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La fin du AAA : que signifie la décote de Moody’s pour les États-Unis et les marchés? 

L'économie américaine traverse actuellement une période de turbulences
Le gestionnaire de patrimoine Benoit Arsenault, Équipe René Gagnon (Photo courtoisie Yvan Couillard)

L’économie américaine traverse actuellement une période de turbulences, caractérisée par une dette publique record, des déficits persistants et de fortes incertitudes politiques. Ce climat tendu a effrité la confiance de l’agence de notation Moody’s. 

Le 16 mai 2025, elle a abaissé la cote de crédit des États-Unis, la faisant passer de Aaa à Aa1. C’est la dernière grande agence de notation à lui faire perdre sa cote parfaite. Standard & Poor’s, en 2011, et Fitch, en 2023, avaient déjà rétrogradé la dette américaine à AA+. 

Moody’s justifie sa décision par une trajectoire budgétaire jugée insoutenable, une polarisation politique de plus en plus prononcée et l’absence de réformes structurelles pour contenir la dette.

L’agence souligne également que cette situation pourrait affaiblir l’attrait des États-Unis en tant que destination privilégiée des capitaux mondiaux et entraîner une hausse des coûts d’emprunt pour le gouvernement fédéral. 

 À quoi sert une cote de crédit souveraine? 

La cote de crédit d’un État évalue sa capacité à honorer ses engagements financiers, notamment le remboursement de sa dette.

Elle constitue un repère essentiel pour les investisseurs, car elle reflète le niveau de confiance que les marchés accordent à la solidité budgétaire d’un pays. Plus la cote est élevée, plus celui-ci est perçu comme fiable, ce qui lui permet d’emprunter à des conditions avantageuses. 

À l’inverse, une dégradation de cette cote, comme celle récemment infligée aux États-Unis, peut entraîner une hausse des taux d’intérêt exigés par les investisseurs.

En effet, une cote plus faible signifie un risque perçu plus élevé, ce qui pousse les créanciers à demander une prime de risque plus importante pour prêter leur argent. 

Historique des décotes américaines : un tournant symbolique 

La perte du triple A par les États-Unis n’est pas un événement isolé, mais l’aboutissement d’un processus entamé il y a plus d’une décennie.

Le 5 août 2011, en pleine crise du plafond de la dette, Standard & Poor’s a été la première des grandes agences à abaisser la cote américaine de AAA à AA+, invoquant l’instabilité politique et l’incapacité du Congrès à s’entendre sur une stratégie budgétaire crédible.

Fitch a suivi le mouvement le 1er août 2023, citant des préoccupations similaires. Enfin, le 16 mai 2025, Moody’s a fermé la marche en retirant à son tour la note parfaite aux États-Unis. 

La décision de Moody’s revêt une portée symbolique forte. Pour la première fois, les États-Unis ne sont plus cotés AAA par aucune des trois grandes agences.

Bien qu’un tel déclassement ne suffise probablement pas à lui seul à ébranler la perception des investisseurs quant à la position dominante de nos voisins du Sud dans le système financier mondial, il pourrait néanmoins marquer un tournant.

Cet événement pourrait avoir des conséquences durables sur la manière dont le risque souverain est évalué, même pour une économie aussi centrale que celle des États-Unis. 

Occasion ou menace pour les investisseurs? 

Les décotes américaines ont historiquement entraîné des épisodes de volatilité sur les marchés financiers, sans toutefois provoquer de krach systémique.

En 2011, à la suite de la décision de S&P, le S&P 500 avait chuté de près de 6,7 % dès le lundi suivant, tandis que le VIX, souvent surnommé « l’indice de la peur », s’était envolé. En 2023, la réaction fut plus mesurée : les marchés ont brièvement reculé avant de se stabiliser.

Plus récemment, en mai 2025, après la décote de Moody’s, les indices ont ouvert en baisse le lundi matin avant de rebondir rapidement, illustrant une certaine résilience malgré l’inquiétude initiale. Ces annonces provoquent souvent des secousses à court terme, mais leur effet s’estompe généralement une fois la nouvelle digérée. 

Depuis le 6 avril, les taux d’intérêt américains à long terme ont connu une nette hausse. Si l’annonce de Moody’s n’a pas été un catalyseur majeur, elle a contribué à maintenir la dynamique haussière déjà en place.

Historiquement, une remontée des taux longs peut coexister avec de bonnes performances boursières, à condition qu’elle reflète une économie en expansion. 

Mais le contexte actuel est différent. Cette hausse ne s’explique pas par un regain de croissance, mais plutôt par une perte de confiance liée à la trajectoire budgétaire des États-Unis ainsi qu’à un climat politique et commercial tendu. Cela modifie profondément la nature du risque.

Dans ce nouvel environnement, les investisseurs doivent composer avec des coûts de financement plus élevé, une volatilité accrue et des flux de capitaux susceptibles de se détourner vers des actifs jugés plus sûrs.

Cela ne signifie pas qu’il faut se retirer des marchés, mais plutôt ajuster ses attentes et ses stratégies : privilégier la qualité, renforcer la diversification et adopter une gestion plus active. 

Conséquences géopolitiques et internationales 

La perte du triple A par les États-Unis soulève des questions sur la position du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

À court terme, ce statut ne semble pas menacé. Il reste dominant dans les échanges internationaux, les réserves des banques centrales et les transactions financières.

Toutefois, si la trajectoire budgétaire américaine continue de se détériorer, certains pays pourraient être tentés de diversifier leurs réserves en se tournant vers d’autres devises ou actifs, comme l’euro, le yuan ou l’or. 

Les États-Unis sont désormais exclus du cercle restreint des pays encore cotés AAA par les trois grandes agences. Parmi les États qui conservent cette distinction figurent l’Allemagne, la Suisse, la Norvège, les Pays-Bas, le Canada, l’Australie, la Suède, le Danemark, Singapour, la Nouvelle-Zélande et le Luxembourg.

Ces pays partagent des caractéristiques communes : une dette publique davantage maîtrisée, une stabilité politique et une forte crédibilité institutionnelle. Cette comparaison met en perspective la situation américaine, dont les bases budgétaires se sont nettement érodées. 

La prime de risque exigée par les investisseurs pour détenir de la dette américaine commence d’ailleurs à se distinguer de celle des pays notés AAA.

Les écarts de crédit entre les obligations américaines et celles de pays comme l’Allemagne ou la Suisse se sont élargis, traduisant une perception de risque plus élevée pour les États-Unis. 

Même si la situation budgétaire des États-Unis s’est récemment détériorée, leur probabilité implicite de défaut demeure faible à l’échelle mondiale.

Actuellement, elle est estimée à 0,79 %. À titre de comparaison, le Canada affiche une probabilité légèrement inférieure (0,66 %), tandis que la Chine est un peu au-dessus (0,89 %). Des pays comme l’Italie (0,91 %), le Mexique (2,02 %) ou l’Afrique du Sud (3,55 %) présentent des niveaux de risque nettement plus élevés, soulignant la position relativement solide des États-Unis malgré les tensions budgétaires récentes. 

Enfin, la montée des taux américains a des répercussions directes sur les marchés émergents. Lorsque les rendements des obligations américaines augmentent, les capitaux ont tendance à quitter les économies en développement pour des actifs jugés plus sûrs.

Cela peut provoquer des tensions sur les devises émergentes, alourdir leur dette libellée en dollars et freiner leur croissance. La décote américaine, en accentuant cette dynamique, pourrait donc avoir des effets systémiques à l’échelle mondiale. 

Conclusion 

La décote de Moody’s n’est pas un simple ajustement technique. Elle reflète une inquiétude croissante à propos de la trajectoire budgétaire américaine et marque la fin d’un symbole : celui d’un État considéré comme infaillible par les marchés. 

Face à cette situation, plusieurs scénarios se dessinent. Dans une perspective optimiste, les autorités américaines pourraient engager des réformes fiscales ambitieuses, maîtriser leurs dépenses et restaurer la confiance des investisseurs. Cela permettrait une stabilisation des taux, voire une revalorisation de la cote souveraine à moyen terme. 

Mais dans un scénario plus pessimiste, l’impasse politique et l’inaction budgétaire pourraient entraîner une hausse durable des coûts d’emprunt, une pression accrue sur la croissance et une érosion progressive de la crédibilité financière des États-Unis. 

Pour les investisseurs, cette situation constitue à la fois un signal d’alerte et une occasion, dont il faut toutefois profiter avec discernement. Naviguer dans ce nouvel environnement exigera plus que jamais de la prudence, de la diversification et une lecture fine des dynamiques macroéconomiques. 

Cordialement, 

Benoit Arsenault, B. COM., CIM 

Gestionnaire de portefeuille 

Gestionnaire principal de patrimoine 

Sources : 

Moody’s Investors Service. (2025, 16 mai). Moody’s downgrades outlook on United States’ credit rating to negative. https://ratings.moodys.com/ratings-news/443154 

Nova, A., & Dickler, J. (2025, 19 mai). What Moody’s downgrade of U.S. credit rating means for your money. CNBC. https://www.cnbc.com/2025/05/19/what-moodys-downgrade-of-us-credit-rating-means-for-your-money.html 

Radio-Canada. (2025, 16 mai). Moody’s abaisse la note de la dette américaine de Aaa à Aa1. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2165763/moodys-abaisse-note-dette-americaine 

World Government Bonds. (2025). Sovereign Credit Default Swaps (CDS) spreads. https://www.worldgovernmentbonds.com/sovereign-cds/ 

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