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Mesures imposées par Québec : des citoyens pourraient se rendre en cour

(Photo: Unsplash photos)

Des citoyens qui estiment que le gouvernement du Québec commet une intrusion dans leur vie privée avec l’imposition des règles sanitaires, relativement à la crise du coronavirus, seraient en droit de se présenter devant les tribunaux pour les contester.

C’est là l’opinion de l’enseignant en sciences politique du Cégep de Rimouski et chroniqueur au journal le soir, Benoît Collette, lorsque interrogé à ce sujet. Monsieur Collette signe la chronique « Nouvel éclairage » dans nos pages, qui tente de traiter de l’actualité sous des angles méconnus ou nouveaux.

Avec des mesures comme le port du masque obligatoire et l’isolement à domicile, Québec a imposé et impose, au nom du bien collectif, des mesures qui peuvent avoir l’air d’une intrusion dans la vie privée. Même chose pour le projet de loi 61 qui vise à donner au gouvernement du Québec des pouvoirs exceptionnels.

« Les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés viennent protéger les droits individuels et limiter l’intrusion du gouvernement dans nos vies. C’est le cadre général, mais on dit aussi « dans les limites du raisonnable ». C’est là où les cas de santé publique peuvent être débattus. Si on est libre de porter ou de ne pas porter le masque, ça peut aussi avoir des impacts sur la santé collective, sur celle des autres personnes. Le gouvernement peut se défendre de restreindre les libertés individuelles en invoquant la santé publique et les limites du raisonnable. »

Pas à la légère

« Il ne devrait cependant pas le faire à la légère. Dans notre système politique, ultimement, ce seraient les tribunaux qui trancheraient la question, car dans notre État, le pouvoir juridique est séparé du pouvoir exécutif. Le gouvernement peut dire qu’il veut poser une action et pense qu’il a des motifs raisonnables de restreindre les droits individuels, ce ne serait pas à lui de juger si ces motifs sont fondés. C’est pour ça qu’on a une séparation dans les pouvoirs, chez-nous, pour éviter le mélange des rôles », ajoute monsieur Collette.

États-Unis vs Canada

On remarque que ce genre de causes où les citoyens invoquent la constitution pour défendre leurs droits sont plus fréquentes aux États-Unis, qu’ici. Pourquoi?

« Les Américains sont plus patriotes que les Canadiens, mais aussi, leur constitution remonte à beaucoup plus longtemps que la nôtre et ils la connaissent bien. La constitution américaine a été élaborée en 1783, sept ans après la Déclaration d’indépendance des États-Unis après laquelle la guerre d’indépendance s’est poursuivie. Des amendements ont été apportés dans les années suivantes. Il y a eu notamment les amendements sur le droit d’expression et sur le droit de posséder des armes à feu, par exemple. Au Canada, la Charte des droits et libertés remonte au rapatriement de la constitution, en 1982. »

Mécanisme

« C’est un mécanisme plus récent, ici. Par contre, la Charte des droits et libertés du Canada précise en effet que si on estime que ses droits individuels sont lésés par le gouvernement, on peut recourir aux tribunaux pour les faire valoir. Il y a des Canadiens qui ont eu recours à ce mécanisme pour faire des avancées dans leur domaine. On peut penser aux autochtones ou aux LGBQ (lesbiennes, gays, bisexuels, « queer ») pour les mariages entre personnes de même sexe ou pour de la discrimination. Certains groupes qui se sentaient discriminés ont eu recours à la Charte pour faire valoir leurs droits. Cela a aussi permis de rendre l’avortement légal, avec comme base la liberté de choix pour les femmes. Il y a bien des cas, mais c’est moins prononcé qu’aux États-Unis », rappelle Benoît Collette.

De restrictions à laissez-aller

« Personnellement, depuis la déclaration d’état d’alerte sanitaire, je ne peux pas dire qu’à date, c’est excessif comme intrusion dans la vie privée. On utilise des pouvoirs administratifs, notamment dans le système de santé. Si je me mets dans les souliers du gouvernement, je remarque que les gens n’ont pas beaucoup contesté. Les gens avaient peur en mars. Ce qui est fascinant, c’est qu’on a quand même accepté ces contraintes dans nos vies et que personne n’a dit que c’était exagéré », constate Benoît Collette.

Il peut y avoir aussi des abus dans l’autre sens, souligne monsieur Collette : « Il y a des citoyens et des gouverneurs aux États-Unis qui ont invoqué les droit individuels en disant « pas question qu’on embarque là-dedans » (à propos des mesures sanitaires), parfois au nom de l’économie, et on en voit les résultats. Ce qui s’y passe nous donne une idée de ce qui pourrait se passer chez-nous, sur le choix entre les mesures restrictives et le laissez-aller. »

Possible?

Enfin, est-il possible qu’au Québec, on voit des contestations en cour?

« Ce n’est pas impossible. J’ai pris connaissance la semaine dernière d’une manifestation à Saint-Jérôme, où des citoyens ont invoqué leur liberté et le fait que ça irait trop loin. Ce n’est pas exclus que ça se produise dans les prochains mois, qu’on voit des gens déposer des requêtes devant des tribunaux. »

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