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Finance, économie et investissement

Fini l’attente : la Réserve fédérale américaine bouge enfin 

Les répercussions sur le marché boursier et obligataire
Pier-Luc Perreault, René Gagnon et Benoit Arsenault de l’Équipe René Gagnon, Valeurs mobilières Desjardins

La réouverture de l’économie mondiale post-COVID-19 a confronté de nombreux pays à une inflation considérable. Les États-Unis ont particulièrement ressenti cette pression, avec un taux d’inflation culminant à 9,1 % en juin 2022, le plus élevé depuis plus de quarante ans.

Pour freiner cette hausse des prix et la surchauffe économique, la Réserve fédérale américaine (Fed) a mis en oeuvre une politique monétaire restrictive, augmentant ses taux d’intérêt jusqu’à un niveau de 5,25-5,50 %, le plus élevé depuis l’an 2000.

Après avoir maintenu le statu quo depuis juillet 2023, la Fed a finalement décidé d’intervenir.

Le 18 septembre dernier, elle a annoncé une réduction de 50 points de base (0,50 %), sa première baisse en quatre ans, indiquant un tournant décisif dans sa stratégie face à l’inflation.

Cette réduction place désormais la fourchette cible de la Fed entre 4,75 % et 5 %. 

Le niveau des taux d’intérêt est un facteur important dans l’économie et une décision comme celle que vient de prendre la Fed se doit d’être bien comprise.

L’important n’était pas de savoir si la banque centrale américaine allait baisser sa fourchette cible, mais plutôt quel allait être le message véhiculé à la suite de l’annonce. 

La décision de la Fed 

Avant la réunion du 18 septembre, les investisseurs étaient partagés sur l’ampleur de la baisse des taux, oscillant entre 0,25 % et 0,50 %.

Les prévisions du marché ont varié considérablement jusqu’à la dernière semaine avant la décision.

Le matin de la réunion, 59 % des acteurs du marché s’attendaient à une baisse importante de 0,50 %, tandis que 41 % privilégiaient l’hypothèse d’une réduction de 0,25 %.

Ainsi, bien que la décision de la Fed ne soit pas une surprise majeure, elle marque un tournant dans sa stratégie de politique monétaire. 

Cette décision a été prise dans un contexte où l’économie américaine, qui avait démontré une résilience notable, commence à montrer des signes de ralentissement, en particulier sur le marché du travail, avec une baisse marquée de la création d’emplois.

Le taux de chômage a augmenté de 0,8 % (de 3,4 % à 4,2 %) depuis janvier 2023, et la création d’emplois a atteint son rythme le plus lent depuis 2020, tandis que le nombre de postes vacants diminue.

Parallèlement, la mesure préférée de la Fed pour suivre l’inflation se situe autour de 2,5 %, alors que la croissance des salaires est tombée en dessous de 4 %.

Lors de la réunion, le président de la Fed, Jerome Powell, a souligné la nécessité de prévenir un affaiblissement excessif du marché de l’emploi tout en gardant un oeil sur l’inflation.

La Fed s’engage ainsi à équilibrer son double mandat de plein emploi et de stabilité des prix, tout en restant attentive aux nouvelles données et à l’évolution des perspectives économiques. 

Le diagramme de points du FOMC, qui présente les prévisions des membres de ce comité concernant les taux d’intérêt futurs, a révélé peu de changements significatifs, avec une prévision d’une baisse supplémentaire de 50 points de base d’ici la fin de l’année et d’un recul total de 100 points de base en 2025.

Cela suggère que la Fed vise à ramener les taux à un niveau « neutre » d’environ 2,9 % d’ici 2026. Le taux neutre est le taux d’intérêt qui n’est ni restrictif ni favorable : l’atteindre est l’objectif de la Fed. 

Malgré des signes d’optimisme, des incertitudes demeurent.

Les experts mettent en avant le risque d’une inflation qui repart à la hausse ou bien qui tombe sous la cible de 2 % fixée par la Fed, et la possibilité que le marché du travail se détériore davantage.

Les membres de la Fed ont reconnu les avancées réalisées, mais ont également averti que la durabilité de ces progrès reste incertaine.

À ce stade, la question clé n’est pas seulement la rapidité de l’assouplissement, mais la direction que prendra l’économie.

Il est essentiel de déterminer si les risques économiques l’emportent sur les risques d’inflation.

La Fed vise un atterrissage en douceur, mais les investisseurs s’interrogent sur les conséquences d’une réduction trop agressive des taux.

Les enjeux sont importants, et la Fed doit naviguer habilement entre stimulation et prudence. 

Les répercussions sur le marché boursier et obligataire 

La première baisse de taux de la Fed a suscité des réactions contrastées sur les marchés boursiers et obligataires, révélant une dynamique complexe.

D’un côté, le marché boursier a connu une forte hausse, reflétant la confiance dans la croissance des bénéfices et dans la force de l’économie.

Tandis que de l’autre, les déclarations de Jerome Powell et les nouvelles données du diagramme de points ont ajusté les attentes du marché, qui anticipait davantage de baisses de taux. 

Ces dernières décennies, le début des cycles d’assouplissement de la Fed a souvent coïncidé avec des baisses des actions, mais un renforcement du marché obligataire, car la Fed assouplit presque toujours en période de récession.

La seule exception fut dans les années 1990, où les actions ont connu une hausse fulgurante. Les similitudes entre cette période et la situation actuelle sont frappantes : 

  • Une économie américaine forte alors que le reste du monde éprouve des difficultés; 
  • Un énorme boom technologique (provoqué à l’époque par l’Internet et aujourd’hui par l’IA); 
  • Une croissance de la productivité du travail et une désinflation continue. 

La nouvelle a également stimulé le marché des matières premières, avec une remontée des prix des marchandises industrielles et du pétrole, ce qui témoigne d’une perception générale que cette mesure injecte un dynamisme pro-croissance dans l’économie. 

Ainsi, la dynamique actuelle des marchés illustre un équilibre fragile, où la baisse des taux de la Fed est perçue à la fois comme un stimulant économique et comme un signal d’alarme potentiel sur l’état de l’économie.

Les investisseurs doivent naviguer entre ces signaux contradictoires tout en gardant à l’esprit que l’histoire économique récente démontre que les baisses de taux peuvent offrir des occasions, mais qu’elles doivent être interprétées dans le contexte d’une économie mondiale complexe et incertaine. 

Les implications pour le Canada 

La récente décision de la Fed d’abaisser ses taux a des répercussions importantes sur la Banque du Canada, qui a déjà réduit son taux directeur à trois reprises cette année.

Plusieurs économistes anticipent une nouvelle baisse de 50 points de base en octobre, surtout si l’inflation continue de diminuer. Actuellement, le marché évalue à 50 % la probabilité d’une telle baisse ce mois-ci. 

Les données récentes montrent une inflation globale de 1,95 % en août, ce qui est en dessous de la cible de la Banque du Canada.

De plus, la moyenne des mesures de base, qui exclut les éléments les plus volatils comme l’énergie et les aliments, est tombée à 2,38 %. Ces chiffres indiquent que le refroidissement de l’inflation est significatif et dépasse les attentes établies en juillet. Il est à noter que la proportion des composantes ayant une croissance des prix inférieure à 1 % a augmenté, passant de 27 % en décembre 2023 à 47 % aujourd’hui. 

Malgré cela, les dirigeants de la Banque du Canada expriment des préoccupations concernant une potentielle reprise rapide de l’économie, ce qui pourrait entraîner une hausse des prix des maisons et une forte croissance des salaires.

Ces facteurs pourraient les inciter à ralentir les baisses futures des taux. 

Face à une économie qui montre des signes de ralentissement important et un marché du travail fragilisé, la Banque du Canada se doit d’agir rapidement et de naviguer avec prudence.

Alors que la possibilité d’une nouvelle baisse de 50 points de base en octobre est sur la table, il est clair que la situation économique actuelle est loin d’être stable. 

Conclusion 

Les banques centrales, conscientes des erreurs du passé, souhaitent s’assurer que l’inflation est maîtrisée.

La réunion du FOMC de septembre a marqué un tournant décisif pour la politique monétaire américaine, avec une réduction de 50 points de base, soulignant la volonté de la Fed de soutenir l’économie tout en gardant un oeil sur l’inflation et le marché de l’emploi.

Il est essentiel de noter que ce n’est pas la baisse des taux en elle-même qui constitue un risque, mais plutôt le contexte économique dans lequel elle intervient.

Les investisseurs doivent rester vigilants face aux fluctuations du marché et aux orientations de la Fed, car le paysage économique demeure complexe et en constante évolution. 

À l’approche de la fin de l’année, il est crucial de garder à l’esprit que les préoccupations économiques ne sont pas nouvelles.

En début 2023, la plupart des stratèges annonçaient une récession et des marchés en baisse, mais le S&P 500 a finalement progressé de 26,3 %.

Cela démontre que, malgré les inquiétudes, les marchés peuvent parfois surprendre. 

L’équipe René Gagnon, Valeurs mobilières Desjardins 

Sources : 

Cavaliere, V., et Fisher, I. (21 septembre 2024). The Fed’s next big move. Bloomberg. https://www.bloomberg.com/news/newsletters/2024-09-21/the-fed-s-next-big-move 

Chabanas, J. (15 septembre 2024). États-Unis | La Fed prête à baisser ses taux, une première fois depuis 2020. La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2024-09-15/etats-unis/la-fed-prete-a-baisser-ses-taux-une-premiere-fois-depuis-2020.php 

Baril, H. (18 septembre 2024). Accélérer ou pas la baisse des taux | La Banque du Canada hésite entre deux scénarios. La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2024-09-18/accelerer-ou-pas-la-baisse-des-taux/la-banque-du-canada-hesite-entre-deux-scenarios.php#:~:text=Les%20dirigeants%20de%20la%20banque%20centrale%20ont%20par%20contre%20%C3%A9voqu%C3%A9,croissance%20des%20salaires%20qui%20persiste 

Agence France-Presse. (14 août 2024). Aux États-Unis, l’inflation revient vers les 2 %, un bon augure pour les taux. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2096820/etats-unis-inflation-taux-interet-fed 

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