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Facturer l’hébergement d’urgence est tout, sauf « raisonnable »!

Le Québec aurait besoin d’au moins 10 000 logements sociaux et communautaires. (Photo: Unsplash photos)

À quelques jours du 1er juillet, plusieurs personnes ne savent toujours pas où elles vont habiter. Cette situation est d’autant plus inquiétante dans un contexte où il n’y a, à Rimouski, que deux logements disponibles sur mille. Imaginez devoir loger votre famille alors que le taux d’inoccupation pour les logements de deux chambres et plus est tout simplement de 0%. 

Pour faire face à cette inquiétante situation, un service d’hébergement d’urgence est offert par la Ville de Rimouski pour une deuxième année consécutive. Toutefois, l’administration municipale a décidé d’imposer des frais pour un tel service allant jusqu’à 100 $ par semaine. Une telle décision nous apparait injustifiée et injustifiable.  

En effet, le logement est un besoin de base. Il est garant d’un sentiment de sécurité et d’une bonne santé physique et mentale. Notons d’ailleurs qu’il s’agit d’un enjeu qui affecte plus particulièrement les femmes. Non seulement celles-ci assument généralement la charge mentale des obligations familiales, mais l’accès au logement est fondamental pour fuir les violences domestiques. N’avons-nous pas passé la pandémie à nous préoccuper de l’augmentation des féminicides et de la violence conjugale ?

Nous estimons inapproprié d’imposer une logique utilisateur-payeur dans le cadre de mesures d’urgence et de derniers recours. En effet, la Croix-Rouge n’impose pas de frais aux personnes sinistrées lors d’inondations. Cette même logique ne devrait-elle pas s’appliquer aussi en contexte de crise du logement? 

Cela est d’autant plus regrettable que la Ville de Rimouski vient d’annoncer un surplus budgétaire de 4,8 M$ dû à l’augmentation des droits de mutation immobilière (communément appelé la « taxe de bienvenue »). Comment la Ville peut-elle justifier, avec un tel surplus, de charger des frais aux personnes qui subissent le plus durement les contrecoups de cette surchauffe immobilière ? 

Le maire prétend que la facturation de tels frais est « tout à fait raisonnable, bien en dessous de ce que ça coûte en réalité » (Brigitte Dubé, « Levée de boucliers à Rimouski contre des frais d’hébergement d’urgence », Radio-Canada, ICI Bas-Saint-Laurent (26 mai 2022)). 

Nous ne sommes toutefois pas de cet avis. Il y a quelques années déjà, il était généralement admis qu’il ne fallait pas dépenser plus de 30% de son revenu dans son logement. Aujourd’hui, il est fréquent d’entendre que des gens déboursent plus de la moitié de leur budget pour se loger. Face à l’inflation qui explose, une fois que le loyer et l’électricité sont payés, que reste-t-il pour la nourriture ? Et ne parlons même pas des loisirs. 

De plus, pour que les 100$ exigés en frais hebdomadaires constituent 30% de ses revenus pour se loger, une personne doit faire légèrement plus de 1300 $ mensuellement. C’est presque deux fois le montant de l’aide sociale pour un adulte sans contraintes à l’emploi, qui est actuellement de 726$ par mois, ce qui signifie que 100$ par semaine représente un pourcentage astronomique du budget des personnes à faibles revenus. 

Cela étant, nous sommes d’avis qu’une telle décision est tout sauf « raisonnable ». C’est d’ailleurs un dangereux précédent considérant qu’aucune autre ville au Québec n’exige ou n’a exigé de frais en plus de 20 ans de tels services. C’est une triste première pour la Ville de Rimouski, et une décision déconcertante à l’endroit de ses citoyennes et citoyens.

Nous reconnaissons toutefois que la responsabilité lors de telle situation ne revient pas seulement aux municipalités, mais aussi au gouvernement du Québec. Ce dernier n’a rien fait jusqu’à maintenant pour s’attaquer à la crise du logement. Pourtant, ce ne sont pas les idées qui manquent: réviser les lois sur l’éviction, financer davantage le logement social, sévir lorsque des propriétaires manquent à leurs obligations, établir un réel contrôle des loyers. Bref, il semble que l’inaction ne soit pas due à un manque de solutions. À la veille des élections provinciales, nous espérons que les candidates et les candidats prendront des engagements concrets face à cet important enjeu. 

D’ici là, nous sommes solidaires avec toutes les personnes victimes de cette crise du logement, dont elles ne sont pourtant aucunement responsables. 

Cosignataires :

Alexandre Courtois,

Florian Freuchet,

André-Anne Paradis,

Mario Joubert,

Alexandre Cadieux,

Cassandre Vassart

Stéphanie Thibodeau

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