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Économie

Bas-Saint-Laurent : la fin des petits commerces

Le quart des localités de moins de 1000 habitants n'ont plus aucun commerce de détail
L’ex-épicerie Bérubé de Saint-Valérien, maintenant fermée. (Photo : Bruno St-Pierre)

La désertification commerciale s’accélère dans les petites municipalités du Bas-Saint-Laurent. Selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec, près du quart des localités de moins de 1000 habitants dans la région ne comptent plus aucun commerce de détail. 

Sur les 73 municipalités de cette taille recensées par le ministère des Affaires municipales, 18 se retrouvent aujourd’hui sans dépanneur, épicerie ou station-service, soit 24,7 %.

La disparition de ces commerces de proximité constitue un signal d’alarme pour la vitalité économique et sociale des villages.

La présence de services de base comme une épicerie ou une station-service fait partie des 17 indicateurs d’occupation et de vitalité des territoires retenus par le gouvernement du Québec.

Ces critères servent à mesurer notamment l’évolution démographique, l’accès à l’emploi, la richesse collective et la qualité de vie.

Une tendance en croissance depuis 20 ans

En 2006, une dizaine des 70 petites localités de la région n’avaient déjà plus de commerce. Depuis, le vieillissement de la population et la baisse démographique ont contribué à l’élargissement de cette catégorie de villages sans services de proximité.

Le phénomène touche désormais toutes les régions du Québec, mais le Bas-Saint-Laurent détient le triste record du plus grand nombre de localités de moins de 1000 habitants.

Les MRC de La Matapédia, de La Mitis et de Kamouraska concentrent à elles seules près des trois quarts des villages considérés comme « dévitalisés » dans la région.

Des impacts sociaux préoccupants

Pour le préfet de la MRC de La Mitis, Bruno Paradis, la situation est critique.

« Dans plusieurs communautés, il devient de plus en plus difficile d’avoir accès à de la nourriture fraîche et de qualité », déplore-t-il. Selon lui, les effets les plus graves de la disparition des commerces de proximité se feront sentir à moyen et long terme. « Cela rend ces localités de moins en moins attractives, surtout pour les jeunes familles. »

Le préfet de la MRC de La Mitis et maire de Price, Bruno Paradis (Photo archives)

Il redoute une spirale de dévitalisation : en l’absence de services, les familles s’installent ailleurs, ce qui accélère le déclin démographique et compromet davantage la survie des villages.

Miser sur les familles pour contrer le déclin

À Saint-Valérien, la fermeture de la seule épicerie du village, survenue à l’automne dernier, a marqué les esprits.

Le maire, Robert Savoie, en reconnaît les impacts, mais comprend aussi les défis auxquels font face les commerçants. « Quand on est à 10 minutes des supermarchés d’un centre urbain, et avec un Costco qui s’en vient, il est extrêmement difficile pour un petit commerce d’assurer sa rentabilité », explique-t-il.

Ce sont les personnes les plus vulnérables, dont les aînés, les ménages à faible revenu ou les citoyens sans moyen de transport, qui souffrent le plus de cette absence de services, surtout dans les villages éloignés.

Le maire de Saint-Valérien, Robert Savoie (Photo Le Soir.ca- Journal Le Soir)

Malgré tout, Saint-Valérien fait figure d’exception dans la région. La population est passée de 830 à 960 habitants en dix ans. Une croissance que le maire attribue à une stratégie proactive axée sur les services aux familles : construction d’un CPE, aménagement d’un centre communautaire, et développement résidentiel. « Aujourd’hui, mon école primaire est à pleine capacité, et il ne reste plus un seul terrain à bâtir dans le village. »

Tendance provinciale en hausse

À l’échelle du Québec, le pourcentage de petites localités sans commerce de proximité est passé de 11 % en 2006 à près de 23 % en 2024, soit plus du double en moins de vingt ans.

Après le Bas-Saint-Laurent, les régions les plus touchées sont Chaudière-Appalaches (59 localités de moins de 1000 habitants) et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

Cette érosion des services de base dans les milieux ruraux soulève des enjeux majeurs d’équité territoriale et pose la question de la responsabilité collective face à l’avenir des petites communautés.

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