Québec « chasse » les usagers de leur forêt pour l’exploiter!
Analyse du nouveau régime forestier déposé par la ministre Maïté Blanchette Vézina
Avant de déposer son nouveau régime forestier, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, aurait dû regarder derrière l’arbre qui lui cachait une forêt publique où s’active des milliers de gestionnaires fauniques et d’usagers, des territoires structurés; 63 zecs et 500 pourvoiries, notamment.
Si Québec déroule le tapis rouge à l’industrie forestière, les gestionnaires de la forêt publique sont rouges de colère.
Les usagers seront privés de leur accès aux activités fauniques, dans des zones qui seront totalement réservées à l’exploitation accrue de la forêt.
Deux jours après le dévoilement du nouveau régime forestier, un front commun s’est vite opposé à « une réforme à sens unique qui favorise l’industrie forestière ».
Des espaces en forêt seront divisés en trois zones: aménagement forestier prioritaire, de conservation et à usages multiples.

« Des chasseurs pourraient partiellement avoir accès à ces zones entre les saisons des coupes de bois. Rien ne pourra nuire aux activités de l’industrie forestière dans ces zones. Aucune installation prévue pour la chasse ou la pêche; pourvoiries, chalets et zecs, ne pourra apparaître sur ces terres publiques », a dit la ministre aux propos rapportés par Nicolas Lachance, du Journal de Québec.
Et la collaboration avec les forestiers ?
Le président du Réseau Zec, Guillaume Ouellet, est sous le choc.
« Il n’y pas une zec qui va se retrouver dans une zone d’aménagement forestier prioritaire. La majorité des zecs sont près des scieries. On peut-tu garder notre place dans cette forêt publique et protéger les écosystèmes. J’en reviens pas de me faire demander par un préfet : « Pourquoi tu es contre le nouveau régime forestier ? ». Eille ! Élargis ta vision ».
Et il ajoute : « Et qu’est-ce qui va arriver avec les forestiers avec qui nous avons toujours eu de bonnes relations et très bien collaboré ensemble, comme sur la ZEC-BSL, entre autres », s’interroge Guillaume Ouellet.

Le réseau qu’il préside compte 63 zecs, occupe 48 000 km2 de territoire, compte 41 000 membres, des retombées économiques de 300 M$ par an, réinvestis dans sa mission, et qui soutiennent 4 000 emplois en région.
« La mission des zecs est de conserver et de mettre la faune en valeur et donner un accès équitable au territoire. Le projet de loi 97 qui veut réformer notre forêt, ne reconnaît ni notre valeur, ni son potentiel de développement. Nous n’avons pas l’impression d’avoir notre place dans la planification de l’aménagement du territoire », estime Guillaume Ouellet.
Le bois d’abord
« Ce projet 97 donne trop de pouvoirs à l’industrie forestière, sans réfléchir à la gestion faunique durable. Les consultations hermétiques ont exclu utilisateurs et gestionnaires de la forêt. Les chasseurs, pêcheurs et adeptes de plein air, seront exclus des zones et de la gestion des forêts publiques, et leur accès limité. Pire, les habitats fauniques vont se dégrader. Tout pour nuire à la vitalité économique de la chasse, de la pêche et du plein air en région », tranche Marc Renaud, de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs, fort de 150 000 membres.

« C’est une réforme déséquilibrée, qui accorde toute la priorité à l’approvisionnement industriel du bois au détriment des autres vocations du territoire. C’est un recul historique », a rétorqué le directeur général de la Fédération des 330 pourvoiries du Québec, Dominic Dugré, dans le Journal de Québec.
« En interdisant les installations de chasse et de pêche sur les terres publiques pour privilégier les coupes forestières, le gouvernement Legault fait fi de ce moteur économique ».
Pourtant…
Or, les activités de chasse, de pêche et de piégeage au Québec intéressent pourtant le ministère des Ressources naturelles et des Forêts.
« Ces activités sont pratiquées annuellement pas un million d’adeptes, qui y consacrent 1,6 G$ en dépenses par année, des retombées économiques de 946 M$, dont 187 M$ en revenus fiscaux pour Québec, permettant le maintien ou la création d’au moins 12 000 emplois ».
C’est ce que précise le ministère des Ressources naturelles et des Forêts dans son « Bilan quinquennal de l’aménagement durable des forêts 2018-2023 ».
Et de poursuivre ce même bilan : « L’étude des retombées économiques sera dorénavant entreprise une fois tous les trois ans et permettra d’élargir l’acquisition de connaissances pour inclure de nouveaux sujets d’intérêt, comme l’observation de la faune et la valeur économique des activités de plein air »…