Absolution pour avoir révélé l’identité de Catherine Fournier
Procès pour agression sexuelle de l’ex-député Harold LeBel
Le juge Martin Gagnon n’a pas cru un mot du témoignage de Sylvain Fortin, accusé d’avoir enfreint une ordonnance de non-publication prononcée en 2022 lors du procès de l’ex-député Harold LeBel pour agression sexuelle. Le magistrat a déclaré le résident de Terrebonne coupable de l’accusation, mais s’est rendu à la demande de son avocat en lui donnant une absolution inconditionnelle.
C’est le verdict que le juge a rendu mardi au palais de justice de Rimouski.
Le juge Gagnon a notamment tenu compte que le sexagénaire n’a pas d’antécédents judiciaires, qu’un casier judiciaire nuirait lourdement à sa carrière et qu’il a toujours été un actif pour la société.
Tout au long du procès de l’ex-député péquiste qui s’est tenu à Rimouski les 7, 8 et 9 novembre 2022, le juge Serge Francoeur a répété à de nombreuses reprises l’ordonnance de non-publication visant à protéger l’identité de la victime.
Le 9 novembre, Sylvain Fortin a écrit à la suite d’une publication du journal Le Devoir sur Twitter, accompagnée du lien d’un article portant sur le procès. L’homme a affirmé ne pas l’avoir lu.
« Catherine Fournier a eu peur de porter plainte à la police, mais n’a pas eu peur de s’étendre dans le lit d’Harold LeBel », a-t-il commenté.
Or, un utilisateur du réseau social, connu aujourd’hui sous le nom de X, lui a souhaité d’être poursuivi pour avoir transgressé l’ordonnance de non-publication.
M. Fortin a alors répondu à cet utilisateur, dont le pseudonyme est Matante Élite: « Je te souhaite une bonne claque sur la gueule. »
Lorsque son interlocuteur l’a informé qu’il trouvait son attitude inacceptable, M. Fortin a rétorqué: « Mange un char de marde ». Le soir même, il a retiré sa publication portant sur la victime.
Le sergent Martin D’Amours du poste de la Sûreté du Québec (SQ) de Rimouski-Neigette a reçu le mandat, le 10 novembre 2022, de faire enquête sur cette affaire.
Invitation déclinée
Sylvain Fortin a plaidé qu’il n’était pas au courant de l’ordonnance de non-publication. Il a indiqué l’avoir appris en mars 2023 au moment où une policière de la SQ du poste de Mascouche l’a contacté.
Celle-ci lui a proposé de se rendre au poste de police. «Comme je n’étais pas obligé, j’ai décliné l’invitation», a affirmé le sexagénaire.
Trois enquêteurs de Rimouski, assistés de policiers et de techniciens en informatique, ont fait une perquisition au domicile de l’homme le 11 octobre 2023.
Le procureur de la Couronne lui a d’ailleurs posé des questions sur la déposition qu’il a enregistrée à ce moment-là. Mais, l’accusé a dit qu’il n’avait jamais lu ces documents.
« J’avais mes deux enfants qui étaient terrorisés de voir autant de policiers chez moi, a-t-il fait savoir. J’ai apposé ma signature pour qu’ils puissent sacrer leur camp! »
Réprimandes du juge
L’accusé a semblé très agacé par certaines questions de l’avocat de la poursuite.
« Si vous n’avez pas bien fait votre travail, ce n’est pas mon problème », a-t-il dit à Me Alex Turcotte de façon autoritaire. Le magistrat l’a alors interrompu: « Monsieur, votre réponse est impolie », lui a-t-il indiqué.

Le Terrebonnien a aussi allégué que l’enquêteur au dossier s’était contredit.
« J’ai 62 ans et c’est la première fois qu’une accusation bidon en matière criminelle est portée contre moi », a-t-il soutenu, visiblement insulté. Le juge Gagnon est revenu en haussant le ton: « Monsieur, vous esquivez la question! »
Verdict
Pour le magistrat, M. Fortin avait assez d’information pour être au fait de l’ordonnance de non-publication, notamment dans l’article du Devoir. Il croit que l’accusé a été insouciant.
De plus, un utilisateur de la plateforme Twitter lui a parlé de l’ordonnance et il a poursuivi ses commentaires.
« Le tribunal considère que le témoignage de l’accusé est invraisemblable et peu fiable, a-t-il soulevé. Je ne le crois pas quand il dit qu’il a appris l’ordonnance en mars 2023. »
Le magistrat ne lui accorde pas plus de crédibilité quand il a dit avoir signé la déposition pour que les policiers partent de chez lui, sans qu’il l’ait lue. Il ne le croit pas plus quand il a dit qu’il n’avait pas lu l’article du Devoir, alors que, selon lui, il y a un lien étroit entre celui-ci et son commentaire.
« Cette publication était intentionnelle, a avancé le juge. L’accusé l’a fait de son propre chef, en toute connaissance de cause. J’estime que toute personne raisonnable aurait dû savoir qu’il y avait une ordonnance de non-publication. Les médias n’ont jamais publié le nom de la victime. L’accusé discrédite la victime et j’estime qu’il savait très bien ce qu’il faisait. »
Pour lui, la publication de l’accusé est tout aussi discordante. «Il dit qu’il réprouve complètement les agresseurs sexuels, alors que, dans son commentaire, il attaque directement la victime.»
Le magistrat a fait savoir à M. Fortin que le crime commis est important.

« Vos propos étaient déplacés et démontrent certains traits de caractère chez vous. Votre frustration pendant le procès démontre bien que ce sont des choses avec lesquelles vous avez de la difficulté à vivre. Vous n’avez pas continué à perpétrer votre crime. Le soir même, vous avez retiré votre commentaire. À 62 ans, vous avez une vie exemplaire. Pas celle d’un ange, mais celle d’un citoyen respectueux. Mais, vous avez commis un geste de folie de quelques minutes. »
M. Fortin a informé le juge qu’il avait un fils trisomique qui avait besoin de lui. Ayant fondé et présidé la Maison Anne et Charles de Gaulle pendant 20 ans, un organisme venant en aide aux personnes atteintes de trisomie 21 et à leur famille, l’inculpé est « une personne de bonne moralité », a estimé le juge.
Après avoir versé un don de 1000$ au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), Sylvain Fortin a obtenu une absolution inconditionnelle.
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