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Nouvelle de 18 h

L’élection présidentielle américaine suscite des inquiétudes à bien des égards

Entrevue avec une Californienne « québécophile »
Sur cette photo prise à la fin de l’été dans la baie de San Francisco, Denise Garbinski envoie ses salutations aux Rimouskois et aux Québécois. (Photo: courtoisie)

Une Californienne de 53 ans amoureuse du Québec et des Québécois confie ses appréhensions au journal le soir, dans une entrevue concernant l’élection présidentielle américaine, dont le vote en personne avait lieu aujourd’hui.

Denis Garbinski est graphiste et spécialiste en marketing pour une entreprise de haute technologie dans la région de San Francisco, Biomarine Pharmaceuticals. Démocrate depuis toujours, elle a milité avec des amis depuis le premier jour de l’élection de Donald Trump afin qu’il ne soit pas réélu, notamment dans des groupes de discussion.

Madame Garbinski a aussi des amis à Rimouski, où elle est venue trois ou quatre fois. Elle parle un très bon français, même si elle ne saisit pas toujours les nuances. Celle qui a tenu à faire la majorité de l’entrevue en français s’est aussi mariée à Québec, à un Québécois. « J’aime beaucoup Québec pour son aspect historique, mais Montréal est ma destination favorite, parce que c’est plus le genre de ville que je connais, car je suis originaire de Philadelphie. Sans compter les excellents restaurants! »

Maintenant, « let’s talk about politics »!

« Je suis démocrate parce que je crois dans les valeurs du parti, qui est le plus progressiste. Je crois qu’il faut penser davantage à la collectivité qu’aux individus. Le parti démocrate a des valeurs plus sociales. Pour bien vous faire comprendre de quel côté je suis, mon candidat favori pour l’investiture démocrate était Bernie Sanders. La Californie est démocrate depuis toujours, alors le vote pour Donald Trump n’est pas un enjeu, ici. Cependant, il y a de l’inquiétude et des interrogations concernant bien des aspects de cette élection au niveau national. Nous vivons comme tous une situation exceptionnelle avec la crise de la COVID-19 », mentionne-t-elle.

Le roi

Et qu’a-t-on à reprocher à Donald Trump dans le clan des démocrates de la Californie? « Il est individuel, artificiel, centré sur lui. Il ne consulte personne. Qui sera congédié ? C’est lui qui décide. Qui sera nommé à la Cour suprême ? C’est lui qui décide. Qui fait les lois? C’est lui qui décide! Il voudrait être là pour toujours. Il veut être le roi des États-Unis. On croirait voir un fasciste. Nous sommes dans une démocratie et il représente le contraire de ce à quoi on aspire comme démocratie », affirme Denise Garbinski.

Le dépouillement des résultats du vote pourrait prendre plus qu’une journée. « Si l’élection est serrée, ce sera difficile, car on devra attendre l’ouverture de toutes les boîtes de scrutin et le décompte de chaque vote. Donald Trump pourrait alors contester en cour certaines choses, même s’il était clairement perdant. Ce ne serait pas étonnant de sa part », croit madame Garbinski.

Pourquoi Trump tient à rester

Et mieux encore : « Il a le pouvoir et il ne veut pas perdre le pouvoir. Certaines informations laissent croire que si monsieur Trump veut demeurer au pouvoir, c’est parce qu’il a des dettes importantes, de peut-être environ 200 M$. Tant qu’il est président (NDLR: sa participation à ses affaires est suspendue), il n’a pas à en répondre, mais quand il redeviendra un simple citoyen et homme d’affaires, il ne sera plus à l’abri. »

Inquiétudes

Sur le plan des inquiétudes, il y en a plusieurs, dont celles reliées à l’exercice du vote dans le contexte de la crise sanitaire mondiale. En raison de celle-ci, près de 100 millions d’électeurs se sont prononcés dans un vote par anticipation, en personne ou par courrier. Du jamais vu.

Grands électeurs

À cause du système électoral américain, un candidat pourrait ne pas obtenir la majorité absolue au vote populaire, mais remporter quand même la présidence. Les états plus populeux ont plus de grands électeurs (collège électoral) que les petits. On pense aussi à toute l’importance des états pivots (« swing states »), les états qui changent souvent de couleur.

« Ainsi, la Pennsylvanie se retrouve dans un enjeu important pour son influence dans la fédération, car on sait que l’une de ses principales villes, Philadelphie, est démocrate et que Pittsburgh, l’autre grande ville de l’état, près de l’Ohio, est républicaine. Il y a beaucoup de personnes qui sont franchement républicaines et beaucoup de personnes qui sont franchement démocrates, ce qui fait qu’il y aura du suspense autour de cet état, dont l’influence dépendra du vote de la majorité », explique-t-elle.

Dépouillement

Il y a aussi un suspense et des inquiétudes quant au moment où on connaîtra le vrai gagnant. Un peu comme au Québec avec Bernard DeRome affirmant « si la tendance se maintient, nous prévoyons que …. », des réseaux de télévision et des médias numériques américains jouaient à ce petit jeu lors des élections présidentielles précédentes, mais ce ne sera pas le cas cette année.

« À cause de l’importance du vote par anticipation, une importance jamais vue, on peut se demander comment le dépouillement va se dérouler et combien de temps cela prendra. Cela pourrait même prendre jusqu’à la fin de l’année avant qu’un vainqueur définitif soit désigné. Il ne faut pas oublier que l’entrée en fonction du président est en janvier. De plus, pour la première fois, les médias ont accepté de ne pas identifier de gagnant potentiel avant l’annonce du résultat officiel », révèle notre interlocutrice.

« Je suis un peu inquiète parce que s’il y a une controverse autour du résultat du vote, le climat social pourrait dégénérer rapidement et je crains des émeutes « big time ». Ça ne me fait pas peur, mais ça me préoccupe », ajoute-t-elle.

Climat malsain

Signe des temps et du climat malsain qui règne aux États-Unis, à travers ses démarches pour réaliser une entrevue pertinente sur le sujet de l’élection présidentielle, le journal le soir s’est buté au refus d’un citoyen québécois résidant aux USA. Son motif: il craignait des représailles gouvernementales, alors qu’il est en période de renouvellement de son permis de travail.

Protectionnisme exagéré

Lors de son point de presse de 13 h, le premier ministre François Legault n’a pas voulu s’ingérer dans les élections américaines en désignant un favori, ajoutant qu’il n’aimerait pas qu’on fasse de même au Québec. Il a toutefois bien voulu parler de l’importance des relations économiques entre le Québec et les États-Unis.

« Ce qui me préoccupe, c’est le protectionnisme, le « Buy american » et le « Buy american act ». On se retrouve dans une situation ou sur plusieurs contrats, dont le transport en commun et Bombardier, il y a des exigences de contenu américain qui sont de 70% sur certains appels d’offres. Avec l’accord que nous sommes entrain de ratifier avec l’Europe, on parle de 25% de contenu québécois. Il y a comme une injustice et l’idéal serait que le Canada soit inclus dans le 70% de contenu américain. Pour moi, ce sera très important de voir avec le nouveau président à consolider les liens entre nous. Nous avons aussi de bonnes relations avec les états de la Nouvelle-Angleterre pour nous battre contre ce protectionnisme exagéré », a déclaré le premier ministre.

Portrait

Voici un excellent portrait de ce que représente l’élection présidentielle américaine, tel que publié par le quotidien français Le Monde, aujourd’hui.

-Des dizaines de millions d’Américains se rendent aux urnes, ce mardi 3 novembre, pour choisir qui du président sortant Donald Trump ou du candidat démocrate Joe Bidenpassera les quatre prochaines années à la Maison-Blanche, au terme d’une campagne qui a renforcé la fracture entre deux Amériques aux antipodes.

-Près de 100 millions d’hommes et de femmes ont déjà voté par anticipation, en personne ou par correspondance, pour éviter les bureaux de vote bondés en raison de la pandémie. C’est trois fois plus qu’en 2016, une donnée qui renforce l’incertitude et la confusion autour du résultat de la présidentielle, Donald Trump ayant en outre multiplié les attaques contre ce système.

-Concernant le dépouillement des votes par correspondance, le dépouillement complet pourrait prendre un certain temps.

-Aux États-Unis, le collège électoral qui désigne le président est composé de 538 grands électeurs et, pour être élu, un candidat doit obtenir les voix d’au moins 270 d’entre eux. Une majorité d’États présentent peu d’enjeu pour les candidats, qui bénéficient d’une base électorale suffisante pour s’y assurer la victoire, ces derniers se focalisent donc sur les États pivots (NDLR : Ceux qui comptent le plus de grands électeurs).

-À travers le pays, se tiennent en parallèle des élections locales, pour la Chambre des représentants (l’ensemble des 435 sièges), et sénatoriales (33 des 100 sièges). Et ces dernières sont un enjeu majeur dans l’équilibre des forces politiques dans le pays (NDLR : Il est plus facile pour le président de travailler avec des sénateurs issus en majorité du même parti politique que lui).

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