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Nouvelle de 19 h

La pire crise du logement de la région en 12 ans

Les locataires du Bas-Saint-Laurent parmi les plus pauvres au Québec
Le Comité logement de l’ACEF de la Péninsule et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) ont illustré les besoins des ménages locataires de la région, lors d’une performance théâtrale tenue à Matane, hier matin, qui a fait suite à un atelier de travail tenu la veille. Ici, des locataires de Rimouski ayant participé à l’événement, ainsi qu’Alexandre Cadieux du Comité logement RImouski-Neigette et Sylvain Dubé du projet Comité logement de l’ACEF de la péninsule, avec la troupe de théâtre. (Photo: courtoisie)

Trois organismes de la région ont tenu différentes activités en fin de semaine dernière pour affirmer que les effets de la pénurie de logements locatifs se font durement sentir dans le Bas-Saint-Laurent.

Le Comité logement de l’ACEF (Association coopérative d’économie familiale) de la Péninsule, le Comité logement Rimouski-Neigette et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) rappellent qu’avec un taux d’inoccupation qui dégringole à Matane (1,9%), Rivière-du-Loup (1,4%) et Rimouski (0,9 %), le Bas-Saint-Laurent subit la pénurie de logements locatifs qui frappe durement le Québec.

À Matane et à Rimouski, il est à son plus bas depuis 2009. Dans les deux cas, la disponibilité de logements familiaux de trois chambres à coucher ou plus est quasiment nulle, avec des taux d’inoccupation oscillant respectivement entre 0 et 0,2%.

Les trois organismes de défense des droits soulignent que cette rareté de logements et la frénésie immobilière entraînée par la migration interrégionale accroissent la pression sur les locataires à faible et à modeste revenus.

Le Comité logement Rimouski-Neigette et l’ACEF de la Péninsule se disent témoin des difficultés rencontrées par les locataires, particulièrement ceux et celles qui doivent déménager, ainsi que des demandes abusives entraînées par la rareté de logements.

Manque d’alternatives

« Les besoins des locataires de la Matanie ont même amené l’ACEF de la Péninsule à travailler au développement d’un comité logement, avec l’appui du FRAPRU. Trois-cent-quarante ménages locataires de Matane ont des besoins impérieux de logement parce qu’ils vivent dans un logement inabordable, en mauvais état ou de taille insuffisante, selon Statistiques Canada, soulignent les organismes. Le revenu médian annuel de ces ménages matanais est de 12 491$ », précise un communiqué des trois organisations.

« On constate le manque d’alternatives pour les locataires à faible revenu en Matanie », affirme Sylvain Dubé, le coordonnateur du comité logement en développement.

Craindre le pire

Selon lui, le manque de logements sociaux, qu’ils soient à loyer modique, coopératif ou sans but lucratif est criant. « Pour les petites municipalités, le logement social est essentiel pour permettre aux gens de demeurer dans leur milieu. C’est un enjeu d’occupation du territoire », souligne-t-il. La pénurie fait craindre le pire aux locataires à faible et modeste revenus, dont la situation est déjà précaire.

Plus pauvres

D’ailleurs, le FRAPRU souligne que les locataires du Bas-Saint-Laurent sont parmi les plus pauvres au Québec, la région se classe au 2e rang parmi les régions administratives, avec un revenu médian annuel de seulement 30 172 $.

« Avant même la pandémie et les hausses récentes de loyer, le revenu médian des 2600 ménages locataires du Bas-Saint-Laurent dont le loyer accaparait 50% de leur revenu était de seulement 12 445 $ par année », rappelle Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU.

 « Une fois le loyer payé, il ne leur reste pas grand-chose pour manger, se déplacer et habiller les enfants et cela se fait au détriment de leur santé physique et mentale », complète Sylvain Dubé.

Sans logement

Le Comité logement Rimouski-Neigette s’inquiète pour sa part du sort des ménages locataires forcés de déménager, mais qui ne trouvent pas de logement.

« Ce sont autant de gens qui auraient besoin d’un logement social maintenant et qui doivent attendre des mois, voire des années, parce que le Québec n’en finance pas suffisamment », déplore Alexandre Cadieux, organisateur communautaire au sein de l’organisme.

Le FRAPRU et les deux groupes locaux craignent que la rareté des logements locatifs, jumelée aux conséquences économiques de la crise sanitaire et de la frénésie immobilière qui a gagné la région, n’aggrave les problèmes des ménages déjà mal-logés.

Catastrophique

« À Rimouski, on s’en va vers un 1er juillet catastrophique », craint Alexandre Cadieux. « Nous avons reçu 10 fois plus d’appels de ménages locataires qui ont de la difficulté à trouver un logement cette année, en plus de ceux à qui on a demandé des hausses de loyers abusives qui ont aussi augmenté », s’inquiète-t-il.

« On ne peut pas juste se fier au marché privé pour répondre à un besoin aussi fondamental que celui de se loger décemment », souligne Véronique Laflamme.

Le FRAPRU, l’ACEF de la Péninsule et le Comité logement Rimouski-Neigette affirment que, dans les circonstances, le logement social, qu’il soit sous forme de coopératives, d’organismes sans but lucratif d’habitation ou de logements publics, est la seule alternative pour les personnes mal-logées.

Goutte d’eau

Or, le dernier budget Girard ne prévoit qu’une programmation de 500 nouvelles unités de logements sociaux, pour tout le Québec. « Une goutte d’eau dans un océan de besoins », selon les organismes. Le dernier budget prévoyait aussi des investissements pour livrer 5000 des 11 000 logements sociaux déjà programmés avant l’arrivée du gouvernement Legault, mais toujours pas réalisés; de ce lot, 48 ont été annoncés jeudi pour le Bas-Saint-Laurent.

« La Coalition avenir Québec avait cependant promis en campagne électorale de tous les livrer, avant la fin de son premier mandat. Le FRAPRU se dit exaspéré d’obtenir de la part de la ministre de l’Habitation, le rappel de cet engagement comme seule réponse à la crise du logement », ajoutent-ils.

« Ça fait trois ans que tous les fonds auraient dû être libérés pour y arriver. Pour rattraper le retard accumulé, ça prend un vrai plan et il faut lancer dès à présent un chantier, sur plusieurs années, avec des objectifs ambitieux », souligne Véronique Laflamme rappelant qu’en l’absence d’investissements supplémentaires immédiats, les projets actuellement en élaboration devront attendre encore des mois, voire des années pour être construits et habités.

Changement de cap

Pour les trois organismes de défense du droit au logement, le gouvernement Legault doit rapidement changer de cap en ajoutant des investissements dans AccèsLogis.

Ils soulignent d’ailleurs le consensus rarement vu en ce sens, se référant aux nombreux appels semblables provenant d’organisations féministes, environnementales, économiques ainsi que municipales. La semaine dernière à l’Assemblée nationale, les trois partis d’opposition ont d’ailleurs déposé une motion demandant le financement de 5000 logements sociaux dès cette année.

Les organismes demandent également un meilleur contrôle des hausses de loyers sur le marché privé, ainsi qu’un renforcement des protections contre les évictions frauduleuses, mesures qui permettraient de contrer l’effritement du parc de logements locatifs encore abordables.

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