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Contes, légendes et palabres

La Batoche

Daniel Projean et Georgette Renaud. (Photo: courtoisie)

(NDLR : Georgette Renaud et Daniel Projean du collectif d’auteurs et conteurs La Porte ouverte sur les mots présentent une  autre légende de la région).

Pour ce mois d’août 2022, leur choix s’est arrêté sur la fameuse légende « La Batoche »  Après plusieurs recherches, on n’a pas retrouvé qui est à l’origine de cette histoire. Par contre, on a trouvé le blogue de Jacques Therriault, intitulé : « Mes chroniques, tantôt légendes – tantôt vérité. » (http://www.lebic.net ) Monsieur Therriault est résident du Bic et qui plus est, un excellent photographe.

Par cette chronique, nos lecteurs pourront imaginer leur propre histoire de « La Batoche ». Bonne lecture!

Il y a plus d’un demi-siècle, vivait sur cette petite péninsule une bonne vieille qui s’appelait Batoche Fournier.

La bonne femme était le cauchemar des mauvaises personnes qui, de temps à autre, pouvaient s’aventurer dans la paroisse, mais d’un autre côté, elle faisait le délice des voyageurs et de ses co-paroissiens, par ses saillies et son pouvoir presque magique de guérisseuse.

La mère Batoche devint veuve alors qu’elle n’avait goûté que quelques années de mariage. Plutôt que de se remarier, elle crut qu’elle ferait mieux de vivre tout le reste de ses jours pour le souvenir de son cher défunt, qu’elle avait accompagné au cimetière en versant d’abondantes larmes.

La mère Batoche habitait seule cette petite pointe de terre située à environ quatre mille du village du Bic, et qui s’avance dans le fleuve, entre le Saint-Laurent et la rivière Hâtée (que les Anglais écrivent Hatty). À force de vivre seule, la mère Batoche avait fini par oublier jusqu’à ses habitudes du sexe. À soixante ans la mère Batoche fumait comme un vrai pêcheur des Méchins et elle se servait du fusil de chasse et de la hache comme un trappeur de renom.

La maison de la mère Batoche est encore debout. Aujourd’hui, une brave famille de pêcheurs l’occupe, celle de M. Michel Santerre, un brave vieillard dans la quatre-vingtième.

Le père Santerre et son fils sont propriétaires de toute la péninsule dont l’extrémité ouest est un bocage feuillu, rendez-vous des touristes en été.

Le père Santerre a succédé à la légendaire mère Batoche dont le nom est toujours évoqué par le voyageur qui s’aventure à cet endroit.

–  Depuis combien de temps est-elle morte la mère Batoche, demandons-nous au bonhomme Santerre.

– Ça fait bien maintenant une quarantaine d’années, nous répond le vieillard.

Et avant que nous le lui demandions, l’octogénaire nous parle de cette vieille à qui la légende a donné des pouvoirs de bonne fée.

– « La mère Batoche, nous dit-il, vous disait la température cinq jours d’avance.
    Aux farauds elle prédisait un mauvais ménage et aux braves gars un mariage                           heureux. »

– « Sa pipe à la bouche, la mère Batoche se mettait au travail tous les matins; bêchant, ratissant et raclant.
 Rien ne l’arrêtait, pas même le mauvais temps ou une indisposition. »

– « Malheur au mécréant qui se serait hasardé sur la péninsule pour lui faire des mauvais coups. On se rappelle encore qu’un jour la mère Batoche tint tête à deux chemineaux qui voulaient la forcer à leur prêter un gîte pour la nuit, dans sa maisonnette.
L’un d’eux reçut une telle raclée qu’il crut prudent de quitter pour toujours le comté afin de n’être plus l’objet des rires des habitants. »

_ « La mère Batoche était aussi l’amie des pêcheurs qui venaient souvent boire une « terrinée » de lait et « tirer une touche » avec la rude insulaire. »

La brave femme dut cependant se soumettre comme tous les humains aux dures exigences de la Camarde.
Un jour on apprit que la mère Batoche avait dû s’aliter, vaincue par la maladie. Ce fut un émoi dans le Bic. De toutes parts, on accourut pour voir s’éteindre cette vieille mère Batoche qui avait tant fait parler d’elle depuis plusieurs années. La mère Batoche-Fournier mourut quelques jours plus tard, terrassée par une violente et courte maladie.
Ses restes reçurent une humble sépulture, mais son nom était destiné à subsister dans le souvenir des habitants du Bic.

La Pointe à Batoche est le coin le plus fréquenté par les touristes, à cause de son panorama grandiose, de sa grève sablonneuse et elle doit peut-être aussi sa plus grande popularité au personnage quasi légendaire qu’elle évoque : la mère Batoche.

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