Actualités > Société > Johanne Gagnon et son parcours d’exception
Société

Johanne Gagnon et son parcours d’exception

Johanne Gagnon, en face de l’Accueil Maternité (Photo: Journallesoir.ca, Véronique Bossé)

Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, le Soir présente le parcours d’exception de Johanne Gagnon, une personne qui a grandement aidé à l’implantation de la profession de sage-femme.

Médaillée de l’Office des professions du Québec pour son rôle dans la professionnalisation des sages-femmes, Johanne Gagnon a été la première sage-femme en exercice légal au Québec.

« J’ai gradué comme infirmière en 1975 et puis en 1980, je suis parti en Suisse pour faire mes études de sage-femme. Je travaillais en salle d’accouchement et je trouvais ça passionnant, mais j’avais envie de faire plus que d’être infirmière. »

Retour au Québec

« Donc, j’ai gradué comme sage-femme en 1984 et un an plus tard, je suis rentrée au Québec avec l’envie d’aller travailler dans les communautés autochtones. Le hasard a vraiment bien fait des choses. Un poste était affiché à l’hôpital de Povungnituk, qui venait d’ouvrir ses portes, et les femmes inuites avaient demandé aux organisateurs que des sages-femmes soient responsable de la maternité. J’ai donc été recrutée pour mettre sur pied, organiser et ouvrir la maternité de Povungnituk. »

« C’était en 1985 et au Québec, il n’y avait aucune réglementation. Pas de sages-femmes et pas de réglementation, alors mon rôle dans l’ouverture de la maternité a d’abord été d’organiser la pratique de sage-femme. C’est de cette façon que j’ai ouvert la première maternité de sage-femme au Canada. »

Cette maternité est d’ailleurs toujours très active, puisque madame Gagnon avait aussi le mandat de former des sages-femmes autochtones.

« Aujourd’hui, c’est l’endroit au Québec où il y a le plus de sages-femmes par habitant. »

Un mouvement qui prenait de l’ampleur

« Quand j’ai quitté le Grand Nord, au Québec, on débattait d’une loi qui s’appelait Loi sur la pratique des sages-femmes en projet pilote. Il y avait beaucoup de mouvements de femmes au Québec qui sollicitaient d’avoir des sages-femmes, d’avoir accès aux sages-femmes. Ça battait vraiment fort dans ces années-là, avant que je parte. D’ailleurs, je ne suis pas allée me faire former comme sage-femme par hasard non plus. »

« J’avais eu accès, comme infirmière en salle d’accouchement, à ce type de débat-là, à Québec et de là, j’avais connu la profession de sage-femme, puis je m’étais dit, « ça m’intéresse de faire ça » , alors je suis partie en Europe parce qu’il n’y en avait pas au Québec. »

Le travail de madame Gagnon aura ainsi permis de démontrer que les femmes autochtones pouvaient accoucher dans leur communauté, en sécurité, grâce aux grilles d’évaluation des risques qu’elle aura conçue lors de la mise sur pied de la maternité.

Un projet pilote et un passage à l’Assemblée nationale

« Quand je suis partie, l’une de mes collègues qui était membre de l’Association des sages-femmes du Québec, des militantes à l’époque qui faisaient beaucoup de naissance à domicile, puisqu’il n’y avait aucune sage-femme reconnue légalement au Québec – à part moi qui pratiquais dans le Grand Nord – elle m’a mis dans les mains le projet sur la pratique sage-femme en projet pilote et quand j’ai lu ça, c’était signé par madame Lavoie-Roux, la ministre. »

« Quand j’ai vu ça, je me suis dit qu’ils ne pouvaient pas faire ça comme ça. Ils ne pourraient jamais évaluer la pratique. Alors ma collègue m’a demandé d’aller à l’Assemblée nationale. Honnêtement, je ne savais pas trop ce que c’était l’Assemblée nationale, mais j’ai dit oui, comme j’étais la seule à avoir une expérience pertinente. »

« Je suis allé à l’Assemblée nationale pour donner mon point de vue. J’avais la notoriété d’être la sage-femme qui avait mis sur pied la pratique dans le Grand Nord. Une pratique qui avait été évaluée et qui avait des résultats épatants, étonnants même. Et en plus, je formais des sages-femmes autochtones. »

Une expertise qui se faisait remarquer

« Après être passée par l’Assemblée nationale, j’ai eu un appel du ministère de la Santé, me demandant d’être consultante experte pour le gouvernement sur la question des sages-femmes. »

« C’est là qu’a commencé un engagement qui nous a finalement conduit à la réalité des projets pilotes au Québec. J’ai été présidente du Comité d’admission à la pratique. J’ai géré avec le Collège des médecins. Il n’y avait pas d’infirmières là-dessus, ça m’a toujours étonné, mais tous les représentants des groupes médicaux y étaient. J’ai géré particulièrement la question des compétences des sages-femmes, comme déterminer de quelles compétences une personne devait pouvoir faire preuve pour être reconnue. »

C’était un vrai processus d’examen que madame Gagnon mettait en place. À la suite de tout ça, la pratique sage-femme a commencé au Québec.

Une dame impliquée

Madame Gagnon aura non seulement contribué de façon considérable à l’instauration de la profession de sage-femme au Canada, elle aura aussi multiplié ses implications dans le milieu. Elle a aidé à la mise en place de la Maison de naissance Colette-Julien et elle est la présidente du Conseil d’administration de la Maison Accueil-Maternité.

Malgré son parcours qui sort de l’ordinaire, elle ne minimise pas pour autant l’importance de l’organisme.

La Maison Accueil Maternité (Photo Alexandre D’Astous – Journal Le Soir)

« J’ai toujours eu des commentaires positifs de la part des femmes qui fréquentaient l’Accueil. J’ai pensé que je pourrais être utile comme bénévole. C’est vraiment un service de répit et de soutien et c’est tellement valable de faire ce genre de choses là. On ne peut pas seulement éduquer les gens et tenter de leur enseigner des choses. Il faut aussi écouter leur vécu et les aider à traverser leur quotidien quand c’est trop dur. »

« Monsieur Rioux, l’un des membres fondateurs, qui a été président du conseil d’administration pendant 15 ans, prenait sa retraite. J’ai donc accepté la présidence de l’Accueil, pour aider la transition. Il y a des choses qui doivent changer, notamment du côté du financement », conclut madame Gagnon.

Hommage de Louise Ringuet

À titre de présidente du Journal Le Soir, je tenais à souligner cette première Journée internationale des droit des femmes sous ma direction et celle de mes associés Olivier Therriault et Martin Ayotte Cummings.

Nous sommes rendus là. À une époque d’efforts plus ou moins réussis pour favoriser la diversité et l’intégration, nous sommes rendus avant tout au point où tous doivent appuyer la force de l’exemple.
Et si nous sommes « rendus là » et pas seulement « rendues là », c’est en raison de l’existence de femmes comme celle que je considère une grande source d’inspiration.

Excellence et conviction

Je veux témoigner de l’excellence de cette femme de conviction comme une grande humaine; comme une passionnée, empreinte de son expérience. Ma chère amie Johanne, chapeau non seulement pour ta contribution à la santé des femmes, mais pour ta contribution à notre vie, tous ceux qui t’entourent.
Aujourd’hui, encore, Johanne, une mère de cinq merveilleux adultes, est une personne qui donne. Tant par ses implications que par son expérience.

Qui est cette femme pionnière et qui a marqué l’histoire en amont? Qui a offert à de nombreuses femmes d’accoucher avec un accompagnement sain, dans un environnement serein?

C’est pour moi une grande dame qui cultive ses connaissances sur tous les sujets. C’est une femme de tête et une femme qui rayonne. Sa présence est magique. Chaque fois que je suis en compagnie Johanne, une autre femme vient nous voir pour nous dire que c’est elle qui a aidée à mettre au monde son enfant. Et c’est toujours une expérience magnifique, lumineuse!

Elle est enveloppante et charismatique, cette femme, malgré tout le sérieux dont elle peut faire preuve, lorsque nécessaire.

Mon amie, au nom de tous : merci. Nous t’aimons.

Louise Ringuet

Facebook Twitter Reddit