Un Club en mille morceaux
Le président Marc Boudreau, marqué à jamaisVingt-cinq ans après les événements, l’actuel président du Club de patinage artistique de Rimouski (CPAR), Marc Boudreau, mérite le plus grand des respects pour avoir charrié sur ses épaules la grande famille de ses parents et de ses patineurs, dans les jours qui ont suivi le drame survenu le 3 janvier 1998.
Hasard ou destinée, la vie a fait en sorte que Marc Boudreau a effectué récemment un retour à la présidence du Club, alors qu’il avait aussi occupé cette fonction lors du décès soudain et accidentel de Catherine Roussel, Sonia Arseneault et Julie Laporte.
Après avoir été président pendant une dizaine d’années, alors que sa fille Stéphanie était patineuse, c’est la naissance et la croissance d’une petite-fille ayant découvert à son tour le patinage qui a entraîné ce retour.
Collision
Le 3 janvier 1998, tandis qu’elle circulait sur la route 132 en direction de Saint-Fabien, la voiture conduite par Julie Laporte s’est soudainement retrouvée dans la voie inverse, apparemment en raison d’un phénomène de verglas.
Une première collision est survenue en sens inverse, puis une autre venant de la même direction que le véhicule des disparues.
Deux des trois jeunes femmes sont mortes sur le coup. Julie Laporte est décédée dans la nuit suivante, dans un hôpital de Québec où elle avait été transportée d’urgence. Deux autres passagères ont été blessées.
« Des enfants uniques »
Dans les jours des 3, 4 et 5 janvier 1998, Marc Boudreau a agi comme un père de famille à trois niveaux : pour sa fille, pour les parents des victimes et pour les parents et membres du Club.
« C’est le genre d’événement qui nous marque à vie. Lors de l’annonce de l’accident, j’étais avec Stéphanie qui avait alors 12 ou 13 ans. Catherine était l’une de ses grandes amies. Il a donc d’abord fallu que je m’occupe de ma fille, de lui expliquer que c’est un accident qui est survenu, que ces choses-là se produisent dans la vie. Puis, dans la soirée, j’ai fait la tournée des trois familles. Ça a été le bout le plus éprouvant, d’autant plus que dans deux des trois familles, les filles étaient des enfants uniques. »
Funérailles communes
« Il a fallu jaser, parler et partager leur peine avec Claudette et Jean-Guy Laporte, Reine Dufour et Réjean Roussel et Shirley Wafer et Denis Arseneault. À la suite des premières discussions, on m’a demandé au Club ce qui surviendrait avec les funérailles. J’ai décidé d’en prendre la responsabilité et j’ai vérifié auprès des parents ce qu’ils souhaitaient. Ils avaient convenu de faire des funérailles communes. Évidemment, aucun de ces parents n’était en état d’organiser quoi que ce soit. Certaines personnes de mon conseil d’administration et moi avons donc fait équipe pour organiser le service funéraire (à la cathédrale) », se souvient monsieur Boudreau.
Le plus émotif
« Le bout le plus émotif est survenu au salon funéraire. Les familles n’étaient pas capables d’accueillir les gens et on s’est occupé de ça aussi. J’ai accompagné beaucoup de gens et je leur ai fait faire le tour du salon. Oui, j’ai été un peu comme un père pour tout le monde et un gestionnaire en période de crise, aussi », ajoute-t-il.
Une aide déterminante
Si monsieur Boudreau a su si bien maîtriser la situation dans cette période difficile, c’est aussi grâce à l’appui de son entourage au Club, dont la contribution de la relationniste, Noëlla Jean Bouchard.
« Avec Noëlla, on était bien pourvus en matière de communications, car c’était une véritable professionnelle de ce secteur au ministère de l’Éducation. Je lui faisais confiance. Quand j’ai eu à intervenir publiquement, elle m’a très bien conseillé. On s’est même aussi un peu partagé le travail dans les demandes d’entrevues. »
Monsieur Boudreau travaillait aussi dans le domaine de l’éducation jusqu’à sa retraite, il y a un an et demi.
Décision pour la suite
« On a discuté entre membres du conseil d’administration et avec des parents sur l’attitude à adopter envers les autres membres du Club. Quand on tombe de cheval, on dit qu’il faut remonter rapidement sur l’animal? C’est la même chose. »
« On a donc fait en sorte que les jeunes réalisent que la vie continue et on n’a donc cessé aucune activité. On a voulu qu’ils vivent leur deuil ensemble. Dès le lendemain des funérailles, les cours et les entraînements ont repris. À l’époque, ce n’était pas automatique d’avoir des intervenants pour obtenir du soutien psychologique, mais je crois qu’on s’était bien débrouillés. On a tenu des rencontres avec les jeunes et les entraîneurs, où les jeunes ont pu s’exprimer. Le temps de le dire, les filles et les gars étaient de retour sur la glace. On a passé à travers », relate Marc Boudreau.
Toujours quelque chose pour se souvenir
Avec l’endroit que tout le monde connaît où s’est produit l’accident, sur la 132, entre le Bic et Rimouski aux alentours de la halte routière; les bannières immortalisant les trois filles dans les hauteurs du Colisée; l’histoire du Club, le contact avec les parents des trois victimes et la sculpture de Julie, Catherine et Sonia au parc Beauséjour (une œuvre de Roger Langevin), les occasions de se souvenir ne manquent pas.
« Ça ne s’oublie pas. On dirait qu’il y a un coin dans mon cerveau qui leur est réservé. Je passe souvent sur la route 132 au Bic et je pense à elles. Je connais la sculpture de monsieur Langevin. C’est pareil dès qu’on parle de glace, de patin, de hockey. Elles sont toujours là. On en a retiré des leçons de vie. Stéphanie a bien passé à travers cette épreuve. Elles étaient plusieurs filles dans ce groupe d’amies et elles se sont soutenues mutuellement. Elles s’encouragent et elles se souviennent de leurs amies. »
Belle tradition
Sur le plan sportif, le Club de patinage artistique de Rimouski (CPAR), qui a été fondé en 1967, n’a pas été affecté outremesure par cette épreuve, même s’il perdait d’excellentes patineuses de calibre provincial et national.
« Le drame a affecté le Club pendant un certain temps, mais il y avait de la relève. Il y avait aussi Marie-Michèle Mc Duff qui se distinguait sur la scène nationale à cette époque. Le Club a continué de poursuivre le développement d’excellents athlètes. Je crois qu’avec cette tragédie, les trois filles que nous avons perdues alors sont devenues des sources d’inspiration pour nos patineuses et patineurs. Nous avons une tradition d’excellence et nous avons encore régulièrement des athlètes qui se distinguent. »
« Ces filles-là représentaient très bien notre région. D’ailleurs, on s’est toujours fait un point d’honneur de démontrer que ce n’est pas parce qu’on est un club de région qu’on n’est pas capable de se comparer aux meilleurs de la province. Ça nous sert de motivation », conclut monsieur Boudreau.
Ci-dessous, la chanson de Jewel « Foolish Games », qui était la chanson préférée de l’une des victimes et qui a joué lors de a cérémonie funéraire réunissant 1 200 personnes à la cathédrale le 6 janvier 1998.