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Nouvelle de 17 h

Changements climatiques : un couple rimouskois sonne l’alarme

Les travaux étaient en cours lors de notre passage au 118, rue du Fleuve. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Un couple de citoyens rimouskois, Myriam Bourgeois et Guy Cantin, lance un cri d’alarme à tous les résidents riverains, ayant été obligé de consacrer 150 000 $ au déménagement de sa maison.

Leur résidence située au 118 rue du Fleuve, une maison patrimoniale de quelque 175 ans, sera déménagée cette nuit pour se retrouver sur un terrain situé sur la même rue, mais du côté Sud, moins d’un km plus à l’Est. Le couple a tenu un point de presse en compagnie du maire de Rimouski, Marc Parent, et du grand responsable de la firme les Entreprises Lavoie et Fils, Gilles Éric Lavoie. La démarche de madame Bourgeois et monsieur Cantin de dévoiler leur histoire en est une désintéressée. Ils veulent partager leur expérience avec ceux qui sont dans la même situation ou s’y retrouveront.

Myriam Bourgeois et Guy Cantin. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Ce déménagement est effectué à la suite de nombreuses démarches dignes des « 12 travaux d’Astérix ». Le couple habitant la résidence depuis 25 ans a reçu un avis du ministère de la Sécurité publique l’avisant qu’il devrait soit démolir, soit déménager sa maison, un choix qui s’impose à de nombreux résidents riverains. Monsieur Lavoie a précisé ce matin qu’il constatait une recrudescence des demandes de déménagement ou de démolition de maison ces derniers mois. D’ailleurs, les voisins du couple qui se trouve du côté Ouest de leur résidence verront leur maison démolie incessamment. D’autres voisins seront inévitablement confrontés à ce choix dans les mois à venir, sur cette partie de la rue du Fleuve qui rétrécit à vue d’œil à son extrémité Ouest.

Deuil

« Je suis fatiguée et passablement émotive. On sait que les changements climatiques ne sont pas anodins. On pense que ça se passe aux îles ou au Bangladesh, mais c’est vraiment présent chez nous aussi. Tout le monde a son deuil à faire. Ce sera de plus en plus comme ça. Il faudrait abandonner des choses. Pour ma famille, c’est le deuil de nos racines familiales intimes. C’est une demeure en bord de mer que nous habitons depuis 25 ans. On a fait de l’aménagement paysager. On a planté des arbres et on y a vu nos enfants grandir. On a profité de la plage et même de baignades en janvier. On a vu les couchers de soleil. Ça ressemble à ça, ce qu’on vit. On y a aussi vécu au rythme des saisons. C’est dur à expliquer ce qu’on subit. C’est quelque chose », confie madame Bourgeois.

La maison sera déménagée la nuit prochaine, une opération de trois heures. (Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

Ça fait peur

Madame Bourgeois confirme que des changements importants sont survenus dans son environnement depuis que le couple habite au 118 rue du Fleuve. « On voit que la banquise est anémique. Ça par en miettes au moindre coup de vent en provenance du Sud. On avait une plage. Il y avait de l’élyme des sables qui était presqu’à la hauteur du terrain. Tout ça est disparu. Ça fait peur de s’aventurer sur la banquise et ça fait peur de voir arriver les grandes marées. Notre terrain n’est plus capable de supporter une nouvelle tempête. On n’a pas le choix, faut décoller de là. Les changements climatiques sont bien réels. Depuis un an, c’est un méchant casse-tête, mais on n’est pas les seuls aux prises avec ça. C’est quand même incroyable que depuis 25 ans, on continue à piétiner sur les changements climatiques. On ne vit pas des choses anodines ou théoriques en ce moment. On pense aux gens qui devront démolir ou déménager à Sainte-Flavie, à Sainte-Luce et à Rimouski, parce qu’il y en a dans le coin qui viennent tout juste de recevoir leur lettre de la Sécurité publique  », déclare-t-elle.

Apprendre

« On est collectivement tous en train d’apprendre quelque chose. Je pense que si on parle, ce sera moins pire pour ceux qui vivent la même chose que nous. Même parmi les intervenants, beaucoup n’ont pas encore compris ce qui se passe. Il a fallu répéter je ne sais combien de fois que nous déménageons la maison, pas qu’on veut la démolir. Il y a des personnes qui se sont demandé pourquoi on ne mettait pas plus de roches au lieu de quitter les lieux. Ça fait longtemps qu’on s’en parle, mais je crois qu’il nous reste un sacré bout de chemin à faire pour prendre le problème à bras le corps et agir de manière concrète, localement aussi », poursuit madame Bourgeois, qui ajoute que la tâche aurait été insurmontable si son conjoint et elle n’avaient pas eu les connaissances et la faculté de communiquer qu’ils ont.

De plus en plus souvent

Le maire Parent estime qu’il y a au moins trois points à retenir de cette mésaventure.

« Dans un premier temps, on doit féliciter madame Bourgeois et monsieur Cantin d’avoir démontré leur volonté de préserver cette maison de quelque 175 ans, un joyau exceptionnel, malgré le fait que vous devrez payer 150 000 $ de votre poche pour déménager la maison. Il faut savoir que le montant accordé pour une démolition est aux environs de 220 000 $, ce qui équivaut à l’évaluation municipale de la résidence. Toutes les dépenses additionnelles sont à la charge de ce couple. L’autre élément important, c’est que les municipalités sont de plus en plus souvent aux prises avec cette situation qui va continuer d’empirer, de se produire de plus en plus souvent. »

(Photo: journallesoir.ca, Pierre Michaud)

« La Ville de Rimouski, dans ce cas, a accompagné les propriétaires, mais n’était pas là pour les aider à temps plein. Le gouvernement du Québec doit nécessairement donner des ressources financières aux municipalités pour venir en aide aux citoyens, mais également pour toutes les conséquences associées aux changements climatiques. On constate présentement qu’on a de plus en plus de chemins exposés à la problématique de l’érosion, ce qui annonce des dépenses additionnelles. Le gouvernement doit faire davantage. Le troisième élément, c’est que la population prenne conscience des efforts à faire pour diminuer les gaz à effet de serre. On l’a vu l’an dernier : on a mis en place un règlement pour limiter le tournage des moteurs au ralenti. Il y a eu une levée de boucliers et pourtant, tous les individus sont appelés à faire des efforts en ce sens. On est aux prises avec ces problèmes et ça va continuer à s’accentuer, à moins que chacun prenne ses propres responsabilités », commente aussi monsieur Parent.

Le terrain où est située la maison pourrait servir à réaliser des sentiers d’accès au fleuve, dans le cadre d’un projet mené par la Ville.

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