Carnet d’une gentille sorcière, la liberté
Ce mois-ci je vous parle de mon amie Sandra Vuaillat – Première partie
J’ai rencontré Sandra il y a une dizaine d’années déjà dans un cours sur la pratique artistique à l’université. On est devenues amies. C’est ma sœur d’âme. Sandra est une femme solaire. Elle a le sourire large et lumineux et ses yeux bleu océan sont perçants d’authenticité et de vivacité, reflet d’une braise, voire d’un feu qu’elle porte en elle.
Sandra est fougueuse et bien incarnée. Elle ressent les choses. Elle sait mettre sa main sur ton épaule au moment où tu en avais justement besoin. Elle connait plein de choses, des remèdes, des astuces, le travail de plein d’artistes et de penseurs… Elle lit beaucoup. Nos conversations sont toujours profondes et nos rencontres, insolites.
Sandra est française d’origine et elle a un parcours peu orthodoxe. Elle est pharmacienne de formation, mais elle a choisi de vivre autre chose. En fait, elle a choisi de vivre point. Elle a choisi la liberté. Elle travaille peu, elle vit beaucoup. Elle a trois beaux grands enfants et le même amoureux depuis plus de 20 ans.
Sandra et moi nous donnons rendez-vous sporadiquement pour vivre de petits moments de création, de sorcière, d’amitié. Nous nous sommes retrouvées dans le chalet d’une amie dans le bois pour un petit séjour sans eau courante, sans électricité, sans réseau et sans écran (ou presque).
Nos conversations ne se sont pas résumées qu’à ce qui suit, mais ce sont les grandes lignes. Surtout je réduis ici mes interventions aux questions maitresses (en gras) pour laisser place à la parole de Sandra.
Parle-nous de ton parcours de vie.
C’est une série de circonstances qui ont dessiné mon chemin de vie. J’ai fait mes études en pharmacie et je suis venue faire une année d’étude au Québec. C’est à ce moment que j’ai rencontré mon amoureux. On a eu 3 enfants très rapprochés (dont un couple de jumeaux) et quand ils étaient petits, on est allé vivre 4 ans en France, où je travaillais en pharmacie à temps partiel.
C’était une belle période. Puis on est revenu au Québec, et j’ai définitivement abandonné la pharmacie, c’était devenu trop loin de mes valeurs. J’ai donc fait toutes sortes de travail, sans trop travailler non plus. J’ai été homéopathe, cueilleuse, animatrice culturelle, commis boulangère, graphiste.
Comme je disais, j’ai suivi le courant, je suis ce qui s’offre à moi.
Maintenant je travaille à temps partiel dans la bibliothèque de mon village et j’adore ça. Ça me laisse beaucoup de liberté, et ça me permet de m’enraciner dans ma communauté, et d’y faire de belles rencontres.
C’est quoi pour toi être sorcière? De quelle façon es-tu sorcière?
Pour moi, être une sorcière, c’est une façon de vivre, une façon d’être. C’est vivre avec le cœur, être dans la vie. C’est être relié. Relié aux autres, aux plantes, à la nature, à l’essentiel, à la mort, aux énergies, à tout ce qui vit.
C’est apprendre à observer les processus du vivant, à l’extérieur, mais c’est reconnaître que ce sont des processus qu’on a aussi à l’intérieur de nous, les cycles, la vie-mort-vie, c’est réel, ce n’est pas juste des idées, et c’est de l’expérimenter au quotidien.
Le mot perméabilité est important aussi. Se laisser traverser, ne pas maintenir une identité ou quelque chose que tu penses qui est toi, sous prétexte que c’est rassurant, ou que tu ne connais que ça. Grâce à la différence, tu peux découvrir autre chose en étant curieux, en voulant vivre des expériences.
Être sorcière, c’est aussi être autonome par rapport aux institutions, au système de santé, aux pharmaceutiques… Pour moi je vois ça comme une façon de garder mon pouvoir ou de décider de ce que j’en fais. Aujourd’hui, les gens se laissent prendre leur pouvoir par tous ces systèmes qui nous entourent. Être sorcière c’est donc pour moi une forme d’autodétermination qui me rend libre d’utiliser mon pouvoir comme je veux.
Aussi, je ne me projette pas tellement dans l’avenir. Je vis beaucoup dans le moment présent et je me laisse porter par le courant et l’énergie de la vie et de ce qui se présente à moi. Je n’ai pas besoin de me fixer des objectifs, la vie me présente des opportunités que je peux choisir ou non, et en fait je choisis ce qui est le plus intéressant, et j’avance comme ça, je fais mon propre chemin, et c’est un chemin très riche, ouvert et inattendu.
Une autre partie de ma sorcière que j’ai développée, c’est le rapport à la mort. J’ai eu la chance d’accompagner des proches dans la mort ces dernières années et c’était très beau, c’était précieux, ça nous amène à avoir une qualité de présence, une présence du cœur. Ce sont des expériences qui m’ont élevée et qui m’ont fait sentir encore plus vivante.