Costco fait encore les manchettes à Rimouski
Le quotidien Le Devoir s'intéresse à son implantation au Bas-Saint-LaurentLe futur magasin-entrepôt Costco de Rimouski, dont la construction doit débuter ce printemps, fait à nouveau les manchettes. Cette fois, Le Devoir s’intéresse à l’arrivée imminente de la multinationale dans la capitale du Bas-Saint-Laurent.
Une bombe va-t-elle tomber sur la rue principale de Rimouski ? C’est par cette phrase, quelque peu condescendante, que le quotidien montréalaise entame sa couverture de l’incursion de Costco dans l’Est-du-Québec.
Comme l’annonçait le Journal Le Soir en octobre dernier, le conseil municipal a finalement entériné, le 18 décembre, la vente des terrains convoités pas la multinationale, à l’angle du boulevard Arthur-Buies et la Montée Industrielle-et-Commerciale, au coût de 3,4 M $.
Dans ce contexte, les travaux débuteront dans les prochains mois pour une ouverture envisagée au début de 2025. Or, elle pourrait finalement s’effectuer à l’automne 2024, selon nos informations.
« Je crains vraiment que les commerces et les emplois concurrents, non seulement [de Rimouski, mais] de Matane, de Mont-Joli, d’Amqui et de Rimouski, soient cannibalisés par la présence d’un Costco », indique au Devoir le seul élu dissident du conseil municipal, le représentant du district Saint-Germain, Philippe Cousineau Morin, qui craint « un bouleversement majeur dans le tissu commercial ».
« Ce que je déplore, c’est la centralisation régionale du commerce, explique-t-il au Devoir. Je viens de l’extérieur et je l’ai vécue, “la bombe sur la rue principale”, quand je vivais plus loin. Nous devons nous questionner : est-ce que tous les types de développement économique sont bons ? »
Les 10 conseillers municipaux qui ont voté en faveur de la vente des deux terrains à Costco se disent « conscients » des possibles conséquences de l’arrivée du géant sur les commerces de proximité de Rimouski, mais aussi des retombées sur l’assiette fiscale de la Ville.
« Il y a un compte de taxes qui va suivre », a expliqué la conseillère Cécilia Michaud. Selon elle, Costco convoite l’est du Québec et s’y établira, que ce soit à Rimouski ou ailleurs. « Il y a des chances que si nous le refusons, il aille s’installer sur le terrain du voisin. Nous aimons mieux l’avoir dans notre cour. »
Costco « ne tuera pas le petit commerce »
Au centre-ville, l’apparition prochaine d’un Costco au sud-est de Rimouski suscite une appréhension mesurée.
« Ce serait hypocrite de dire que ça n’aura aucun impact », affirme au Devoir Geneviève Gagnon, copropriétaire de la librairie Vénus. « Je pense par contre que le Costco va surtout attirer des gens qui ne viendraient pas au centre-ville de toute façon. »
La libraire estime compter sur une clientèle qui lui demeurera fidèle malgré l’arrivée du géant du commerce. « C’est sûr que nous ne pouvons pas du tout accoter les prix qu’offre Costco », renchérit-elle. « Par contre, ce sont des piles de livres qu’il propose : il n’y a aucun service, aucun conseil. »
Professeur titulaire à l’école des sciences de gestion de l’UQAM, Benoit Duguay est d’avis que dans le commerce, les David peuvent cohabiter avec les Goliath.
« Un hypermarché comme Costco ne peut pas offrir un service à la clientèle comme le fait un petit marchand local. C’est comme Amazon : cela a des avantages, c’est certain, mais ça ne va pas tuer le petit commerce », illustre le professeur. « À preuve : j’ai voulu m’acheter des chaussures sur Amazon et il a fallu retourner la boîte trois fois parce que la commande ne correspondait pas à ce que j’espérais. »
Monsieur Duguay insiste sur le côté « très positif » d’une grande bannière aux prix bradés pour une population éprouvée par la hausse du coût de la vie. « Les gens sont étouffés, et un joueur comme Costco qui arrive avec des prix coupés offre la possibilité de réaliser des économies substantielles », explique-t-il.
« Pas le temps des guerres de clocher »
Maintenant que la Ville a entériné la vente des terrains convoités par Costco dans la Cité des Achats, les citoyens de Rimouski feraient une grave erreur de déchirer leurs chemises sur la place publique dans les différentes étapes à venir d’ici la construction du magasin-entrepôt, a prévenu le directeur général de la Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette, Jean-Nicolas Marchand.
Dans un communiqué envoyé aux médias avant Noël, monsieur Marchand a été catégorique sur sa pensée vis-à-vis l’arrivée de Costco.
« La décision est prise. Le débat a été fait. Ce n’est plus le temps des guerres de clocher. Pourquoi ne verrons-nous pas l’arrivée de Costco comme une occasion exceptionnelle pour notre économie? Des petits joueurs pourraient devenir des fournisseurs. Les consommateurs de l’extérieur deviendront des clients de nos entreprises. Rimouski pourrait travailler sur la mise en marché des petits joueurs », estimait à ce moment Jean-Nicolas Marchand.
Main d’oeuvre et salaires
Plusieurs entrepreneurs consultés par le Journal Le Soir expriment leur crainte par rapport à la perte de main-d’oeuvre au profit de Costco.
Le futur magasin-entrepôt pourrait embaucher jusqu’à 250 employés avec d’excellents salaires pouvant avoisiner les 25 à 30 $ de l’heure.
« Des impacts sont à prévoir, mais des programmes gouvernementaux sont disponibles. Nous avons un an pour nous préparer avant l’ouverture. L’entrepreneur inquiet peut nous contacter pour préparer un plan de match. Costco galvanisera notre secteur commercial, mais la clientèle des plus petits joueurs ne disparaîtra pas pour autant. Il est aussi crucial de développer rapidement du logement pour accueillir les nouveaux travailleurs », commente Jean-Nicolas Marchand.