Le système judiciaire présente encore des failles
Au lendemain du verdict ayant déclaré Harold LeBel coupable d’agression sexuel, le Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de l’Est du Bas-Saint-Laurent rapporte un soulagement chez les victimes d’agressions sexuelles, mais souligne qu’il y a encore du travail à faire pour les victimes d’agressions sexuelles.
« Chaque verdict est important, parce que chaque verdict peut avoir un impact sur la société, mais d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une personnalité publique telle qu’un ancien élu », explique la co-responsable au secteur socio-politique du CALACS de l’Est du Bas-Saint-Laurent, Émilie Pelletier.
« Il ne faut pas non plus focaliser seulement sur cette situation parce qu’elle implique une personnalité connue. Une femme sur trois vivra au moins une agression sexuelle au cours de sa vie et on sait que les femmes représentent environ la moitié de la population, donc ça touche vraiment beaucoup de gens. »
Jamais facile
Elle explique que si le système présente des améliorations, que certains aspects sont encore problématiques.
« On ressent un soulagement chez les victimes d’agressions sexuelles. Ça peut envoyer comme message que c’est possible de gagner une cause. On est soulagé par cette nouvelle, mais il reste que le système judiciaire a encore des croûtes à manger. »
« C’est toujours difficile de dénoncer, que ce soit une personne en position d’autorité ou non. On ne nie pas qu’il y a des améliorations dans le système judiciaire, on voit notamment une volonté de faire mieux avec les tribunaux spécialisés, cependant ce qui est encore problématique, ce sont certains mythes et certains préjugés qui circulent dans le milieu judiciaire. »
Plus de sensibilisation
Pour y remédier, madame Pelletier met l’accent sur l’importance de la sensibilisation.
« La clé, c’est vraiment l’éducation et la sensibilisation, afin de mieux comprendre ce qu’est une agression à caractère sexuel. De comprendre également à quel point ça peut être difficile pour une victime un contre-interrogatoire, qui peut parfois être très long. Alors, ce que l’on préconise beaucoup, c’est de la formation, de la sensibilisation par rapport à la traumatologie des agressions sexuels, à la neurobiologie du traumatisme. »
« La parole d’une victime ne devrait pas être remise en doute parce qu’elle ne se souvient plus de la couleur des rideaux lors de l’agression sexuel, ou la couleur de ses vêtements : de se rappeler à quel point ça peut être traumatique une agression sexuelle et c’est aussi cela que nous souhaitons que le système judiciaire prenne en compte, notamment par la sensibilisation faite à ses enjeux-là. »
Le CALACS et l’accompagnement
Elle souhaite également rappeler le fonctionnement du CALACS et la façon dont les intervenantes veulent redonner la parole aux victimes
« Au CALACS, du côté de l’accompagnement, on va là où la personne veut aller. C’est vraiment important pour nous de croire la victime : trop souvent elle est invalidée. Environ 60 % des personnes qui viennent au CALACS ont été invalidées lors de leur premier dévoilement, alors pour nous c’est vraiment important de croire la victime, de ne pas mettre sa parole en doute, d’aller à son rythme et de la laisser raconter son histoire qui lui appartient. Dans les mots qu’elle veut utiliser, à son rythme. »
« Quand on vit une agression sexuelle, c’est un acte de domination, c’est une personne qui a pris du pouvoir sur nous. Donc, dans notre approche, la personne est experte de son vécu, de son histoire et on veut l’accompagner pour qu’elle puisse reprendre le pouvoir sur sa vie, le pouvoir qui lui a été volé.
Solidarité pour toutes les victimes
Elle conclut sur le fait qu’une victime qui ne dénonce pas ou qui ne parle pas de son agression, n’est pas pour autant oubliée par l’organisme.
« On est aussi solidaire envers les autres victimes, celles qui n’en parleront jamais. Nous sommes solidaires envers toutes les victimes d’agressions sexuelles et c’est important pour nous de ne laisser personne derrière. On peut aussi penser à la parole de certaines personnes qui sont trop souvent ignorées : les femmes autochtones, les femmes racisées et immigrantes, les personnes de la diversité sexuelle et de la pluralité des genres, etc.»