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La cheffe d’antenne Pascale Nadeau donne sa version sur son départ de Radio-Canada

Le regretté Pierre Nadeau, sur une photo prise à Rimouski en 2009, et sa fille, Pascale Nadeau, dont le départ de Radio-Canada fait beaucoup de bruit. (Photos: archives-Pierre Michaud, Twitter-Radio-Canada)

Une lettre ouverte de la cheffe d’antenne du Téléjournal week-end de Radio Canada, Pascale Nadeau, publiée dans les grands quotidiens Le Soleil et La Presse, explique son départ de Radio-Canada.

Le journal le soir estime que le climat de travail et la gestion de la société d’État sont assurément d’intérêt public et publie ici la lettre en question. D’autant plus que madame Nadeau est la fille de Pierre Nadeau, un des plus grands noms du journalisme québécois qui a débuté sa carrière à Rimouski.

« Cela fait 38 ans que je fais de la télévision au Québec. J’ai eu la chance de travailler dans presque tous les grands réseaux. Mais c’est à Radio-Canada que j’ai choisi de faire ma carrière. J’y suis entrée il y a 33 ans et contre vents et marées, j’ai toujours été fidèle à l’institution. »

« Depuis 38 ans, j’exerce mon métier avec passion, rigueur et fierté. À l’époque, j’ai réussi à me frayer un chemin dans un monde d’hommes. J’ai eu à me battre si souvent! Et je le fais encore.

« À défaut d’obtenir la reconnaissance de ma direction, je crois humblement pouvoir dire que j’ai gagné la vôtre et votre affection de surcroît, ce qui est un cadeau inestimable. »

« Je pourrais aujourd’hui décider de me taire et surfer sur cette vague d’amour qui déferle sur moi depuis l’annonce faite par Radio-Canada de mon départ et m’éviter ainsi une réplique certainement cinglante de la SRC. Mais il est dans ma nature de dire la vérité. Alors la voici. »

« Je ne pensais pas mettre fin à ma carrière si vite, j’avais encore de belles années à offrir et je ne croyais surtout pas la terminer de cette façon, par la porte d’en arrière. »

« Il y a un an, mon employeur, sans aucun avertissement et sans même demander à me parler, a accueilli une dénonciation anonyme à mon endroit. Une dénonciation anonyme faite au nom d’une tierce personne et qui s’est avérée être un ramassis d’allégations mensongères ou citées totalement hors contexte. »

« Nous ne parlons pas ici de harcèlement ou de dénigrement, loin de là! Mais de remarques faites dans le cadre de mon travail et de mes fonctions. »

« Je me suis pliée – que pouvais-je faire d’autre? – à cette investigation. La firme engagée n’en était pas à sa première enquête pour Radio-Canada et elle répondait directement aux Ressources humaines. »

« Je ne peux malheureusement pas vous dire ici, dans le détail, à quel point la démarche me fut humiliante, douloureuse et pénible, car, appuyée de mon syndicat dans un grief costaud, le tout sera bientôt porté en arbitrage et deviendra alors public. D’ici là, nous sommes tous tenus à la confidentialité. »

« Ce que je peux vous dire, par contre, est que le résultat de cette longue enquête, dont on ne m’a jamais laissé lire le rapport, si ce n’est que deux petits extraits, n’a conclu à rien si ce n’est qu’à des allégations non fondées ou « partiellement fondées ».

« Lesquelles? Je ne sais toujours pas. »

« Peu importe. Forte d’une lettre signée de sa main, une lettre dure et blessante, la directrice de l’information Luce Julien m’a suspendue un mois, sans salaire, répétant à plusieurs reprises « ne pas avoir le choix ». Pourquoi? »

« L’avenir le dira. »

« Je ne suis pas parfaite. J’ai du caractère et il peut m’arriver d’avoir des moments d’impatience. Je suis une personne entière, franche, passionnée, sincère et intègre. Avec moi, on a toujours l’heure juste. Et puis, j’ai horreur de l’injustice et du mensonge. Or, voilà justement à quoi j’étais confrontée. »

« Avoir le privilège d’être chef d’antenne demande beaucoup de rigueur. Je suis donc très exigeante envers moi, je le suis aussi certainement envers les gens de mon équipe. Ils le savent et me connaissent. »

« Ceux qui viennent en remplacement peut-être moins. Mais je ne suis pas un cas d’espèce. Je ne connais pas un ou une cheffe d’antenne qui agisse autrement. Dans ce métier, il n’y a pas de place à l’erreur, il faut être vigilant. Et particulièrement le week-end, avec des ressources moins expérimentées. Travailler avec la relève est stimulant mais elle comporte aussi ses défis. »

« Une salle des nouvelles, c’est comme un volcan. Il y a des périodes calmes et des périodes plus stressantes et intenses. Cela fait partie du métier. C’est ce qui le rend si passionnant. Mais l’important est que, peu importe la journée, difficile ou pas, je me suis toujours fait un devoir de remercier mon équipe de travail. »

« Une salle de nouvelles, c’est aussi un microcosme de notre société, un endroit de haute promiscuité. Comment ai-je pu exercer mes 38 ans de carrière dans autant de salles de nouvelles, sans aucune tache à mon dossier, sans aucun avertissement de mes patrons et en arriver à cette sanction humiliante et injuste? »

« Pour l’instant, la direction se cache derrière son obligation d’agir en fonction de la loi du travail. »

« C’est facile… Après 33 ans, dont la majeure partie aura été d’être l’un des visages importants de l’information à Radio-Canada, je n’ai eu droit à aucun coup de téléphone de ma direction pour me demander s’il y avait un fond de vérité dans ces allégations mensongères. »

« Depuis un certain temps, Radio-Canada s’est lancée dans une totale «dérive disciplinaire». Ce n’est pas moi qui le dis mais mon syndicat, dans son infolettre du 2 juillet dernier. Il dénombre de nombreux cas d’employés qui, comme moi, « ont une longue et impeccable feuille de route, des gens très appréciés à l’interne et qui se retrouvent sanctionnés, voire même congédiés, dans des cas où les faits reprochés ne méritent pas du tout ce coup de massue entre les deux yeux. Des cas souvent associés à de l’âgisme ».

« Étrangement, le syndicat remarque aussi que les patrons, accusés de harcèlement par les employés, s’en tirent miraculeusement bien lorsque confrontés à ces mêmes enquêtes. Des « simulacres d’enquêtes », écrit le syndicat. »

« Et c’est ce qui m’a rendue malade. »

« Pas le décès de mes parents, derrière laquelle la SRC s’est cachée pour expliquer mon absence. Cette explication m’a d’ailleurs mise profondément mal à l’aise et je tiens à m’excuser en leur nom. Oui, j’ai perdu mes parents, l’un après l’autre, après avoir pris soin d’eux comme seule aidante naturelle pendant plusieurs années. Cela fut difficile. Mais combien de milliers de familles ont perdu un être cher dans la dernière année et demie, dans des conditions tellement plus dures et déchirantes que la mienne? J’ai eu la chance, moi, de les accompagner jusqu’à la fin. »

« Avec cette enquête, Radio-Canada s’est attaquée à mon intégrité. En me sanctionnant de la sorte, sur la base d’une dénonciation anonyme faite au nom d’une tierce personne et sur la base d’une enquête qui ne parvenait à aucune conclusion franche, elle a piétiné ses propres principes d’éthique et de rigueur journalistique qu’elle continue de brandir fièrement comme étendard. »

« Je ne demandais pour revenir au travail qu’une simple excuse et le retrait de cette tache à mon dossier. Rien de plus. Mais Radio-Canada ne s’excuse pas. »

« Je suis une femme de principe, fière et intègre. On s’est attaqué à cela et du même coup, on a sali mon nom, que je porte fièrement, et celui de mes parents, qui ont contribué, entre autres, à donner à Radio-Canada ses lettres de noblesse. »

Pascale Nadeau

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