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La palabre ou « As-tu entendu dire que…. »

As-tu entendu dire que......

Réflexions sur les «palabres»

D’abord, c’est quoi une «palabre»?

Le mot palabre vient de l’espagnol palabra qui signifie parole, prendre la parole

Aux Îles-de-la-Madeleine (Québec) et à l’île Maurice, une palabre désigne une rumeur, avec un sens aggravé.

D’après madame Chantale Naud : Le mot « palabre» veut dire : parler inutilement et en exagérant –Jacassement – paroles inutiles -bavardages extravagants – racontages – commérages(1)

Aux Îles, la palabre est dans le quotidien de la vie des Madelinots, les voisins savent à l’ avance ce qu’il va t’arriver avant même que tu y penses.

Un exemple : Une personne est dans une auto à l’autre bout du stationnement et voit plus loin, un jeune tombé de son vélo et au même moment, elle voit une voiture arrêtée tout prêt. Par hasard quelques minutes après, une ambulance arrive sur le stationnement. Cette même personne appelle son amie et lui dit ce qui vient d’arriver… et là, ça part et à la fin de journée, l’enfant est sur le D’jet pour Québec …

La condition essentielle d’une palabre est la transmission de l’histoire à d’autres personnes et ces personnes à leur tour transmettent leur histoire à d’autres.

Dans une palabre ; le début de l’histoire est déclenché par un fait réel. C’est la transmission qui transforme la réalité.

Même si aux Îles, «ce n’est pas pareil». C’est un milieu connu à la créativité, l’imaginaire de chacun est sûrement un des éléments nécessaires pour faire des palabres.

Les palabres existent aussi dans tous les villages et dans tous les quartiers d’une ville soit dans les familles, le milieu de travail et dans tous les lieux de rassemblements.

Lieux privilégiés

– En Afrique, le lieu est sous le baobab

– Anciennement, au Québec, il y avait les quêteux, les perrons de l’église, la forge, le magasin général et maintenant, il y a les bars« café», les «Tim Horton» et Facebook.

– En France, à Paris, il y avait un Café-Palabre, il est fermé récemment.

Devons-nous travailler à les faire disparaître ?

À notre avis, non. Nous devons plutôt nous en servir pour connaître davantage la culture, le mode de vie de chaque milieu.

La palabre permet à tous de s’exprimer, de transmettre leur histoire à d’autres.

Didié Hallépée souligne que «la culture se mesure à l’aune des groupes sociaux dans lesquels vous évoluez. La culture est fondamentalement un acte social. C’est l’expression moderne de cette activité essentielle des sociétés tribales dont nous sommes héritiers : la palabre »(2)

Aujourd’hui

Les palabres sont intégrées à nouveau dans la famille des contes comme, la menterie. Ce sont des petites histoires.

La palabre est d’une durée de 5 à 7 minutes et souvent présentée dans les festivals et soirées du conte.

Nous souhaitons organiser davantage des concours, des ateliers dans les bibliothèques et les écoles. Les jeunes et les personnes âgées embarquent facilement dans les ateliers.

(1) Chantal Naud Dictionnaire des régionalismes du français parlé des Îles de la Madeleine Les Éditions Vignaud 1999

(2)-Références de Didier Hallépée 

– Biographie de Didier Hallépée– Plus sur cette citation : Citation de Didier Hallépée (n° 131822)

Une palabre

La dame blanche de Rimouski

Étant récemment arrivés à Rimouski …Nous allons, Daniel et moi régulièrement chez Tim Horton et on s’assoie près de la table ronde où nous avons appris quelque chose d’étrange…

Un des buveurs de café, raconte qu’une fois par année vers la Saint-Jean Baptiste, depuis 1950, si vous marchez sur la Promenade de la mer, près du petit quai ( brise-lame), vous aurez peut-être la chance de voir une dame vêtue d’une robe longue blanche et d’un châle blanc qui recouvre ses épaules et sa grande chevelure, elle déambule en marmonnant sur la batture de Rimouski vers l’île Canuel.

Alors tout bonnement, j’ai raconté cette histoire avec un sourire à une de mes amies, Berthe, une résidente originaire de Rimouski. À ma grande surprise, elle me dit : «ma grand-mère m’a déjà raconté une histoire qui ressemble à la tienne…»

«En 48, vivait un couple dans la cinquantaine dans une petite maison très modeste sur le bord de la rivière Rimouski, pas tellement loin de la Scierie Price Brother.

Un bon matin, le mari est parti faire de la drave sur la rivière pour la compagnie et il n’est jamais revenu. Il serait mort noyé. Il a perdu pied. Ils ne l’ont jamais retrouvé.

À chaque jour, sa femme inconsolable, se promenait sur le bord de la rivière pour chercher son mari et elle disait, à haute voix «un jour, la rivière me retournera mon homme.» «Un jour, la rivière me redonnera…»…

Une autre dame très âgée se tourne vers nous et dit : «excusez-moi, j’ai cru entendre votre conversation …» et elle ajoute, « la dame que vous parlez, c’est probablement la même dame qui a passé qui a disparu lors du feu de Rimouski, le 6 mai 1950. Moi, j’ai eu connaissance de cette catastrophe. Je vivais à Sainte-Blandine dans ce temps-là. Il ventait tellement fort, plus de 100 km/h. Paraît-il qu’ils n’ont jamais retrouvé le corps de la dame dans le brasier de sa maison. C’est peut-être elle la dame blanche.»

Ce que j’ai lu :

Il y a eu 2350 personnes sans logis, aucun mort et aucun blessé grave.

Cette année à la Saint-Jean, je suis allée sur la Promenade de la mer et j’ai scruté les marais avec mes lunettes d’approche et je n’ai rien vu ! Il ne faisait pas beau….

Georgette Renaud -27 mai 2015 (Palabre)

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