L’isolement des personnes en situation de pauvreté s’accentue
Les temps sont durs pour la plupart des Québécois en raison de la crise sanitaire du coronavirus, mais il semble qu’ils le sont encore davantage pour les personnes en situation de pauvreté.
C’est ce que croit le coordonnateur de l’organisme Action populaire Rimouski-Neigette, Michel Dubé, à la suite de l’ouverture exceptionnelle aux étudiants de certains services dans les bibliothèques municipales de Rimouski. Monsieur Dubé a réagi vivement hier, quand la Ville de Rimouski a fait cette annonce. Selon lui, les personnes en situation de pauvreté devraient aussi bénéficier de cette mesure spéciale due à la pandémie.
« Pourquoi exclure les personnes en situation de pauvreté et les personnes âgées de cette mesure? On a constaté que la fermeture de la bibliothèque le printemps dernier avait accentué l’isolement d’un bon nombre de citoyens. Plusieurs n’ont pas Internet ou le téléphone. C’est une bonne nouvelle pour les étudiants, mais ça aurait dû être plus large », a déploré monsieur Dubé.
Pas tiré de leçons
« Je suis intervenu auprès de la Ville de Rimouski pour expliquer ma déception. J’ai été très bien accueilli et j’ai appris que ce n’était pas possible, parce que la mesure pour les étudiants relève d’un décret du gouvernement du Québec dans le contexte de la crise sanitaire. On dirait que le gouvernement n’a vraiment pas tiré de leçons du premier confinement et de la première vague de COVID-19 au sujet des personnes en situation de pauvreté. Je crois que la Ville est de bonne foi et que si elle le pouvait, elle rendrait les bibliothèques accessibles à tout le monde », constate Michel Dubé.
Le problème est que les services disponibles à la bibliothèque Lisette-Morin, au centre-ville, surpassent de loin le simple prêt de livres et qu’ils sont très utiles aux personnes en situation de pauvreté.
Isolement
« On fait beaucoup plus qu’aller chercher des livres. Il y a des postes Internet où on peut obtenir des informations et des services. Il y a plein de gens qui sont en démarche de réinsertion sociale et qui n’ont pas les moyens d’avoir Internet. Les gens y vont de plus en plus et c’est rendu quotidien. J’ai été témoin de la hausse de l’achalandage depuis que les services sont gratuits. J’y vais moi-même avec ma famille. Avant, c’était souvent vide. Maintenant, ça grouille de monde tous les jours. On a vraiment augmenté le nombre de postes Internet et c’était devenu un lieu qui contribuait à réduire l’isolement social », renchérit monsieur Dubé.
« Depuis le début de la pandémie, quand la bibliothèque a été fermée, une foule de gens se sont retrouvés sans Internet, sans téléphone, qui ont de la difficulté à s’informer et à communiquer, parfois avec leurs proches ou leurs intervenants. Nous avons une cellule de soutien aux services communautaires et nous avons recommandé que toutes les bibliothèques de la région demeurent accessibles », soutient Michel Dubé.
Exemple d’exclusion
« Les personnes concernées ont ainsi accès à Internet, à des imprimantes, à leurs courriels. Sans compter que beaucoup s’intéressent réellement à la culture et profitent des prêts au comptoir. Je suis vraiment déçu. Pour une personne seule, qui essaye de s’en sortir, c’est vraiment difficile et il faudrait penser à ces gens-là. Quand on parle de l’exclusion sociale des personnes en situation de pauvreté, on en a un bel exemple. Entre mars et aujourd’hui, l’accès à la bibliothèque Lisette-Morin a été rétabli temporairement, mais puisqu’il y avait des travaux, elle a été fermée longtemps. On a eu accès au mois de novembre, un petit peu, mais depuis la mi-décembre, l’accès est interdit », croit le travailleur communautaire.
Auprès du député
Puisque le dossier relève du gouvernement provincial, Michel Dubé fera des démarches auprès du député Harold LeBel.
« Ça paraît qu’il y a de plus en plus de gens isolés. On voyait beaucoup de monde chez Action populaire Rimouski-Neigette, tous les jours, d’habitude, mais là, il y a beaucoup de gens desquels je n’ai pas eu de nouvelles depuis longtemps. J’espère que mon intervention va aider à faire avancer les choses. Je crois que nous sommes le premier groupe communautaire à soulever ce dossier ce matin. Je crois que les regroupements provinciaux ont commencé aussi une campagne de communication à ce sujet. De mon côté, c’est certain que monsieur LeBel sera interpellé », souligne-t-il.
Autres impacts
Les autres impacts sur la vie des personnes pauvres sont nombreux, selon lui.
« Depuis le début de la pandémie, quand il y a eu des changements de saison, les friperies ont fermé. L’acquisition de vêtements à faible coût a été une problématique. Tout comme la participation des gens au bénévolat qui leur fait beaucoup de bien. Leur implication sociale a disparu. Toutes les rencontres pour les aider, ça n’existe plus. Tous les milieux de vie, toute l’aide alimentaire ont été affectés. Mais par-dessus tout, ce que je crains, c’est l’isolement social », indique monsieur Dubé en terminant.