Une vie humble, mais marquante
On recherche des façons d'honorer la mémoire de Francis CôtéLa vie vient de nous donner une autre leçon avec le décès du Rimouskois Francis Côté : aussi petit que l’on soit, on a quelque chose à apporter à sa communauté.
Au point où quelques-unes de ses nombreuses connaissances lancent l’idée d’honorer sa mémoire de façon permanente. Cet homme a passé les 15 ou 20 dernières années à circuler aux quatre coins de Rimouski avec son vélo auquel il avait ajouté une remorque pour recueillir des cannettes et bouteilles vides. Et, ce, presque tous les jours. Une façon de survivre qu’il avait développé et qu’il gérait avec une efficacité étonnante.
Outre son courage et sa dignité, été comme hiver, beau temps, mauvais temps; on peut aussi saluer le fait qu’il améliorait l’environnement de Rimouski en recyclant toute cette pollution. Son sort ne cesse de susciter de la sympathie.
Relations
Cette efficacité était notamment attribuable au fait que malgré une allure étrange et la difficulté qu’on avait à devenir son ami, il connaissait un nombre incroyable de citoyens, de gens d’affaires et d’élus. Comme en témoignent notamment les nombreux commentaires de sympathie inscrits sur la page Facebook du Journal Le Soir.
« C’était un homme que tout le monde connaissait, mais sans le connaître vraiment. Je le croisais souvent à la sortie des parties de football des Pionniers. Je me dépêchais de lui dire : « Francis, il reste des cannettes au stade si tu veux aller en ramasser ». Il partait avec son vélo et sa brouette et il prenait la direction du Complexe sportif Guillaume-Leblanc. C’est certain que je serais prêt à appuyer un hommage permanent. C’est certain qu’il méritait le respect et je serai présent à ses obsèques en tant que conseiller de son quartier, Saint-Robert », indique le conseiller municipal Jocelyn Pelletier.
Une partie du décor
« On ne s’est jamais vraiment parlé. C’étaient des phrases courtes. Avec son décès ce matin, c’est une partie du décor rimouskois qui ne sera plus là. On était tellement habitués à Francis, c’est comme s’il faisait « partie des meubles » de Rimouski. Il va nous manquer. C’était pratiquement un monument. Il n’était pas tannant, rien de ça. Rimouski vient de perdre un personnage, au même titre que des personnages qu’on pourrait croire plus importants. Pour ramasser des cannettes comme il le faisait, ça prend de l’énergie, de la volonté et de l’endurance. Et grâce à lui, la ville était plus propre », estime aussi monsieur Pelletier.
Prix? Événement? Hommage?
De l’avis de plusieurs personnes contactées, l’importance de l’exemple de Francis Côté mériterait qu’on baptise quelque chose en son nom : un prix reconnaissant la résilience d’une personne en situation de pauvreté, un événement pour commémorer son « œuvre »; un hommage par le biais d’une dénomination.
« Ça me rappelle qu’une personne du Diocèse de Rimouski, Odette Bernatchez, avait assumé l’organisation des funérailles d’un itinérant bien connu au centre-ville (NDLR : il se nommait Victor) avec la pastorale sociale. Je ne suis pas sûr qu’il ait beaucoup de famille, ni si elle sera mesure de lui organiser des funérailles dignes de ce nom. Si nous pouvons faire quelque chose, nous serions disposés à lui rendre hommage. Son action mérite d’être valorisée », réagit Michel Dubé, coordonnateur d’Action Populaire Rimouski-Neigette.
Une activité écologique
« Le printemps dernier, je l’ai rencontré à la Cantine de la Gare. Nous avons jasé. Je lui ai offert son repas. Il m’a dit qu’il était conscient qu’il faisait œuvre utile pour la collectivité, en ramassant ses cannettes et ses bouteilles. : « Si je ne faisais pas ça, personne ne le ferait », m’avait-il dit. « Je sers à quelque chose. » Il parlait de sa situation et de son humilité en disant qu’il n’avait pas de télévision. « J’écoute la radio; je mange des toasts au Cheez-Whizz et je regarde le journal : c’est ça que je fais dans la vie. Pis j’aide le monde en ramassant des cannettes. » », confie François-Xavier Bérubé-Dufour, enseignant en travail social au Cégep de Rimouski.
« Je me suis dit aujourd’hui que ce serait vraiment dommage qu’il n’y ait qu’une activité en hommage à Francis, liée à sa mort, et qu’après on l’oublie. Vu son apport à la sauvegarde de notre environnement, j’ai eu l’idée suivante : nous pourrions tenir annuellement une cueillette de bouteilles et de cannettes. Ce serait à la hauteur de ce qu’il a réalisé et ça irait dans le sens de sa mission. Surtout qu’il était conscient de ce qu’il faisait, quand même », renchérit monsieur Bérubé-Dufour.
Un vaillant
Fabienne Dubé et Luc Pichette ont aussi tenu à rendre hommage à Francis. Celui-ci a travaillé à leur bar, le Campus.
« S’il y a quelque chose dont on ne doutera pas sur Francis, c’est qu’il était vaillant, même si ça devenait, des fois, un peu compliqué sur le plan des rapports patrons-employé. Parfois, on lui offrait des cadeaux comme une paire de bottes pour réaliser quelques semaines plus tard qu’il ne les avait plus, on ne savait trop pourquoi. On était toujours d’accord, de toute façon, pour lui donner une chance de se reprendre. »
« Un moment donné, quand on s’est aperçu que son vélo était « magané », on lui en a acheté un neuf. C’était fantastique de voir sa joie quand nous lui avons offert. Il était excité comme un enfant. Puis, quelques semaines plus tard, il arrive avec un autre vieux vélo. Quand on lui a demandé ce qu’il avait fait de son vélo tout neuf, il nous a répondu qu’il le gardait en sécurité pour ne pas l’user », se souvient Luc Pichette.
Projet en marche
Certains personnes ont déjà manifesté leur désir de former un comité afin de dénicher une façon permanente de rendre hommage à Francis. Cela pourrait avoir un lien direct avec ce qu’il faisait tous les jours. Nous y reviendrons. « Je me console à l’idée de Francis n’est pas mort dans l’oubli. Beaucoup de gens ont pensé à lui et lui ont envoyé leur amour hier soir, par le biais du Journal Le Soir », commente le communicateur et humaniste à l’origine des articles que nous avons rédigé sur Francis, l’ancien réalisateur de Cogeco Alain Caron.