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Économie

L’œuvre de sa vie : des vers de terre

Le succès de Johanne Dubé, de la ferme Eugénia, du Bic
La ferme Eugenia du Bic se consacre à l’élevage des vers de terre à des fins de fertilisation de sols. (Photo: courtoisie, NOUSTV Rimouski)

Une femme d’affaires d’un genre peu commun, Johanne Dubé, du Bic, peut enfin savourer le succès en ralentissant ses propres activités, tout en assurant la pérennité de son entreprise, la ferme Eugénia.

Cette ferme lancée il y a 30 ans est tout aussi originale que sa fondatrice. Elle est consacrée principalement à un élevage de vers de terre, qui produisent un fertilisant naturel. Madame Dubé a tenté de les dénombrer récemment. Elle en est arrivée à une population de 30 millions. La production d’huile d’herbe de blé est son autre type de production, à des fins de médecine alternative.

Entreprise partagée

Après avoir consacré la majeure partie des 30 dernières années à valoriser le ver de terre, et plus précisément son fumier, Johanne Dubé a décidé cette année de se donner la chance de vivre un peu. Elle qui a toujours la tête pleine d’idées et de projets pour son entreprise, elle a décidé de ralentir un peu la cadence. Madame Dubé a vendu une partie de ses actifs à Julie Grant et Étienne Boutin, des vermiculteurs de Saint-Juste-du-Lac (Terram Vermiculture).

Johanne Dubé (Photo: courtoisie, NOUSTV Rimouski)

« Dans le souci de connaître une bonne transition, j’ai cédé la partie de la production et de l’exploitation de fumier de ver de terre « solide » (vendu en sacs) à Julie et Étienne, et j’ai conservé l’exploitation fumier de ver de terre « liquide » (Turitek). Je leur donne un coup de main pour les accompagner pendant un certain temps et par la suite, notre entente prévoit que je cède la seconde partie », précise Johanne Dubé.

Tomates

Il peut sembler incroyable de réaliser que le fumier de ver de terre peut être un produit assez attrayant pour les entreprises de jardinage et les horticulteurs, amateurs ou professionnels.

Et pourtant, à la suite d’efforts incessants, les produits d’Eugenia sont maintenant vendus aux quatre coins du Québec, si ce n’est également hors de la province. L’entreprise Tomates Savoura l’utilise, tout comme de nombreux vignobles et producteurs de cannabis, sans compter les ventes aux particuliers en passant par les jardineries.

Ténacité et créativité

Le parcours de Johanne Dubé nous démontre plein de leçons entrepreneuriales et de leçons de vie. Sa ténacité, sa confiance en ses moyens et sa créativité lui ont permis de bâtir une entreprise solide et renommée dans son industrie, qui aura pourtant fait l’objet de moqueries à ses débuts.

 Tout a commencé en 1988, quand Johanne Dubé a décidé de s’inscrire à un cours intensif d’un an et demi à l’Institut de technologie agricole (ITA) de La Pocatière. Ce cours sur l’agriculture biologique était destiné aux personnes peu formées, qui étaient à la recherche d’un emploi.

Une belle production de vers. (Photo: courtoisie, NOUSTV-Rimouski)

Rencontres marquantes

Avant le ver de terre, Johanne Dubé s’est intéressée au bois raméal comme fertilisant. Elle a pu parfaire ses connaissances par des stages à l’Université Laval et à l’ITA. En plus d’une grande ouverture d’esprit, des rencontres déterminantes, comme celle de l’ancien maire d’Amqui, Gaétan Ruest, ont aussi permis à madame Dubé de poursuivre son apprentissage.

Ver de terre de six pieds de long!

« Au début des années 1990, j’ai travaillé sur les possibilités du bois raméal. On a pris conscience qu’il y avait autre chose d’aussi puissant que les engrais chimiques, à l’époque. Ça a été un peu mes débuts. En revenant dans la région, j’ai entendu parler d’un élu municipal d’Amqui qui était très actif. Je l’ai intéressé et il s’est montré ouvert aux concepts de mécanismes de fertilisation. J’ai pu assister à une conférence avec un Africain qui s’est déplacé à Amqui. Il venait montrer ce qu’il avait appris et les tests auxquels il a participé. J’ai vu un producteur avec un gros ver de terre de six pieds de long dans les mains! Un pouce et demi de diamètre! Je capotais! », raconte la femme d’affaires.

Coup de fouet

« C’est un peu tout ça, à partir de mon premier séjour à l’Institut, qui m’a amenée où je suis. Puis quand j’ai vu des vers de terre dans des tas de compost, à l’ITA, ça m’a littéralement fait capoter. À un point tel que des étudiants m’ont ramenée à l’ordre. Je me posais toutes les questions possibles. Ça a été comme un coup de fouet. »

« J’ai trouvé deux livres qui traitaient de vers de terre à la bibliothèque de l’ITA. C’est là que j’ai connecté. Mon intérêt pour les engrais naturels vient du fait que l’agriculture biologique est ce qu’il y a de plus respectueux pour l’environnement, dans la pratique. C’est ce qu’il y a de plus naturel. Le fumier de ver de terre n’était vraiment pas connu en région », explique Johanne Dubé.

Installations

Johanne Dubé a loué la ferme en 1991 et elle a pu l’acquérir deux ans plus tard.

Elle a conçu et monté toutes sortes d’équipements, comme des tamis et filtres, pour produire des vers de terre et recueillir leur fumier. De prime abord, son idée était très originale, mais pourtant, ne dit-on pas toujours qu’une terre toujours remplie de vers de terre est une bonne terre?

Johanne Dubé a conçu des « condos » pour ses « locataires ». (Photo: courtoisie NOUSTV-Rimouski)

« À l’époque où il n’y avait pas de laboratoires pour faire des analyses de sol, quand on cherchait un sol pour cultiver, on prenait une pelle pour creuser le sol. S’il n’y avait pas de vers de terre, on allait ailleurs. »

« Personne ne croyait en moi »

« J’ai commencé vraiment « petite ». Personne ne croyait en mon projet. Dans mon entourage, on se demandait comment j’allais faire pour m’en sortir. On m’a trouvé lunatique, complètement déconnectée. Une amie m’a dit que chaque fois qu’elle repartait de la ferme après une visite, elle était complètement dévastée et s’inquiétait vraiment pour moi. « Et aujourd’hui, regarde où tu en es », m’a-t-elle confié récemment. Oui, de la persévérance, il en a fallu beaucoup », s’amuse aujourd’hui l’entrepreneure.

Convaincue

Johanne Dubé aura à tout le moins convaincu Julie Grant et Étienne Boutin.

« Avant la petite entreprise que nous gérons Étienne et moi, qui s’appelle Terram Vermiculture, je n’étais pas une productrice, mais une jardinière passionnée. Je travaillais pour la commission scolaire et j’avais de grands moments libres en été. C’est de cette manière que j’ai découvert le fumier de ver de terre de Johanne, qui m’a complètement convaincue. On allait acheter nos petits sacs chez Johanne chaque année, tellement qu’on a fini par devenir amis. Mon conjoint la connaissait aussi depuis un certain temps. On a testé toutes sortes de choses et on est convaincu », affirme madame Grant.

La ferme Eugénia du Bic (Photo: courtoisie NOUSTV-Rimouski)

Efficace, le fumier de ver de terre?

Efficace, le fumier de ver de terre?

À une certaine époque dans le cheminement de Johanne Dubé, elle s’est associée à un scientifique ayant besoin d’un fertilisant naturel. Celui-ci a constaté une hausse de sa production de trois fois et demie.

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