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Dénoncer : est-ce que ça fait du bien?

Comme il est généralement impossible pour les citoyennes et les citoyens d’obtenir des réponses à leurs questions sur place, ils doivent obligatoirement passer par le centre d’appels, qui est surchargé. (Photo: Unsplash photos)

La dénonciation est en vogue depuis le début de la crise sanitaire il y a 10 mois, mais est-ce vraiment une bonne chose sur le plan humain?

Pas vraiment, selon la collaboratrice du journal le soir et psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, dont les services nous ont été recommandés par l’Ordre des psychologues du Québec.

Mais d’abord, laissons le sergent Claude Doiron, de la Sûreté du Québec, nous expliquer comment les choses se passent, essentiellement, quand une personne veut en dénoncer une ou plusieurs autres qui ne respectent pas les mesures sanitaires de la direction nationale Santé publique.

« Nos façons de faire, nos stratégies et nos méthodes d’enquête ne sont pas publiques et nous ne les dévoilons pas. Cependant, on peut dire qu’on reçoit des appels concernant des gens qui ne respectent pas les mesures sanitaires, même en région, tous les jours, depuis le début de la pandémie. Des citoyens dénoncent toutes sortes de situations en lien avec la santé publique. Nous prenons d’abord les coordonnées et les informations de la personne qui nous appelle. Nous nous rendons sur place, nous constatons ce qui se passe et nous agissons en fonction de ce que nous découvrons. »

Plaintes non fondées

« Si la personne qui a fait la dénonciation le désire, on la rappelle pour lui donner les résultats de l’intervention. Ça s’applique à toutes les situations, comme quelqu’un qui se plaint de la musique trop forte d’un voisin ou une dispute entre voisins. Les policiers se déplacent et valident l’information. Il peut arriver que la plainte soit non fondée. Les citoyens pensent parfois que leur appel est fondé, mais ne connaissent pas toutes les subtilités de la loi  », ajoute le sergent Doiron.

Conflit interne

« La dénonciation, c’est un sujet très intéressant d’un point de vue psychologique, mais je ne suis pas là pour encourager ou décourager les gens à le faire. Psychologiquement parlant, un appel de dénonciation ne nous fera pas nécessairement du bien à long terme. Ce qui se passe, c’est que dans notre esprit, on a des pensées qui vont s’opposer. C’est de l’ordre du conflit interne. On se dit qu’on respecte les lois et les mesures sanitaires, mais pourquoi pas les autres? Pour certains, ça peut alimenter le désir de faire de même, eux aussi », précise la psychologue.

« Par contre, en même temps, notre sens moral peut être plus fort et nous dire de ne pas le faire. La question qui se pose alors est « comment régler mon conflit intérieur? ». La réponse pour certains sera de changer de comportement  en se disant « je le fais (NDLR : Je défie les règles) quand même. »  Pour d’autres, ce sera effectivement de dénoncer les autres. C’est comme si en faisant de la délation, on se justifiait soi-même en se disant qu’on a fait les efforts qu’on nous demandait, qu’on ne veut pas les avoir faits pour rien et que la dénonciation allait régler notre conflit intérieur », décrit Geneviève Beaulieu-Pelletier.

Mais après…

« Mais par contre, après, ça ne se règlera pas nécessairement aussi facilement que ça. Il se peut qu’on ressente de la culpabilité par la suite. On va peut-être se dire qu’on se sentait seul, qu’on se sentait anxieux tandis que les autres ne sont pas seuls. Ce n’est certainement pas la voie qui va le plus nous aider le plus à long terme, parce que la ou les personnes dénoncées, on risque de les revoir et chaque fois, et en soi-même, on pourrait se sentir torturé par le geste qu’on a posé », renchérit la psychologue.

Informer au lieu de dénoncer

« Je pense qu’on a plus à gagner en adoptant une approche différente, en essayant plutôt de donner de l’information, d’écouter ceux qui sont contre les mesures sanitaires. Quand quelqu’un refuse de suivre une consigne, il nous parle. Il nous fait connaître son mal-être; nous dit que c’est difficile pour lui d’accepter les contraintes. Je préconise beaucoup plus une approche d’écoute et de partage au lieu de pointer du doigt ceux qui ne suivent pas la majorité. Essayons plutôt de se comprendre », recommande Geneviève Beaulieu-Pelletier.

« Il vaut mieux penser à avancer dans la crise tous ensemble au lieu de se critiquer mutuellement. Chaque nouvelle mesure vient attiser le malaise. Au lieu de faire de la délation, on peut faire connaître ses besoins et ses limites à son entourage », fait enfin savoir madame Beaulieu-Pelletier.

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