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Crainte d’un incident écologique

Avec les oléoducs désaffectés du port de Rimouski
La jetée Ouest est pour le moins en décrépitude. (Photo: Journallesoir.ca)

Les futurs travaux de rénovation du port de Rimouski risquent de provoquer un incident environnemental en raison de la présence historique de compagnies pétrolières à Rimouski-Est.

Une source du Journal Le Soir croit que le réaménagement de la jetée Ouest comporte des risques importants. On a recueilli des indices en ce sens. Le Journal Le Soir s’est rendu sur les lieux pour constater le délabrement généralisé et en a rapporté des photos.

La Société portuaire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie (SPBSG) débute aujourd’hui une campagne de consultation sur l’aménagement d’un espace citoyen au port de Rimouski. Il s’agit, dans le cadre d’un projet plus vaste faisant suite à la cession du port du gouvernement fédéral au provincial, de trouver une vocation d’espace public pour la jetée Ouest qui est en décrépitude.

Historique

S’il y a toujours un terminal pétrolier à Rimouski-Est, celui de Suncor, il y a déjà eu plusieurs dizaines de réservoirs de différentes compagnies dans les années 1950 à 1980, dont les plus connues de l’époque : Gulf, Esso, BP, Irving et cie. Le modèle d’affaires des compagnies pétrolières a changé depuis le temps et les compagnies partagent souvent le même système de raffinage et de transport.

Mauvaises surprises

« Un peu comme si on entreprenait des travaux de rénovation d’une vieille maison, on risque de découvrir de mauvaises surprises en démolissant les murs », nous dit-on. Cet interlocuteur craint carrément un désastre environnemental devant Rimouski-Est.

Selon nos informations, au moins trois compagnies ont toujours des installations de transport par conduites sous la jetée Ouest qui continue de s’éventrer. La jetée se viderait de l’intérieur. La consultation publique doit servir à alimenter une évaluation environnementale.

Mise en garde

Le Journal Le Soir a obtenu un rapport pré travaux, baptisé « Avis de projet- consolidation et dragage des installations portuaires de Rimouski », daté de décembre dernier. Il émet une importante mise en garde.

Enjeu majeur

On y retrouve ce qui suit : « En ce qui a trait aux travaux de consolidation des infrastructures portuaires, la présence de sols contaminés, de sédiments contaminés et d’oléoducs désaffectés est un enjeu majeur. De plus, une perturbation sonore lors de l’aménagement et de la construction est probable, ce qui peut occasionner des impacts sur la faune aquatique et aviaire, les résidents à proximité et les usagers des infrastructures portuaires et limitrophes. »

« Ultimement, il y aura empiètement permanent dans l’habitat du poisson pour la consolidation de la jetée Ouest et du quai transversal. En ce qui a trait aux travaux de dragage, le niveau de contamination des sédiments peut être un enjeu, de même que le lieu de disposition de ces sédiments. »

Le quai de Rimouski vers 1979. (Photo : archives, Richard Saindon)

« Pas surpris »

Une personnalité de Rimouski-Est, l’ancien maire Gilbert Saint-Laurent, a bien connu l’époque des nombreuses compagnies pétrolières.

« Je ne serais pas surpris qu’il reste de vieilles conduites et de vieilles installations sous la rue Saint-Germain et sous la jetée Ouest. Il faut se souvenir combien les règles environnementales étaient laxistes à l’époque. Il y a eu des déversements, certains très importants dont j’ai été témoin, dont on n’a toujours pas retrouvé la trace. Mais je ne suis pas pour autant inquiet. Suncor a de nouvelles installations dans l’autre partie du port qui me semblent modernes et sécuritaires. »

À chacun son pipeline

« Non-seulement il y avait des oléoducs souterrains entre les réservoirs et les quais de Rimouski-Est, mais en plus, chaque compagnie avait son propre « pipeline », ses propres équipements employés. Aussi, il n’y avait pas que de l’essence dans les réservoirs. »

« Selon les compagnies, il pouvait y avoir différentes formes de produits pétroliers, comme de l’huile à chauffage. Il y a dû y avoir beaucoup de travaux de décontamination à partir du moment où les réservoirs se sont faits plus rares, après les années 1970, alors que les compagnies rationalisaient leurs opérations », se souvenait monsieur Saint-Laurent dans un autre de nos reportages publié en 2020.

On voit clairement deux conduites au centre, à l’avant-plan. (Photo: Journallesoir.ca)

Inquiétudes

En plus des craintes par rapport aux vieilles installations, on continue de s’inquiéter de la présence du terminal Suncor parmi les résidents de Rimouski-Est. On sentirait les émanations à plus d’un km à la ronde lors des opérations de transbordement.

Le maire, Guy Caron, a d’ailleurs rencontré des représentants de Suncor récemment. Selon Radio-Canada, c’était pour mieux se faire connaître de quelques intervenants régionaux sans nécessairement être du lobbying, mais selon nos sources, c’est parce qu’il y a de l’inquiétude dans l’air par rapport à ce qui pourrait se produire lors d’éventuels travaux au port de Rimouski.

Pas surpris… non plus!

Un autre qui n’est pas surpris de croire que des problèmes environnementaux se pointent à l’horizon à Rimouski-Est est le candidat de Climat Québec dans la présente élection, Pierre Beaudoin. Cet environnementaliste convaincu est diplômé en physique. Il possède une maîtrise en ingénierie appliquée à l’éolien de l’UQAR.

« Je ne suis tellement pas étonné! C’est clair que ces considérations sont très importantes en ce qui a trait à la rénovation du port de Rimouski. Il faut qu’il y ait des études environnementales et qu’on les prenne au sérieux. Il y a un historique de pétrole, donc on ne doit pas hésiter à exiger des études avant de procéder à quelques travaux que ce soit. Il faut savoir réviser ou refuser des projets s’ils ne sont pas pertinents ou s’ils risquent d’avoir trop d’impact sur l’environnement », déclare-t-il.

Inquiétudes partagées

La conseillère de Rimouski-Est, Cécilia Michaud, dit partager les préoccupations environnementales des citoyens, tant pour la présence de Suncor que pour les éventuels travaux de la jetée Ouest.

« Toute installation d’essence, de propane ou de gaz suscite de l’inquiétude chez les citoyens. Même des fois, on peut faire une nouvelle canalisation qui comportera des lacunes et des fuites. Nous ne sommes à l’abri de rien. En 1950, si on avait eu une boule de cristal, on n’aurait probablement pas laissé s’installer autant de compagnies pétrolières. J’ai l’impression qu’on ne fait jamais assez de prévention et de surveillance. Cela reste la meilleure approche. »

Remplir pour ne pas vider

Une autre personnalité ayant un lien étroit avec le dossier qui préfère demeurer anonyme fait valoir que c’est justement pour éviter de trop remuer ce qui se trouve sous la jetée Ouest qu’on évite d’y implanter une activité économique spécifique.

« L’aménagement d’un espace public ne comporte que des travaux superficiels et c’est sans doute pour ça que c’est le projet retenu : pour éviter d’avoir à trop remuer ce qui se trouve en dessous. »

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