Tenue de camouflage!
Et déploiement de carnaval(NDLR : le comédien, directeur artistique, auteur et metteur en scène Eudore Belzile réagit en son nom aux articles du journal d’opinion le Mouton Noir et du Journal Le Soir concernant une manifestation tenue à l’hôtel de ville de Rimouski, lundi.)
« Des messages qui disaient que la vie est noire et blanche sortaient de mon cerveau. Je rêvais que l’action romantique des mousquetaires reposait sur des idées profondes Ah! Mais j’étais tellement plus vieux alors. Je suis plus jeune que ça maintenant », -Bob Dylan, 23 ans, « My back pages ».
Toute la question est de savoir comment arriver à publier un article militant et qui cogne fort dans le Mouton Noir. Une manif cagoulée « why not », y a ben un crucifix à l’hôtel de ville!!! Cherchez le lien, y en pas. C’est de l’humour fin. D’honnêtes citoyens qui miment les terrifiants Black Blocs, mais just’ pour rire, n’ayez pas peur braves gens. Ce sont des universitaires, des travailleuses communautaires, des profs de CEGEP, des retraités, des pères et mères de familles, des syndicalistes, menés par un humoriste. Oui, mais comment le savoir puisque vous êtes cagoulés et tout aussi anonymes que les braves commentateurs des réseaux asociaux?
Normal que des citoyens assemblés prennent peur. Ah, mais c’est ça le but de la cagoule! Portez 30 t-shirts tous identiques et vous serez entendus. Mais ça ne fera pas le « buzz », d’accord. La présence de l’humoriste rassure. Car tout ce qui est sérieux aujourd’hui présente, en gage, son humoriste. Qui n’en a pas un dans sa famille, ses amis, ses connaissances? Au Québec, il y a 50 ans, c’était le prêtre, la religieuse et les missionnaires qui tenaient ce rôle, pour ne pas dire cette position. On en avait tant, qu’on en expédiait sur toute la planète.
Le crucifix de l’hôtel de ville rappelle cette époque sous le « mode » non religieux, mais patrimonial. Aujourd’hui, l’humoriste tient cette position, présent partout, assis même à la droite du premier ministre, en tant que directeur de la Santé publique. La famille québécoise qui n’en a pas engendré au moins un, fait profil bas. La cagoule rieuse prendra-t-elle un jour sa place sur le mur de L’Assemblée des réactionnaires (qui contient le mot actionnaire!), des têtes de gland et des magouilleurs élus(es)?
Résumons-nous : des encagoulés se présentent à l’hôtel de ville avec pour objectif qu’on leur demande de se dévoiler, puis devant le refus attendu, qu’on appelle la police, qui vient, on résiste un peu, oh! les violents policiers, on est exfiltré et on tient un article ou deux pour le Mouton Noir, avec des sources fiables « sur place ». Scénario éculé, mais mission réussie! L’Empire du bien avance masqué. Dommage car vos causes sont nobles. Pourquoi ne pas les porter visières baissées et sans ce déploiement de carnaval? La pureté ne vous fera pas gagner la moindre escarmouche.
Le pur rencontre toujours un plus pur qui l’épure. La complexité du monde et des choses est une donnée aussi éprouvée que la loi de la gravité, elle vous rattrapera toujours. Cher Fred Dubé, tu vaux mieux que ces galipettes adolescentes de blockbusters de banlieue. Et vos articles (du Mouton Noir) ne sont pas du journalisme, bien évidemment. C’est plutôt un compte-rendu comique d’une cellule d’activistes. Si vous voulez écrire sur ces problèmes qui vous (nous) préoccupent vraiment, mettez-vous au travail, montez un dossier conséquent et publiez-le. Les ondes, comme l’écrit, devraient être des espaces sacrés, de moins en moins respectés, je vous l’accorde.
Et le décorum nous permet de se reconnaître et de partager ensemble un espace et un temps qui concerne la Cité, quelque chose de plus grand que nous. On peut y débattre âprement mais droit dans les yeux!
Eudore Belzile