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COVID-19

Ça ne va pas bien dans la santé

Des anges-gardiens vivent des moments difficiles
Le Foyer (CHSLD) de Rimouski. (Photo: Pierre Michaud-archives)

Les travailleurs du réseau de la santé qui sont aux prises avec le coronavirus dans les établissements où les résidents sont les plus menacés, les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) en particulier, vivent des moments difficiles.

Le conseiller syndical Yanick Proulx, du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente le Syndicat des travailleuses et des travailleurs de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent, affirme que de sévères critiques sont émises par les employés de la santé envers le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent, pour sa gestion estimée déficiente des mesures de sécurité mises en place pour le personnel et les usagers.

Pas organisé pour ça

« On trouve que les mesures pour le personnel ne sont pas adéquates. Une entente nationale a été signée la semaine dernière, où le gouvernement s’engage à fournir les équipements de protection et à prendre en charge le nettoyage des vêtements et que les vêtements demeurent sur les lieux de travail. Nous avons insisté auprès de l’employeur afin que ces mesures soient appliquées. On nous répond que ce n’était pas possible, qu’on n’avait pas ce qu’il faut pour assurer notamment le nettoyage des uniformes », affirme monsieur Proulx.

« Les employés ont peur de s’infecter. Ils craignent d’apporter des microbes de la maison au lieu de travail, et vice-versa. Il y a aussi des consignes d’isolement et de quarantaine différentes dans le réseau de la santé. « Les consignes de quarantaine et d’isolement ne sont pas appliquées de la même façon dans le réseau de la santé. C’est « faites ce que je dis mais pas ce que je fais. » Par exemple, une employée qui habite avec quelqu’un qui a des symptômes et qui est en attente de résultats de ses tests, cette employée nous dit qu’elle est mal-à-l’aise avec ça. On lui répond qu’elle doit travailler si elle n’a pas de symptômes. De plus, la quarantaine n’est pas de 14 jours mais de sept jours. Si tu n’as plus de symptômes au bout de sept jours, tu rentres travailler », déplore Yanick Proulx.

Ne tient pas la route

« Des discussions entre le conseil patronal des employeurs et les syndicats. Malgré ce que que dit la ministre, à l’effet que tout va bien et que tout est sous contrôle, et qui est absolument faux, ce que les travailleurs de la santé vivent ici, on le vit partout au Québec. Il y a des consignes qui ne tiennent pas la route, dans la santé, par rapport à ce qu’on dit aux autres de faire », tranche Yanick Proulx.

« Par exemple, allé jusqu’à mercredi dernier, si on portait un masque, on disait aux employés de l’enlever parce que ce n’était pas nécessaire. Mercredi après-midi, on a appris qu’il fallait un masque pour chaque employé effectuant toute intervention à moins de deux mètres. On était content de cette nouvelle-là, mais après on a su que l’employé devait porter le même masque et pendant huit heures. Pourtant, sur la boîte du produit, le manufacturier précise que le masque est bon pour une heure, à défaut de quoi tu peux te contaminer avec ta propre humidité », poursuit le conseiller syndical.

Comme dans les autres CHSLD

« On nous a répondu : il en manque, vous allez le garder pendant huit heures. Il y a des cas de gastroentérite et les travailleurs sont obligés de garder leur masque même après une visite dans un chambre infectée par la gastro. Là, c’est ce type de virus mais quel sera le prochain? On se dit qu’on est extrêmement chanceux que le coronavirus ne se soit pas installé davantage dans nos CHSLD de la région. Nous risquons de vivre la même chose que les autres CHSLD dans la région de Montréal. On pourrait prévenir et retirer de l’expérience des autres mais on ne fait rien. Il n’y a aucun leadership. »

« Nous avons été très tranquilles dans les médias parce qu’on s’est dit qu’on était en période d’ajustement. On présume toujours de la bonne foi des gens mais là, ça ne marche plus! On parle à la santé publique régionale, on nous dit que c’est correct; on parle au ministère et on nous dit que ce qui se passe est correct. On ne sait plus à qui le dire, pendant qu’il y a des employés qui pleurent dans leur voiture avant d’entrer au travail. Ils sont carrément traumatisés », témoigne aussi le conseiller syndical.

« Tous les préposés aux bénéficiaires sont concernés, mais c’est principalement au Foyer de Rimouski (CHSLD) que ça ne va pas bien », conclut Yanick Proulx.

Témoignage émouvant

Par ailleurs, le journaliste Harold Michaud a fait paraître un témoignage dans cet ordre d’idées, sur sa page Facebook. En voici l’essentiel :

« Dans un CHSLD près de chez vous »

« Hier, j’ai causé longuement avec une employée qui travaille dans l’un de ces édifices (CHSLD). Actuellement, cet « ange gardien » risque sa vie chaque jour pour sauver celle des autres. C’est sous le couvert de l’anonymat que cette personne accepte de témoigner. Voici donc un résumé de ma discussion téléphonique. Force est de constater que les anges ne triment pas tous au paradis…»

COVID-19 et mauvaise gestion

« Depuis le début de la crise sanitaire, chaque matin, Marie (nom fictif) entre au travail au CHSLD avec la peur au ventre. Même si elle arpente les corridors de ce Centre d’hébergement pour personnes âgées depuis plusieurs années, elle n’en revient tout simplement pas des erreurs de gestion dont la direction de cet établissement est responsable, à répétition. Et souvent, le discours de la direction locale va à l’encontre de celui du gouvernement, qui se veut rassurant. »

« Premier constat : les employés (préposés, personnel de soutien, etc.) ne portent de masques ni de gants alors que la directive du ministère de la Santé l’exige. Marie raconte : « Un jour, j’ai porté un masque et ma supérieure m’a demandé de l’enlever parce que, selon elle, ce n’était pas nécessaire. Elle a même osé ajouter : c’est plus dangereux avec un masque ! Je capotais ! Il y a pourtant des masques qui sont disponibles, mais personne n’a la permission de les utiliser. » »

« Deuxième constat : chaque jour, tous les employés entrent et sortent du CHSLD avec leurs vêtements de travail. « C’est un non-sens. Il n’y a pas de service de lavage et de nettoyage pour les vêtements des employés. C’est dangereux pour la contagion dans le public! » »

« Troisième constat, selon Marie : « C’est un peu l’auberge espagnole ici. Certains visiteurs obtiennent des passe-droits et circulent librement dans l’établissement pour apporter aux résidents des cafés, des beignes et autres plats. Pourtant, c’est strictement interdit et la direction ferme les yeux. » »

« Mais, plus inquiétant encore, dit-elle, un employé a demandé récemment à la direction d’être retiré du travail puisque que sa colocataire, qui arrivait de Montréal, était malade et toussait fortement. Réponse de la direction : « NON, tu entres au travail et nous ferons plus tard un test pour savoir si tu es contaminé à la COVID-19. » L’employé a signalé que la liste de rappel lui permettait de se mettre en quarantaine, et qu’il y avait des employés qui pouvaient rentrer au travail à sa place. Réponse de la direction : « NON, tu entres au travail, c’est tout. » Fin de la discussion. »
« Et le syndicat lui ? « Là-dessus, je suis en mode attente.»

Question : Est-ce que le personnel a porté plainte à la Direction régionale de la santé ? Réponse : « Oui, je l’ai fait personnellement et je n’étais pas la seule. Ils ont dit de me calmer, que la direction de mon CHSLD respectait, selon eux, le protocole, et que mon intervention relevait de la paranoïa. » »

Très dangereux

« Comment est-ce que tu qualifies la situation dans ce CHSLD actuellement ? Réponse : « C’est très, très dangereux. Et j’ai peur. J’ai peur pour moi, pour mes collègues et aussi surtout pour les personnes âgées que nous sommes censées protéger. » Et elle ajoute : « Le discours actuel du gouvernement n’a rien à voir avec la réalité que l’on vit à l’intérieur de notre CHSLD. » »

« Marie me demande si, je vais publier fidèlement ce qu’elle me raconte. Je lui réponds : « Oui ! » Elle conclut : « Surveille bien ça, quand les caméras de la télévision vont débarquer, ils vont sortir en vitesse les équipements de protection et affirmer que tous mes commentaires sont faux. Des hypocrites! » »
« Question : « Demain, tu retournes au travail ? »
Réponse : « Je n’ai pas le choix. J’ai besoin de mon salaire pour vivre ». »

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