l’existence sera fort brève soit du 6 juillet au 10 août. Par contre le Journal de Rimouski lancera la carrière d’une très grande journaliste, l’une des premières au Canada soit Madeleine Gleason. Née à Rimouski, cette femme remarquable sera plus tard connue sous le nom de Madeleine Huguenin à la suite de son mariage avec le médecin montréalais Wilfrid-Arthur Huguenin. Après avoir quitté Rimouski, elle travaille de nombreuses années pour le journal La Patrie avant de lancer La Revue moderne qui deviendra en 1960 le magazine Châtelaine.
Comme le précise l’historien Mario Mimeault dans le livre Rimouski depuis ses origines, tous ces journaux présentent un portrait assez juste de la société rimouskoise de la fin du XIXe siècle, en informant la population des grands débats municipaux, des programmes électoraux, des questions économiques d’intérêt pour Rimouski comme l’amélioration du quai, des renseignements pour les agriculteurs, des feuilletons, et aussi, les résultats scolaires des élèves de la ville!
Le Progrès du Golfe et L’Écho du Bas-Saint-Laurent
À la suite de la disparition du Journal de Rimouski en 1899, et après plus de quatre ans sans journal local, les Rimouskois peuvent tenir dans leurs mains, le 15 avril 1904, le premier numéro de l’hebdomadaire Le Progrès du Golfe. C’est l’avocat Louis-Napoléon Asselin qui lance ce journal en association avec l’imprimeur rimouskois François-Xavier Létourneau. Asselin est l’un des notables les plus en vue de Rimouski. Il a notamment été député conservateur de Rimouski à Québec, maire de Rimouski, procureur de la couronne, commissaire d’école et marguillier. La presse écrite ne lui est pas inconnue car il avait fondé L’Écho du Golfe en 1885 dans le but d’assurer sa réélection au parlement de Québec en 1886. Il a cependant subi la défaite. Parmi ses nombreuses fonctions, Asselin est également shérif et il utilise les détenus de la prison de Rimouski afin d’actionner les presses du journal !
Le Progrès du Golfe aura une remarquable longévité puisqu’il cessera de paraître en 1970. Cet hebdomadaire va se distinguer par la qualité de sa facture et la richesse de son contenu. Avec des journalistes chevronnés dont Andrée Gauthier, Lisette Morin et Sandy Burgess, ainsi que Claude Pearson et Marc Vaillancourt aux sports, le journal se voit décerner en 1957, le prix du meilleur hebdo de langue française au Canada. En 1910, Le Progrès du Golfe devient la propriété du notaire Eudore Couture avant d’être racheté en 1923 par Jules-A. Brillant. Homme d’affaires avisé, Brillant apprend rapidement l’importance de contrôler l’information. Il impose d’ailleurs une censure sur tout ce qui touche ses entreprises. Cette attitude va conduire indirectement à la naissance d’un nouvel hebdomadaire en 1933; L’Écho du Bas-Saint-Laurent. Cette année-là, Brillant retire le contrat d’impression du Progrès du Golfe à l’Imprimerie générale propriété de Monsieur Isidore Blais. Ce dernier décide alors de fonder L’Écho du Bas-Saint-Laurent dont le tirage initial est de 2000 exemplaires. Non seulement le journal menace le marché publicitaire du Progrès du Golfe, mais il en vient à se faire le porte-parole des critiques adressées aux entreprises dirigées par Brillant et notamment sur l’épineuse question des tarifs d’électricité de la Compagnie de Pouvoir du Bas-Saint-Laurent qui sont parmi les plus élevés au Québec. L’Écho peut compter sur un journaliste talentueux en la personne de Jean-Paul Legaré. Un jour toutefois, à la fin des années 1950, Brillant rachète également L’Écho du Bas-Saint-Laurent, s’offrant ainsi le monopole de la presse à Rimouski puisqu’il possède également les stations CJBR-TV et CJBR-AM.
La suite de cet article sera en ligne sur le site du journal le soir le 9 février.