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Finance, économie et investissement

L’incidence cachée des hausses de taux d’intérêt sur le prêt hypothécaire à taux variable

Le conseiller associé en gestion de patrimoine Pier-Luc Perreault, de l’Équipe René Gagnon

Vous connaissez probablement un ami, un membre de votre famille ou une voisine qui a signé un prêt hypothécaire à taux variable dans les dernières années. En 2021 et au début de 2022, il a été très populaire, car son taux était nettement plus bas que celui des prêts à taux fixe.

Selon les données de Statistiques Canada, les prêts à taux variable représentent le tiers des quelque 1 500 milliards de dollars canadiens de prêts hypothécaires résidentiels contractés auprès des banques canadiennes. 

Au Canada, près de 75 % des prêts hypothécaires à taux variable sont remboursés par versements fixes. Ainsi, si les taux d’intérêt augmentent, une plus grande partie du montant versé sert au paiement des intérêts du prêt plutôt qu’au remboursement du principal, prolongeant ainsi la période d’amortissement. 

Au cours des derniers trimestres, les taux d’intérêt ont augmenté substantiellement. Les versements fixes de plusieurs personnes ayant choisi ce type de prêt couvrent uniquement les intérêts, aucun dollar n’est appliqué sur le capital.

Donc, le solde du prêt ne diminue pas, même avec des paiements réguliers. Dans d’autres cas, les versements fixes ne sont même pas assez élevés pour couvrir les intérêts. C’est ce qu’on appelle l’« amortissement négatif ».

Puisque le paiement du prêt est inférieur aux intérêts à payer, le solde du prêt augmente. Un solde de prêt en hausse ainsi que des taux d’intérêt qui risquent d’être plus élevés au moment du renouvellement devraient réduire considérablement le revenu disponible des consommateurs pour les autres dépenses de la vie courante.  

L’amortissement négatif pour les banques canadiennes

La Banque de Montréal (BMO), la Banque Toronto-Dominion (TD) et la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC) ont récemment révélé que leur clientèle ayant contracté un prêt hypothécaire résidentiel avait augmenté d’environ 18 % depuis le début 2019, soit un total de près de 130 milliards de dollars de prêts.

Parmi ces clients, plusieurs vivent une situation où les soldes impayés augmentent parce que les paiements mensuels ne couvrent plus la totalité des intérêts dus.

Voici un indicateur clair des conséquences de la hausse des taux d’intérêt et de la pression financière exercée sur les emprunteurs et les emprunteuses.

La Banque Royale du Canada (RBC) et la Banque de Nouvelle-Écosse (Scotia) ne permettent quant à elles pas de prêts hypothécaires pouvant entraîner un amortissement négatif. 

Une durée de remboursement supérieure à 30 ans

Selon Royce Mendes, économiste chez Desjardins, plus de 20 % du portefeuille hypothécaire des six grandes banques canadiennes avait une durée de remboursement supérieure à 30 ans au premier trimestre de 2023, contre environ 2 % il y a un an.

Certaines banques sont particulièrement exposées aux hypothèques de plus de 30 ans, notamment BMO, la TD, RBC et la CIBC. Chez d’autres banques, seule une très petite partie des prêts hypothécaires sera entièrement remboursée après 30 ans.

Parmi celles-ci, on note la Scotia et la Banque Nationale, qui proposent des remboursements variables et répercutent les taux d’intérêt élevés sur l’emprunteur. C’est donc dire qu’elles n’offrent pas d’extension hypothécaire. 

Parlons des risques

Selon les prévisions de la Banque du Canada (BDC), il se pourrait que les taux d’intérêt restent élevés au cours des prochaines années.

Cela soulève des questions sur la capacité des emprunteurs et des emprunteuses à rembourser une dette plus importante et à des taux plus élevés lors des renouvellements. Bien qu’il y ait d’autres facteurs à prendre en considération, toutes choses étant égales par ailleurs, cela pourrait augmenter le nombre de ventes forcées, déprimer le marché immobilier ou entraîner une augmentation des prêts impayés.

Puisque aucune banque n’est dans l’industrie financière pour reprendre des résidences provenant de créances douteuses, elles préfèrent trouver des solutions avec les emprunteurs et les emprunteuses, comme prolonger les périodes d’amortissement hypothécaire pour réduire le nombre de personnes en défaut de paiement. 

Le fameux test de résistance

Récemment, les grandes banques ont déclaré que la majorité de leur clientèle est en mesure de faire face à des taux d’intérêt plus élevés, car elle a réussi un test de résistance rigoureux pour gérer des taux d’intérêt plus élevés.

Ce test de résistance est établi grâce à deux rapports : l’amortissement brut de la dette (ABD), qui ne doit pas dépasser 39 % du revenu brut du ménage, ainsi que l’amortissement total de la dette (ATD), qui ne doit pas dépasser 44 % du revenu brut.

Oui, vous avez bien lu. Ces ratios, servant de test de résistance pour accorder les prêts hypothécaires aux emprunteurs, sont calculés à partir du revenu brut, soit ce qui est gagné avant les retenues à la source et autres déductions, comme les impôts.

Est-ce réaliste de croire que le revenu brut est réellement ce qu’il reste dans les poches des ménages pour payer les différentes dépenses, dont les prêts hypothécaires? Cela dit, tout porte à croire que ce test de résistance surestime la capacité de payer des Canadiens et Canadiennes. 

En conclusion

Avec la situation économique actuelle, les banques centrales estiment que le niveau des taux d’intérêt devrait rester élevé pour encore quelque temps. Petit à petit, les politiques restrictives à l’échelle mondiale commencent à peser sur le portefeuille des consommateurs.

Sachant que l’achat d’une propriété représente normalement une des plus grandes dépenses des ménages, ceux-ci subiront nécessairement, à court et à long terme, les contrecoups des taux d’intérêt élevés. Pour plusieurs, il semble que le prix initialement payé pour leur maison devienne plus élevé à mesure que des paiements seront faits.

Comme personne n’aime payer dans le vide, les décisions sous-jacentes aux renouvellements de prêts hypothécaires devront être prises avec une extrême précaution.

Cela étant dit, vous ne devriez pas hésiter à poser les bonnes questions à votre conseiller ou conseillère afin de bien comprendre les implications du renouvellement de votre prêt sur la santé de votre patrimoine financier. 

Pier-Luc Perreault, M. Sc.

Conseiller adjoint en gestion de patrimoine, Équipe René Gagnon

Sources :

Balu, N., & Smith, F. (2023b, juin 27). How risky is it to extend Canadian mortgage amortizations ? Reuters. https://www.reuters.com/markets/how-risky-is-it-extend-canadian-mortgage-amortizations-2023-06-27/

Murchison, S. (2022). Prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes : les taux limites sous la loupe. Banque du Canada. https://doi.org/10.34989/san-2022-19

Qu’est-ce que le test de résistance canadien pour les prêts hypothécaires ?  (s. d.). Posts. https://www.scotiabank.com/ca/fr/particuliers/conseils-plus/articles-de-fonds/posts.quest-ce-que-le-test-de-resistance.html

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