Blocage des nouvelles par Meta: « scandaleux » crie la FPJQ
La présidente de la FPJQ section Est-du-Québec s'inquiète pour l'accès à l'informationLa présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), section Est-du-Québec, Johanne Fournier, s’inquiète sérieusement pour le droit des citoyens à l’information après que Meta ait mis à exécution ses menaces de bloquer les nouvelles sur ses réseaux sociaux.
La compagnie-mère de Facebook et Instagram a commencé, en début de semaine, à bloquer les contenus journalistiques sur ses plateformes, une décision prise en réaction à la Loi C-18 d’Ottawa, qui vise à forcer les géants du web à indemniser les médias d’information pour le partage de leurs articles.
Johanne Fournier qualifie de « scandaleuse » la situation actuelle, dans laquelle une opulente entreprise étrangère fait sa loi, chez nous, comme à l’époque du Far West.
« Ça m’inquiète beaucoup. C’est quand même une multinationale milliardaire, qui s’est accaparée 80% des revenus publicitaires des médias traditionnels et qui dit: vous autres au Canada, faites ce que vous voulez, passez les lois que vous voulez, on ne les respectera pas de toute façon », s’indigne-t-elle.
Madame Fournier estime que Mark Zuckerberg et Meta sont de médiocres citoyens corporatifs.
« L’argent est tout ce qui compte à leurs yeux. Pourtant, les réseaux sociaux ne génèrent même pas de contenu eux-mêmes. Ils n’ont aucune salle de nouvelles, ça fait longtemps qu’on (les journalistes) les alimentent en contenu et ils n’ont jamais payé leur dû », croit la présidente régionale de la FPJQ.
C’est l’ensemble des 24 millions d’utilisateurs canadiens qui seront affectés par cette décision critiquée par toute la classe politique.
Un incubateur à fake news
La présidente de la FPJQ section Est-du-Québec craint que la disparition des médias d’information sur les plateformes de Meta favorise la prolifération encore plus intensive de la désinformation au sein de la population.
« Ça laisse place à toutes les formes de désinformation possible, un fléau contre lequel Meta agit très peu. Les fake news vont prendre encore plus de place dans la sphère publique et 30% des utilisateurs Facebook disent s’informer uniquement sur Facebook. L’information partagée par les journalistes traditionnels est un pilier de la démocratie. Plus on est informé, plus on est libre », indique-t-elle.
Même si un boycott citoyen s’installe au Canada, Johanne Fournier ne croit pas que l’exode de ces utilisateurs ne soit suffisant pour faire plier le géant du web, même si le geste est louable et utile à un certain degré.
« Je ne pense pas que Meta perdrait une part substantielle de revenus. Les nouvelles en provenance du Canada représentent environ 3% du contenu journalistique sur leurs plateformes, donc ça reste négligeable pour eux et de toute façon, je ne suis pas certaine que les gens vont arrêter de consulter Facebook. Ils vont continuer à y aller et ils vont devenir plus vulnérables à la désinformation et à la publicité ciblée, voire même frauduleuse. D’ailleurs, Meta ne fait rien contre ces fausses compagnies puisqu’elles paient pour être hébergées sur leurs sites. »
D’autres leviers financiers peuvent toutefois être utilisés selon elle.
« On (FPJQ) dit à tous les paliers du gouvernement et aux grandes entreprises canadiennes: arrêtez de vous annoncer sur ces plateformes, arrêtez d’investir dans une compagnie qui se fout de nous, qui nous rit dans la face et qui intimide notre gouvernement au lieu de négocier », plaide Johanne Fournier.
La Ville de Rimouski a d’ailleurs cessé ses publicités sur Facebook et Instagram.
Rien de nouveau sous le Soleil
Une situation comme celle que l’on vit présentement au Canada avec Meta n’est toutefois pas sans précédent et des solutions rationnelles existent, comme le rappelle la présidente de la FPJQ.
« L’Australie a fait la même chose qu’Ottawa pour l’indemnisation des médias et Meta a eu la même réaction en 2021. Au bout d’un certain temps, il y a eu une entente. On parle de revenus autour de 180 millions qui sont contournés vers Meta et que ne touchent pas les médias canadiens. Pour une multinationale multimilliardaire, ce n’est pas grand chose, mais pour les médias traditionnels, c’est énorme. On ne veut qu’un pourcentage de cette somme. Déjà un 5 à 10% aiderait grandement nos médias et empêcherait de nouvelles coupures massives. »
Johanne Fournier et la FPJQ recommandent aux lecteurs et lectrices de nouvelles de consulter directement les sites web officiels des médias d’information, de télécharger leurs applications mobiles et de s’abonner à leurs infolettres.