Par amour pour l’Afrique
Michel Dompierre et le projet « EBENE »Le photographe rimouskois Michel Dompierre apporte sa touche très particulière à un projet élaboré dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, un projet s’avère une expérience humaine d’une profondeur exceptionnelle.
Michel s’est associé au fondateur du Cabaret de la Diversité, Lenine Nankassa Boucal, pour élaborer une exposition virtuelle baptisé « EBENE ». Celle-ci est constituée de portraits –aux sens propre autant que figuré- affichés pendant tout le mois de février sur les plateformes du Cabaret de la Diversité, dont sa page Facebook.
14 portraits
Le projet original a subi plusieurs mutations en raison de la crise sanitaire. Au départ, il devait faire l’objet d’une exposition itinérante et virtuelle et présenter 28 personnalités, soit une par jour. Finalement, ce sont 14 portraits qui ont pu être réalisés pour présenter différentes personnalités sur le thème « noir sur noir ».
Si Nankassa Boucal a mérité plusieurs hommages ces dernières années, pour ses efforts en faveur de l’intégration des nouveaux arrivants, Michel Dompierre a pour sa part été honoré il y a un peu plus de deux ans, en novembre 2019, alors que le député Harold LeBel lui remettait la médaille de l’Assemblée nationale.
Originaire de l’Outaouais, il a été journaliste et attaché de presse, mais sa grande passion a toujours été la photographie d’abord. Des souvenirs à chérir, Michel Dompierre n’en manque pas. Il a été notamment photographe officiel pour la visite royale de la princesse Anne, fille de la reine d’Angleterre (1986). Il est est maintenant à quelque 60 ans de carrière.
Profil
« La dernière photo va être publiée lundi. C’est celle d’une jeune fille, Aïsha. Elle viendra boucler la boucle, car l’exposition met aussi en vedette une personne du troisième âge. Lenine et moi avions élaboré un projet plus exhaustif, mais nous nous sommes adaptés en raison de la COVID. On s’est entendus pour sélectionner 14 personnalités noires, pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs, pour qu’ils prennent la parole. On voulait notamment savoir comment ils se sentent dans leur terre d’accueil ou comment ils ont été reçus s’ils n’étaient que de passage. On dresse leur profil, mais ils prennent aussi la parole. Moi, ma « job », c’est de traduire par l’expression, par la photo, ce qu’ils disent, en fait. «
« C’est pour ça qu’on a opté pour la formule noir sur noir : pour éviter de faire de la distraction. Je leur ai aussi demandé de retirer tout artifice : pas de bague ni de collier; pas de rouge à lèvres, pas de décor : que du noir, pour qu’on se concentre sur le regard. Un moment donné, on a été obligé dans le projet original de rencontrer les gens pour préparer la prise de vues parce que ce n’était plus permis. Nos projets ont été interrompus deux fois par le virus.
Bénévolement
« On a tout fait ça bénévolement. Ce n’est pas comparable à ce que j’ai déjà fait. L’échange commençait là, entre un blanc et un ou une noir.e. Je l’ai fait pour l’Afrique, pour tout ce qu’elle m’a donné quand j’ai été photographe de brousse. J’ai fait des photos là-bas pour l’Agence canadienne de développement international. J’ai aussi vécu une aventure en Afrique de l’Est avec les « Docteurs volants » (AMREF). Ça m’a fait vraiment et grandement plaisir. Les séances de photo ont été faites les fins de semaine, sur deux mois. Le projet « EBENE », par rapport aux autres que j’ai faits en est un très humaniste. C’est pour ça que je l’ai fait. »
« J’ai accueilli pour nos séances photo des gens qui sont ici depuis une dizaine d’années. Dans d’autres cas, c’étaient des réfugiés. D’autres sont nés ici, d’autres sont ici depuis trois mois. Certains étaient totalement en choc culturel. Ils essayent de comprendre des choses aussi simples que comment ça marche quand tu veux acheter une pinte de lait ici. Imagine! Tu arrives d’un village africain où les femmes vont chercher l’eau à pied. On n’est pas dans le même monde. Ici, si ça peut être compliqué pour nous, parfois, de prendre l’autobus, imagine pour eux autres », s’exclame Michel Dompierre.
Souvenir africain
Qu’a retenu Michel Dompierre de cette expérience?
« Quand je dis remettre à l’Afrique ce que l’Afrique m’a donné, je pense au moment où, quand j’arrivais dans un village africain, je devais rencontrer le chef du village. Là-bas, si tu es une minorité visible, tu ne peux pas te présenter directement au village. Il faut que tu passes par le chef. Il te reçoit et tu fais connaissance avec lui dans sa case. Il te demande: « mon cher ami, que viens-tu faire chez moi? » Dans mon cas, c’était « Je viens faire des photos dans le cadre de tel projet. » « Alors nous allons vous aider à réaliser ce que vous voulez réaliser » et il tient parole. Il te présente au village. Les gens savent qui tu es et pourquoi tu es là. Et là, le téléphone du tam-tam se fait entendre d’un village à l’autre. Et quand tu veux t’en aller, il faut repasser par la case du chef pour qu’il, selon l’expression, te « donne la route ». Tu lui dis merci, que tu as trouvé ce que tu cherchais, et il te souhaite bonne route en t’indiquant le chemin à suivre. »
En vidéo, voyez le reportage réalisé par la Fabrique culturelle de Télé-Québec sur le projet « EBENE ».